Depuis leur apparition sur la scène politique, on savait les écologistes quelque peu foutraques. Prompts à se diviser, incohérents sur nombre de leurs choix sociétaux, jamais économes d’une formule abracadabrantesque… bref, un parti singulier où les egos sont, à tout moment, capables de sortie de route et en toute logique de déroute.
Marine Tondelier, leur tête d’affiche incontestée puisqu’auto-proclamée incontestable, s’est imposée, notamment en raison du pugnace combat qu’elle mène sur les terres nordiques du Rassemblement National et de Marine Le Pen. Elle se veut capitaine tenant fermement la barre et souquant rudement pour repousser les courants contraires.
L’avocat Julien Bayou, potentiel concurrent de la patronne d’Europe Ecologie les Verts, a mesuré à quel point il était difficile de s’opposer à ce rouleau compresseur. Même s’il a été lavé par la justice des soupçons de harcèlement qu’une de ses compagnes faisait peser sur lui, il n’a jamais pu plaider sa cause au sein de sa famille politique.
C’est que Marine Tondelier partage avec Jean-Luc Mélenchon, avec qui elle souhaite toujours s’allier pour les prochaines échéances électorales, le goût d’un pouvoir sans partage. C’est à l’aune de cette manière de gouverner, un poil stalinienne, qu’il faut appréhender les révélations du Figaro qui a publié une lettre a priori interne signée par treize élus et militants écologistes de Marseille.
Barles, Rubirola, Kessaci, Benarroche… autant de nuances de vert
Ils dénonçaient auprès de leur patronne des manœuvres visant à pousser les écologistes à rallier Benoît Payan, dans la perspective de 2026. Mme Tondelier, qui connait bien les médias n’ignore sans doute pas l’origine de cette fuite, n’a pas dû bouder son plaisir. Surtout en découvrant le nom de Michèle Rubirola parmi les signataires. Pire, l’allusion à une « élection volée » par Payan et ses troupes apparait en filigrane de ses lignes accusatrices.
L’inexpérimenté Amine Kessaci, qui a raté de peu son élection aux dernières législatives, est tombé dans ce qui a tout l’air d’un piège. Il a affirmé que « les écologistes décident pour les écologistes » et que « personne ne viendra le faire à leur place ». Plus embarrassée Mme Rubirola s’est quant à elle fendue d’un démenti arguant qu’elle n’avait pas « validé » la fameuse missive.
Dans cette même mouvance, Sébastien Barles qui s’était présenté hors du Printemps marseillais se délecte bien évidemment de cet épisode, alors que, dans le même temps, le sénateur écologiste Guy Benarroche y décèle une faute. Essayer d’y voir plus clair relève ou de la psychologie de groupe ou peut-être même de l’astrologie, tant ce parti marseillais aux militants clairsemés a l’art de se perdre dans des polémiques torrides, à l’heure où l’urgence reste le réchauffement de la planète. Quoi qu’il en soit c’est ce genre de détail qui peut gripper l’histoire à venir en rendant, sous les regards amusés des Insoumis, de la droite et du Rassemblement national, la tâche du Printemps marseillais très compliquée.
C’est aussi un détail qui est venu perturber la gourmandise de Franck Allisio et Stéphane Ravier, alors qu’un sondage de l’Ipsos commandé par le professeur Fréderic Collart (divers droite), venait confirmer la grande forme de l’extrême droite à Marseille. Plus de 30% si l’on additionne les intentions de vote pour le Rassemblement National à celles du micro-parti local de Ravier.
C’était sans compter sur Monique Griséti, députée de la 1ère circonscription des Bouches-du-Rhône. Cette sexagénaire qui est la tante de Franck Allisio, avait certes fait la démonstration qu’à force de se taire les électeurs avaient fini par l’entendre. Elle a conquis une terre autrefois dévolue à la sénatrice LR Valérie Boyer, en évitant toute apparition médiatique autant que les réunions publiques. Elle avait échappé à la purge organisée par Marine Le Pen pour dédiaboliser le RN et rejeter définitivement dans les poubelles de l’Histoire les errances verbales de son père.
