À l’occasion des 42e Journées européennes du patrimoine, le Centre interdisciplinaire de conservation et restauration du patrimoine (CICRP) ouvre ses portes au public. En avant première, Gomet’ est allé à la rencontre de ces hommes et femmes qui mettent leur science et leur savoir-faire au service de l’art. Discrètement mais efficacement.
Studio photographique et radiographique, caméras à infra-rouge ou rayons X, appareil de chromatographie phase gazeuse complétée à la spectrométrie de masse… : si cela ressemble à une liste d’équipements aperçus dans de célèbres séries télévisées, au CICRP, c’est du concret puisqu’il s’agit d’analyser des œuvres d’art pour combattre les effets du temps.
Entre bureaux, ateliers et laboratoires, répartis sur 6 500 m2, une trentaine de personnes s’affaire quotidiennement au chevet d’œuvres picturales ou sculpturales. Et ce sont près de 300 pièces – anciennes et contemporaines – qui sont accueillies chaque année, pour constituer a minima leur dossier photographique et une analyse chimique, jusqu’à permettre, selon les besoins, aux restaurateurs-conservateurs de venir travailler sur place et bénéficier d’espaces et d’outils performants. « Nous ne sommes pas un espace de co-working, explique Dominique Vingtain, directrice du CICRP. Nous ne contrôlons pas le travail du restaurateur mais nous sommes là pour accompagner et faire en sorte que tout se déroule dans un processus collégial d’examen de l’œuvre et de prise de décision ».
Créé en 2002 à Marseille (*) et installé dans l’ancienne Manufacture des tabacs à la Belle-de-mai, le CICRP est devenu un acteur incontournable dans la préservation des œuvres d’art de la région. À la croisée des sciences, des techniques et de l’histoire de l’art, il accompagne les musées, les collectivités et les institutions dans la sauvegarde de ce patrimoine.
« En effet, poursuit Dominique Vingtain, nous apportons une assistance scientifique et technique à toutes les collectivités territoriales qui en font la demande pour leurs œuvres protégées au titre de monuments historiques et à tous les musées labellisés Musées de France. C’est la partie majeure de notre activité et pour laquelle nous sommes très identifiés par les acteurs culturels mais plutôt invisibles pour le grand public. En participant depuis 2023 aux Journées européennes du patrimoine, nous avons pour objectif de plus ancrer le centre dans son territoire et de rencontrer le public, toujours curieux de découvrir notre travail. »
Le CIRCP au chevet des œuvres, au-delà de la région
Récemment le CIRCP a participé à la découverte des peintures murales dans la maison de Cezanne, au Jas-de-Bouffan. Dans un autre domaine, il a été appelé pour mener une exploration acoustique sur la statue du David du Prado, à Marseille, afin de connaître la profondeur d’une fissure dans son marbre.
Les exemples d’intervention sont nombreux et variés à souhait, ce qui montre l’importance de ses missions, localement, nationalement voire internationalement. Ainsi le CICRP a travaillé sur les fresques du palais princier de Monaco, il intervient souvent pour la collectivité corse et pour la Drac Occitanie. Il vient de signer une convention avec celle d’Auvergne-Rhône Alpes, en prépare une autre pour le site de Tanis en Égypte.
« Il peut y avoir des demandes de toutes petites communes comme celle que nous avons eue pour un retable du XVe siècle qui était dans un état exceptionnel par la commune d’Usson dans le Puy-de-Dôme ». Si toute demande en région est gratuite, au-delà une participation financière est facturée « car, précise Dominique Vingtain, les subventions de la Ville de Marseille, de la Région et du Département n’ont pas pour vocation de subvenir aux besoins des autres territoires mais cela reste dans un coût raisonnable au regard des services ».
Un pôle unique en France dédié aux « croqueurs de patrimoine »
Parmi ses domaines d’expertise, le CICRP comprend un pôle unique en France dédié à l’étude des « croqueurs de patrimoine » comme les appelle Fabien Fohrer, entomologiste lui aussi unique, et qui a créé une base de données accessible à tous sur près d’une quarantaine d’espèces d’insectes nuisibles (voir lien plus bas).
« Pour bien restaurer, il faut prendre son temps et pas simplement employer des produits. Il faut aussi se forger une opinion face à l’œuvre. Certaines œuvres peuvent se révéler plus complexes. Chaque œuvre qui passe entre nos mains est un cas d’étude qui nourrit toute l’équipe et s’inscrit alors dans notre seconde mission : la recherche », conclut Dominique Vingtain.
Des huiles essentielles pour nettoyer les façades en pierre, de l’agar-agar pour gommer délicatement sur les toiles… : aujourd’hui, les préoccupations se portent également sur l’utilisation des produits chimiques, à la fois pour une meilleure santé des œuvres mais aussi pour celle des restaurateurs. Et depuis l’an passé, au centre de la cour, un jardin thématique a pris place avec une collection en devenir de plantes pour la production picturale. Une façon de faire revivre les produits d’antan pour mieux les étudier.
Liens utiles :
Pour découvrir le CICRP ou s’inscrire à la Journée européenne du CICRP le samedi 20 septembre
Pour consulter la base de données sur les insectes nuisibles pour le patrimoine
D’autres événements et visites à l’occasion des Journées européennes du patrimoine dans notre rubrique loisirs
(*) Le CICRP est un GIP créé en partenariat avec le ministère de la Culture, la ville de Marseille, le conseil général des Bouches-du-Rhône et le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur.