Installé depuis le début d’année 2023 sur le plateau de l’Arbois, son nouveau siège, l’opérateur de constellations de nanosatellites pour l’observation de la Terre, Prométhée, ne cache pas ses ambitions. La société néo-aixoise se positionne comme un fournisseur de technologies destinées à observer, comprendre et anticiper, depuis l’espace, un ensemble de risques ou de menaces.
Après avoir réuni près de 15 millions d’euros en trois ans, la jeune société, fondée en janvier 2020 par deux spécialistes du spatial, Olivier Piepsz et Giao-Minh Nguyen, espère décrocher six millions d’euros de contrats dans les jours à venir. De quoi boucler le financement de ses trois premiers nanosatellites (50 à 60 kg). « Tant qu’on n’a pas d’argent, on n’avance pas », sourit Olivier Piepsz, le président de Prométhée.
Contacté par la rédaction de Gomet’, cet ancien cadre chez Dassault Aviation (1998-2011), passé par le groupe Safran (2011-2021), souhaite « grandir très vite et très fort dans la région ». L’entrepreneur vise « plus de 250 millions de chiffre d’affaires », en ventes de services et d’infrastructures, à horizon 2027, une fois qu’il disposera d’au moins trois ou quatre constellations de satellites opérationnelles – soit un total d’environ 80 unités en orbite.
Prométhée vient de poser bagages au Technopôle de l’Arbois-Méditerranée, son nouveau « centre de réflexion (…) qui risque de croître ». Mais la start-up dispose de deux autres sites ; Paris pour le digital et Toulouse pour le spatial. Elle compte aujourd’hui près de 50 collaborateurs. Prométhée bénéficierait en outre, depuis l’été 2022, d’un « support très important » de la Région Sud, et particulièrement de son président, Renaud Muselier, « qui est très intéressé pour développer les capacités new space », soutient Olivier Piepsz.
Portée par ses principaux actionnaires, Hemeria, Comat, et Groupe ADF, la start-up Prométhée entretient déjà de bonnes relation avec les locaux : « on a signé des accords avec Naval Group (Ollioules) et Azuria (Sophia-Antipolis) sur l’intelligence artificielle », nous indique Olivier Piepsz. En revanche, il attend « le bon moment » pour présenter ses modèles et s’entretenir avec Rodolphe Saadé, le patron de CMA CGM, dont l’intérêt pour l’industrie spatiale n’est plus à démontrer. « On ne veut pas se rater, ce sera du one shot », ajoute-t-il.
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Prométhée s’inscrit dans la dynamique « New Space »
La société néo-aixoise, lauréate du Plan de relance, est issue de la filière “new space”. Une petite révolution numérique, née aux Etat-Unis, et suivie depuis quelques années par une grande partie de l’industrie aérospatiale mondiale. D’après le magazine Forbes, cette dynamique tend vers un accès aux données moins coûteux, notamment en raison de la miniaturisation des satellites, et simplifié, grâce à l’essor de l’intelligence artificielle. Les informations fournies par les solutions new space seraient même plus précises et plus fiables.
Si l’Oncle Sam bénéficie de « cinq ans d’avance dans le domaine (…) avec plus de cinq milliards investis par le gouvernent américain pour pousser les sociétés new space privées », Prométhée se considère aujourd’hui comme le seul Français « à la pointe de ce défi ». Avec sa solution de constellations, la start-up soutenue par le ministère de la Défense, le CNES, BPI France et l’Europe poursuit l’objectif de « démocratiser l’utilisation de l’imagerie satellitaire pour un monde plus sûr et plus durable » – son slogan. D’après Olivier Piepsz, cette quête est avant tout un « enjeu de souveraineté sur les données ».
Et pour se différencier de l’offre US, emmenée par le géant SpaceX, Prométhée propose un service deux en un. « On développe des verticales métier, on vend des données (…) et en parallèle, on propose de vendre tout le système à des pays émergents : les constellations, les satellites, centres de contrôles, plateforme agrégatives, et toutes les formations idoines », explique Olivier Piepsz. Prométhée veut, par ailleurs, monter progressivement une armée de data scientists pour se renforcer dans le traitement et l’analyse des données spatiales.
L’industrie spatiale au service de l’environnement ?
