Ils sont 21. 21 artistes réunis au Mucem dans le cadre de l’exposition Europa, Oxalà (*). Certains sont nés en France, au Portugal, d’autres arrivés très jeunes en Europe, du Congo, du Burundi, d’Algérie, de Madagascar, d’Angola, de Guinée-Bissau. Ils ont comme point commun des origines familiales dans les anciennes colonies. Chacun, à travers sa pratique artistique, interroge alors cette mémoire transmise par les parents ou grands-parents, certains mènent des recherches, pour livrer leur vision de cette Europe qui est la leur et où le passé et le présent ne se conjuguent pas sans faute. Complexe.
Pour les visiteurs, c’est aussi l’occasion de découvrir de jeunes artistes de talent, des œuvres d’une grande diversité dont l’éclectisme reflète la richesse de ces racines multiples. À l’instar de Malala Andrialavidrazana. Dans ses photomontages de grand format, pour interroger notre regard sur l’Histoire, elle mixe sur fond de cartes obsolètes, tout un foisonnement d’images et crée ainsi un langage pictural singulier.
Trou de mémoire, l’installation photographique de l’artiste franco-algérienne Katia Kameli sur le Grand Pavois, illustre son travail « sur l’hybridité entre les identités dans un mouvement critique à l’endroit qui les fige ». Ce monument, érigé à Alger en 1928 pour rendre hommage aux morts algérois, algériens et français de la Première Guerre mondiale, fut recouvert en 1978 par un coffrage en béton dans lequel sont sculptées deux mains brisant les chaines. Mais ce coffrage présente aujourd’hui des fissures qui laissent entrevoir l’œuvre originale. L’artiste, également l’une des commissaires de l’exposition, y a inséré des cartes postales de l’époque« à contre-courant de l’effacement prôné par les appels actuels à la suppression des vestiges du passé colonial ». Est projeté également son Roman algérien que nous avions pu découvrir il y a quelques mois au Frac Provence Alpes Côte d’Azur.
Europa, Oxalà : entre intime et collectif
De couleur rouge violacée, les deux grands portraits réalisés par Pedro A.H. Paixão se repèrent de loin et attirent indéniablement le visiteur d’Europa Oxalà qui se demande comment sont-ils réalisés ? Aux crayons de couleurs, tout simplement. De près, des détails surprennent : un serpent autour du cou et un pistolet sur les genoux de cette femme à la peau foncée et au regard fixe qui rappellent les accessoires mis en avant dans les portraits familiaux du XVIIIe et XIXe siècles. La Lumpera est l’arrière grand-mère de l’artiste, née d’une mère angolaise inconnue et d’un père portugais. Sur le second tableau, un homme penché sur ses mains porte une tête. Il pentito est un autoportrait exécuté avec la même dextérité.
Parfaite maîtrise picturale également pour Marcio Carvalho qui imagine des combats entre athlètes des Jeux olympiques, en l’occurrence des judokas, et personnalités historiques impliquées dans la colonisation du pays des premiers. Une autre façon originale d’aborder le sujet.
(*) Oxalà, expression portugaise équivalente à “Si Dieu le veut”, NDLR
Informations pratiques et liens utiles
Exposition Europa, Oxalà jusqu’au 16 janvier 2022
Mucem – Fort Saint-Jean – Marseille 2e
De 10h à 18h, tous les jours sauf le mardi et le 25 décembre,
L’entrée du public, à partir de 12 ans, est soumise à la présentation d’un pass sanitaire format numérique ou papier
Samedi 27 novembre 2021 :
> à 14h : Rencontre-lecture avec Isabel Figueiredo, auteure du roman Carnet de mémoires coloniales
> à 16h30 : Les petites épouses des blancs / Histoires de mariages noirs – Spectacle-documentaire de Marisa Gnondaho dit Simon et de Stéphane Olry (
> à 19h : Performances slam et danse, soirée carte blanche à Bintou Dembélé et Lisette Lombé
Dimanche 28 novembre :
> 15h : Projection à l’auditorium du film Clair de Terre de Guy Gilles
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