Le deuxième vignoble de France, les vins des Côtes-du-Rhône, se mobilise avec l’oenotourisme pour optimiser et pérenniser les fruits du terroir. L’export et la grande distribution représentent 70% des ventes et sont massivement tirés par la vente des vins rouges d’abord, à 75%, et des rosés qui représentent 16 % de la production. Et la distribution dite traditionnelle, qui regroupe les CHR, cafés hôtels-restaurants et la vente directe, représente 22% des trois millions d’hectolitres vendus. Dont environ 10% pour la vente directe. Un dixième c’est peu, mais c’est ce type de vente qui laisse le plus de marge aux producteurs.
Les vignobles ont multiplié les ventes directes à la cave, en s’organisant pour séduire le chaland. Les plus avancés développent les activités d’œnotourisme qui fidélisent le client et lui offrent une expérience inoubliable du vignoble et de la vinification.
Se convertir au « slow tourisme »
Inter Rhône, l’interprofession qui rassemble les professionnels de la viticulture et du négoce de la Vallée du Rhône (1) incite depuis une dizaine d’années les professionnels à s’engager dans cette voie avec une journée annuelle d’échanges et de formation, les Rendez-vous de l’œnotourisme, un évènement professionnel devenu incontournable.
Cette année, les professionnels se sont réunis au Palais des papes autour du thème du tourisme durable. Le consultant d’Inter Rhône, les a invités à se convertir au « slow tourisme ». Adieu le parking pour car avec ses 50 touristes qui déboulent pour faire un selfie devant un tonneau et remontent fissa vers l’étape suivante. « Il faut, dit-il réenchanter l’expérience du visiteur, ménager l’effet waouh, créer la surprise. » Cette mutation de l’offre est bénéfique pour la cave témoignent des professionnels. Un achat moyen de deux bouteilles sera multiplié par cinq ou dix, si le voyageur a vécu un moment intense et unique. Deux conditions pour réussir dans l’oenotourisme : toujours prendre le temps d’accompagner, d’écouter, d’expliquer, de partager et faire vivre une expérience émotionnelle.
Les vignerons ne manquent pas d’imagination. Le Domaine de la Tuilière dans le Luberon propose des rencontres littéraires. Ancienne fabrique de tuiles, la Tuilière est aujourd’hui une demeure « d’hôtes de charme » et un domaine viticole et oléicole. Le Mas Caron mixe lui aussi hébergement, mais en gîte et une exploitation de 11 hectares. Repas et balades pédagogiques dans le vignoble attirent dans ce domaine du Ventoux repris par un couple parisien, Cerise et Marc Boulon.
Oenotourisme : une visite vintage des Dentelles de Montmirail
Le Château de Sannes implanté dans le parc régional du Luberon associe le patrimoine du domaine, ses jardins à la française avec des sentiers vers les moulins à vent ou dans les truffières et oliveraies. Et si le stress est encore là vous pourrez vous initier à la sylvothérapie ou pratiquer le yoga dans les vignes. À Beaumes-de-Venise dans le Vaucluse, le Domaine du Rocher des Dames, accueille vos nuits dans un insolite gîte tonneau.
Le Domaine de Poulvarel, situé à 6 km du Pont du Gard, propose une activité plus insolite : la visite des tunnels antiques romains situés à Sernhac. Cyclistes et randonneurs sont également les bienvenus pour une boucle de l’Aqueduc. Le domaine Saint Luc, dans la Drome, organise en saison, des week-ends autour de la truffe. Le Mas des Tourelles à Beaucaire reconstitue des vendanges romaines, comme si vous y étiez, avec foulage et pressurage du raisin dans la cave gallo-romaine reconstituée. Le domaine de Rocheville à Nyons offre, lui, simplement une aire d’accueil pour camping-car avec branchement électrique. Fred Haut, patron du Domaine de la Tourade à Gigondas fait partager sa nostalgie des sixties avec une visite à bord d’un combi Volkswagen d’époque du vignoble accroché sur les flancs des Dentelles de Montmirail.
Cyclotourisme et oenotourisme : +20% de fréquentation
Le cyclotourisme est une voie de développement. Les caves, les gîtes et chambres doivent s’adapter et offrir un abri à vélo et des bornes de recharges pour les batteries. La sélection d’une exploitation sur un réseau référencé de cyclotourisme, sur les véloroutes, génère une augmentation de fréquentation de 20%.
Le président depuis un an d’Inter-Rhône,Philippe Pellaton, vigneron, à la tête d’une coopérative, la Maison Sinnae à Chusclan, veut prendre le virage vers un tourisme respectueux et durable. « Aujourd’hui, dit-il, les vignerons de la vallée du Rhône sont déjà très engagés sur les critères de durabilité sur la partie production notamment par la mise en place de chartes paysagères et environnementales, de différents labels, etc. Il est nécessaire de gagner en cohérence et d’orienter en douceur vers l’intégration de critères environnementaux dans la mise en place d’actions ou d’évènements œnotouristiques. Plus de 500 entreprises des Vignobles de la Vallée du Rhône respectent la charte de qualitéé d’accueil au caveau, parmi lesquelles 85 sont lauréates de la distinction Œnotourisme » se félicite Philippe Pellaton.
La créativité en oenotourisme des 5 000 exploitants se déploient sur un terroir étendu, qui part des Costières de Nîmes passe au Luberon, inclut le Vivarais, fait un détour par la clairette de Die et remonte jusqu’à Vienne avec les vins de l’Hermitage. Hébergement, mobilité, restauration et visites sont les ingrédients de cette diversification et d’une attractivité nouvelle des vignobles du Rhône.
Une offre oenotouristique labellisée
La liste s’allonge chaque année avec les « Rendez-vous Terroirs » une offre oenotouristique labellisée par la démarche Inter Rhône. Depuis 2014, Inter Rhône décerne une « distinction œnotourisme » afin de rendre l’offre oenotouristique rhodanienne plus lisible auprès des tour-opérateurs et aussi des touristes français et étrangers qui souhaitent découvrir le vignoble autrement. Les offres sont commercialisables pour la prochaine saison touristique, recensées sur le site www.vins-rhone-tourisme.fr et matérialisées par une feuille dorée apposée sur une plaque à l’entrée du caveau.
Face à la déconsommation des vins, notre économie doit se réinventer
Philippe Pellaton
Reste la question du financement et de l’équilibre économique de cet oenotourisme durable. « Ça prend du temps reconnaissent les professionnels, tout se fait sur une base humaine de convivialité. C’est un pari sur l’avenir » Entre la tarification des balades, les kits « visite dégustation », les concerts, les viticulteurs tentent d’amortir l’investissement. Ceux qui s’en sortent le mieux ont conçu l’activité « hôtelière », non comme un simple appoint, mais comme une ressource et un business à part entière.
Mais tous reconnaissent que la fidélisation du public passe par ce slow tourisme. « Face à la déconsommation des vins notre économie doit se réinventer », affirme Philippe Pellaton.
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(1) Les vins des AOC de la région : Côtes du Rhône (régional, villages ou Crus), des Costières de Nîmes, Clairette de Bellegarde, Luberon, Ventoux, Grignan les Adhémar, Côtes du Vivarais, Duché d’Uzès, Château-Grillet, Crémant de Die, Clairette de Die, Chatillon en Diois, Coteaux de Die, des vins doux naturels Muscat de Beaumes de Venise et Rasteau et des Eaux de vie de vins des Côtes du Rhône ou Fine des Côtes du Rhône.