« Le dérèglement climatique et l’augmentation de l’activité humaine ont un impact direct sur les écosystèmes et les populations (…) Les constellations de nanosatellites sont aujourd’hui le seul moyen pour avoir un accès quasiment en temps réel à l’information à n’importe quel moment, n’importe où dans le monde. », renseigne Prométhée sur sa page Linkedin. La société a développé un outil de suivi du CO2, baptisé Carbon Tracker.
Une première constellation Prométhée fin 2025
Prométhée est sur la rampe de lancement. « On lance notre premier satellite ProtoMéthée-1 en octobre 2023 depuis Cap Kennedy (Floride), nous glisse Olivier Piepsz, et d’ajouter : le but c’est d’en envoyer deux de plus en 2024 (…) pour lancer notre première constellation fin 2025 ». Il estime que sa société devra lever entre 80 et 100 millions d’euros pour réaliser cette opération. L’entrepreneur compte sur l’appui de Bruno Bonell, le secrétaire général en charge de France 2030, mais aussi sur le soutien des gros investisseurs.
Dans le cadre du programme national France 2030, l’État prévoit d’allouer 1,5 milliard au développement de la filière spatiale. Le gouvernement souhaite notamment « rattraper le retard sur certains segments de marchés clés comme les lanceurs réutilisables ou les constellations et investir dans les nouveaux usages ». Près de 65 millions d’euros ont déjà été investis à travers un premier appel à projets.
« Le monde change et donc les besoins changent »
Concrètement, Prométhée se positionne comme un fournisseur de technologies destinées à observer, comprendre et anticiper, depuis l’espace, un ensemble de risques – notamment liés au dérèglement climatique – ou de menaces. « Le monde change et donc les besoins changent », signale Olivier Piepsz, qui constate que « de nouvelles exigences apparaissent sur de très grandes étendues ». Prométhée serait, entre autres, un moyen de repérer des exactions depuis l’espace. La start-up vient de vendre un premier produit Earth observation platform (EOP) au ministère des Affaires étrangères. De quoi financer la suite de son processus R&D.
Elle promet un champ d’applications « pratiquement illimité ». Allant de la surveillance maritime ou des infrastructures critiques, en passant par la protection des écosystèmes, des ressources hydriques, de la faune et de la flore. Prométhée se présente même comme une solution de lutte contre la déforestation, la pêche illégale ou encore la prévention face aux catastrophes naturelles. Notamment grâce aux capteurs hyperspectraux greffés sur les nanosatellites Prométhée. Ces modules permettent de caractériser depuis le cosmos certaines matières ou éléments chimiques.
Prométhée veut démocratiser la surveillance satellitaire
Avec les technologies new space, le taux de rafraîchissement de l’image est lui aussi revue à la hausse. « C’est ce qu’on appelle dans notre jargon la fréquence de revisite ». Aujourd’hui un satellite classique, en orbite autour de la Terre, repasse au-dessus du même point « tous les deux à trois jours ». D’après Olivier Piepsz, la constellation Prométhée offrirait un rendement multiplié par vingt : « on passe en dessous de l’heure, aux alentours de 40 minutes ».
L’entrepreneur se projette quant à l’utilisation à terme de ses constellations. Il imagine une offre en temps quasi-réel. « Vous cherchez votre chat, il n’est pas dans l’appartement, vous utilisez Prométhée et vous vous apercevez que votre chat est depuis vingt minutes sur votre toit ». Cet outil de surveillance satellitaire pourrait demain devenir une solution de traçabilité, capable de suivre un objet, ou de remonter jusqu’à sa source. In fine, Prométhée veut démocratiser l’observation de la Terre, à la manière d’internet : « aujourd’hui c’est une affaire de spécialistes et de gros ordinateurs, on veut l’amener jusqu’aux téléphones portables ».
Un outil de surveillance militaire en temps de guerre ?
Prométhée a deux visages. Au-delà de la prévention des risques naturels, Olivier Piepsz imagine également une utilisation peut-être moins consensuelle de sa technologie. Notamment à des fins militaires, ou sécuritaires, de surveillance de frontières et de sites stratégiques en temps de guerre. « La France est le seul pays européen à avoir un siège permanent au sein du conseil de sécurité de l’ONU, elle ne peut pas être aveugle (…) Aujourd’hui on ne contrôle rien du tout », juge Olivier Piepsz. S’il assume l’aspect défensif de sa technologie, il assure que « le côté développement durable reste majeur ».
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