Nicolas Ferras, directeur du centre d’expertise en agri-énergies d’Ombrea, revient sur l’acquisition de la start-up aixoise et dresse les perspectives de l’activité dédiée au monde agricole. Un entretien réalisé en décembre 2024 pour notre cahier consacré à l’énergie solaire et que nous publions aujourd’hui sur notre site à l’occasion de l’actualité du salon de l’agriculture qui se déroule en ce moment à Paris.
Vous avez acquis Ombrea l’année dernière pour développer l’activité d’agrivoltaïsme de TotalEnergies. Où en est-on aujourd’hui ?
Nicolas Ferras : L’acquisition d’Ombrea s’est faite en 2023 à l’issue d’un partenariat qui avait débuté en 2019. Les deux entreprises se connaissaient bien. Un an après, l’intégration se poursuit et se passe bien. Il faut souligner aussi le contexte externe avec une loi d’accélération sur les énergies renouvelables qui est venue définir notamment les enjeux sur l’agrivoltaïsme et ce que sera demain l’agrivoltaïsme. Ce n’est pas anodin que le législateur vienne apporter une structuration. Elle est affinée par les décrets d’application qui sont en cours de publication depuis le début de l’année. L’acquisition d’Ombrea a donc coïncidé avec la mise en place de ce cadre législatif favorable au développement de l’agrivoltaïsme.
TotalEnergies avait débuté ses activités dans le secteur depuis 2019 avec des premiers projets pilotes. Ombrea est venu apporter une brique supplémentaire notamment dans la compréhension, la mesure et la gestion de la co-activité entre production agricole et production d’électricité décarbonée. C’est important d’avoir des collaborateurs qui connaissent bien ce monde agricole et qui peuvent parler le même langage. Il y a très peu d’énergéticiens en France qui ont une telle équipe capable de dialoguer ainsi avec le secteur. Aujourd’hui, l’activité mobilise une quarantaine de personnes qui gère des projets en France et aussi à l’international. Né en France, l’agrivoltaïsme se développe en effet au niveau européen en Allemagne ou en Italie et en Asie. Le siège d’Aix-en-Provence a été conforté en devenant le centre d’expertise international de TotalEnergies sur la thématique.
L’agrivoltaïsme apporte beaucoup de services aux exploitants
Quelle est votre feuille de route ?
Nicolas Ferras : L’agrivoltaïsme apporte beaucoup de services aux exploitants. Il permet de produire sur des schémas industriels mais aussi répondre aux contraintes agricoles. On vise, en 2030, un gigawatt de projets en exploitation. Nous avons d’ores et déjà 800 mégawatts de projets en développement. Notre rythme va s’accélérer à partir de 2026 avec 200 mégawatts mis en service par an. Nous sommes en ligne avec notre trajectoire. Nous sommes bien équipés. Nous avons fait le choix d’intégrer avec Ombrea les compétences nécessaires. Un projet agrivoltaïque met environ trois à quatre ans à être développé et va durer plus de trente ans en exploitation. Pour un agriculteur, c’est quasiment les deux tiers voire les trois quarts de toute sa vie professionnelle. Et on ne peut pas créer une relation de long terme sans avoir les équipes pour accompagner tout au long de la vie des projets.
Quelles sont les spécificités de votre offre sur le marché de l’agrivoltaïsme ?
Nicolas Ferras : D’abord, nous n’avons pas attendu l’agrivoltaïsme pour être un partenaire du monde agricole. Cela fait des dizaines d’années que TotalEnergies est fournisseur des fermes françaises, avec un réseau de proximité très implanté (carburants, lubrifiants, etc), sur des activités plus classiques de fournisseur d’énergie qui sont indispensables à l’activité agricole. Ensuite, nous sommes un partenaire pérenne qui met une relation durable avec les exploitants. Enfin, nous ne travaillons pas seuls. Nous avons noué des partenariats avec des coopératives agricoles qui viennent nous aider dans la phase d’identification des projets et des territoires. Qui mieux pour savoir quelles sont les exploitations les plus aptes à accueillir les projets que ces partenaires qui sont au quotidien avec les agriculteurs ?