La députée Monique Griséti, Maître Gims et l’assassinat de Puget-sur-Argens
C’était sans compter sur « un point de détail ». Mme Griséti, même si son neveu la défend aujourd’hui, avait du mal à taire sa xénophobie et ses penchants complotistes s’en prenant par exemple au rappeur congolais Me Gims, qu’elle imaginait volontiers OQTF en exigeant sur les réseaux sociaux « qu’il retourne d’où il vient et qu’il ramène toute sa tribu avec lui » (*).
L’infâme assassinat d’un coiffeur tunisien dans le Var (Puget-sur-Argens) par un fou de la gâchette, désormais mis en examen pour « terrorisme », est venu attester des obsessions de la députée puisque son nom figurait parmi les 11 500 membres d’un groupe privé sur Facebook. Le tueur du Puget en était et y exprimait, sans être contesté, sa haine viscérale et des menaces patentes de passage à l’acte.
Le RN a tenté de défendre sa parlementaire, affirmant qu’elle ne souscrivait pas aux élucubrations racistes diffusées d’abondance par le tueur varois. A La Valentine sa permanence s’est installée en lieu et place d’une boucherie. Peut-être un signe prémonitoire ? En attendant les lepénistes ou bardellistes vont devoir ramer pour expliquer que tata Griséti est sincère lorsqu’elle affirme qu’elle a quitté le réseau social incriminé en raison des propos qu’elle trouve aujourd’hui « nauséabonds ».
Autre détail qui peut compter dans la préparation des élections locales à venir le bilan législatif des élus Insoumis. On le sait LFI s’apprête à engager un bras de fer avec les socialistes et les écologistes pour dépasser le rendez-vous des municipales et instiller dans le débat le poison de la présidentielle.
La récente réélection étriquée d’Olivier Faure comme Premier secrétaire du Parti Socialiste indique que le PS évitera, pour sauver ce qui peut l’être, de bousculer frontalement ce qui reste du Nouveau Front Populaire. Faure affirme pourtant aujourd’hui que Mélenchon est « le plus mauvais candidat au second tour pour la gauche ».
Marine Tondelier qui a souvent emprunté à la sémantique insoumise – « on va faire la ZAD à l’Assemblée » ou encore « nous voulons une France sans milliardaires » – devrait elle aussi emprunter ce chemin étroit pour garantir la réélection de quelques grands élus (Bordeaux, Lyon, Grenoble, Strasbourg).
LFI et la candidature de Mélenchon en… 2027
A Marseille, les uns et les autres, devront, s’ils s’engageaient dans ces négociations, fermer les yeux sur les méthodes de terrain d’un Sébastien Delogu ou le désintérêt pour les problématiques locales d’un Manuel Bompard. Quelques récentes littératures témoignent qu’un seul objectif mobilise LFI : la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2027.
Et ceux qui s’intéressent au parcours marseillais du « lider maximo » insoumis, député à Marseille une législature durant (2017-2022), constateront qu’il n’a pas laissé de traces. Mélenchon étant peu présent dans sa permanence avouait même que les trajets entre la capitale et sa ville d’adoption le « fatiguaient ». Mais que ne ferait-on (ou pas) pour une circonscription (la 4ème des Bouches-du-Rhône) jugée « confortable » pour la gauche et où, selon Bompard, 50% de la population se situe au-dessous du seuil de pauvreté. Qu’on se le dise, les Insoumis ne se soumettront pas aux impératifs des municipales. Ils voient plus loin et la présidentielle est tout sauf un détail pour eux.
L’actualité récente démontre finalement une seule chose : c’est parfois dans les détails que se niche la vérité et l’enfer n’est pas toujours les autres.
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