Flash-back : au lendemain de la douloureuse réforme des retraites, le gouvernement d’Élisabeth Borne et son ministre du Travail Olivier Dussopt avaient été chargés de renouer le dialogue avec les partenaires sociaux et donc d’engager des négociations sur ce qui devait devenir le nouveau « pacte de la vie au travail ». Un cycle de négociations devait s’engager à partir de l’automne 2023, une feuille de route que nous publions ci-dessous en document source a été envoyée le 21 novembre 2023 aux partenaires sociaux. Au menu : l’emploi des seniors, le compte épargne temps universel, les parcours professionnels, l’usure professionnelle, les reconversions.
Les organisations syndicales et patronales ont engagé les premières réunions et les négociations ont commencé le 2 février. Comme toujours dans ces négociations sociales l’attitude du ministère du Travail est décisive, il peut, encourager, laisser filer, menacer d’agir par la loi, s’engager, tel que l’avait fait Élisabeth Borne, à légiférer dans le sens exact de ce qui serait négocié et acquis par les partenaires sociaux.
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On devine aisément qu’avec les bouleversements gouvernementaux le cadre initial s’est délité
Pourtant le calendrier s’accélère, la sixième séance de négociation a eu lieu le 23 février 2024, la suivante, le 1er mars, est consacrée à tous les sujets de la négociation (emploi des seniors, usure, transition et reconversion professionnelles, et le Cetu). La séance du 7 mars devrait examiner un projet d’accord à débattre le 20 mars et, enfin, le 26 mars, devrait être la séance conclusive de cette négociation. Nul ne sait ce que la nouvelle ministre du Travail, Catherine Vautrin veut donner comme impulsion. Seuls le Premier ministre et surtout le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, semblent à la manœuvre. Bercy a surtout demandé de raboter les mesures jugées incitatives à un départ anticipé à la retraite avec us et abus des droits au chômage.
Bercy avait déjà obtenu que dans la lettre de cadrage les partenaires sociaux n’adoptent que des mesures qui ne coûtent pas un centime d’euro au budget de l’État
Un taux d’emploi de 33% : deux tiers des 60/64 ans sont sans emploi
Il y a pourtant urgence. La réforme des retraites met sur le marché deux années de travail de seniors ayant entre 62 et 64 ans alors que les scores de la France sont parmi les plus mauvais d’Europe. Le taux d’emploi des seniors progresse un peu depuis les années 2000 mais, il reste très inférieur pour cette tranche d’âge 60/64 ans (33 %) à la moyenne de l’Union européenne (46,4 %). Il est de 61 % en Allemagne et de près de 70 % en Suède.
Patronat contre syndicats deux visions
Si le diagnostic semble être partagé entre les partenaires sociaux, les propositions sont caricaturalement en opposition frontale. Le patronat est totalement opposé à la proposition voulue par le président de la République du compte épargne temps universel.
Le CETU doit faciliter pour chacun l’articulation entre la gestion de sa carrière et de ses temps de vie, quels que soient son statut et son parcours professionnel. Le CETU serait géré de manière centralisée par un opérateur tiers (paritaire pour la CFDT) afin de faciliter sa gestion et la portabilité́ en cas de changement d’employeur.
La Cpme a proposé un « contrat senior » qui serait aidé au niveau des charges sociales. Elle est soutenue par le Medef, mais l’ensemble des syndicats de salariés y est opposé.
Globalement les syndicats salariés veulent discuter en premier lieu des conditions de travail, la clé pour maintenir les seniors en activité, tandis que côté patronal on souhaite des mesures d’attractivité pour faciliter les embauches.
L’Unsa, « avant de parler d’emplois, veut instaurer des aménagements de fin de carrière (sortie des emplois pénibles, tutorat, droit à la retraite progressive opposable, retour des critères de pénibilités supprimés en 2017, etc.) » La CGT souhaite « désinciter au licenciement des seniors avec en cas de licenciement d’un salarié de plus de 50 ans, obligation pour l’entreprise de verser les cotisations sociales qui auraient été normalement dues jusqu’à l’âge légal de la retraite et augmenter le coût des ruptures conventionnelles pour les seniors ».
En l’état actuel des choses il semble bien que les partenaires sociaux jouent la touche, chacun restant sur sa position, alors que les mesures nécessaires pour adapter les postes de travail, leur rémunération et leur durée demandent des discussions très techniques, mais avec un minimum de consensus de part et d’autre. L’index senior retoqué par le Conseil constitutionnel, les formations, le tutorat, la VAE, l’entretien de milieu de carrière, l’indemnisation des chômeurs de plus de 55 ans, ne pourront s’ajuster ainsi en quelques semaines. Affaires à suivre…