Ces opérations ne s’adressent pas à tout le monde. Il faut une véritable stratégie chez l’exploitant ou chez les exploitants. On aime bien les projets collectifs. Il faut pouvoir les connaître et opérer avec eux. Les liens sont forts avec La coopérative des coopératives InVivo. Nous avons un partenariat historique, plus de 40 ans, avec les Jeunes agriculteurs, et on a signé en 2022 un accord structurant avec la FNSEA, le premier syndicat de France. En local, nous avons des partenariats comme avec la coopérative Durantia en Provence Alpes-Côte d’Azur ou Dijon céréales dans l’est de la France.
Quelles sont les filières privilégiées pour le développement de l’agrivoltaïsme ?
Nicolas Ferras : Nous considérons qu’il n’y pas une agriculture mais des agricultures. L’agrivoltaïsme doit apporter une véritable valeur ajoutée comme pour la filière élevage. En créant des micro-climats pour lutter contre la sécheresse, on évite le stress hydrique de la production fourragère et on arrive à fournir une quantité de fourrage bien plus importante que s’il n’y avait pas d’ombrage créé par la solution agrivoltaïque. Les grandes cultures sont également très concernées. Les évolutions climatiques entraînent des périodes critiques, notamment en mai-juin. Nous sommes en train de mener de grands projets sur les céréales qui, en créant des micro-climats, doivent permettre de sécuriser le rendement et donc stabiliser le revenu et la qualité de production pour l’agriculteur. La 3e filière, la plus connue dans la région notamment, est l’arboriculture et aussi la vigne.
La valeur est aussi évidente face aux fortes chaleurs et aux canicules. Mais c’est plus complexe d’installer les structures en raison de la taille des exploitations et des réserves paysagères. L’enjeu est d’établir un modèle économique à la fois agricole et énergétique (point de raccordement, taille,…). La question n’est pas de trouver du foncier mais de bien choisir les terrains sur lesquels ont doit faire les projets.
Une approche agri-énergies qui regroupe les offres à destination du monde agricole
Quid du financement des projets ?
Nicolas Ferras : La première force de ces projets, c’est la durée de 30 à 35 ans. Les agriculteurs sont fortement démarchés. Il leur faut un acteur qui soit là chaque jour et pour longtemps, fiable et durable. Il leur faut aussi un partenaire qui soit capable de les comprendre. Le projet d’agrivoltaïsme doit s’adapter à la stratégie de l’exploitant et pas l’inverse. L’agriculteur veut aussi que l’équipement soit mis rapidement en service pour son exploitation et pour générer des revenus complémentaires. L’une des clefs du succès est de travailler collectivement dans la phase préalable en associant un collectif (pool d’agriculteurs, acteurs publics du territoire comme les mairies ou les intercommunalités) qui peut monter à la gouvernance des sociétés de projet.
La compagnie TotalEnergies est de ce point de vue très forte car c’est une entreprise historique, solide, fortement ancrée dans les territoires et qui s’inscrit donc dans le temps long des projets ENR. Nous assumons la phase d’études et de développement sans risques pour les exploitants et proposons des solutions de revenus, dans un contexte toujours incertain de taux et de prix de l’énergie, grâce à différentes formules. En dehors des systèmes de tarification classique avec la Commission de régulation de l’énergie, on peut mettre en place des dispositifs plus innovants en allant sur les marchés ou avec des corporate PPA. Nous sommes capables de limiter les risques inhérent aux projets en assistant le partenaire dans toutes les phases des projets.
Est-ce qu’il y a des synergies avec les autres activités de TotalEnergies ?
Nicolas Ferras : Nous avons lancé dès 2021 une approche agri-énergies qui regroupe nos offres à destination du monde agricole. C’est une démarche commune et coordonnée de nos différentes branches. Car l’acteur agricole va considérer l’agrivoltaïsme, la méthanisation, les biocarburants comme un ensemble de valorisation possible de ses actifs dans une perspective énergétique. C’est une force de TotalEnergies d’arriver avec une offre packagée sur l’ensemble des thématiques. Et c’est aussi une nouvelle positive pour un secteur qui est en transition avec les difficultés que l’on connaît. Nous sommes fiers de pouvoir apporter de nouvelles perspectives.
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