Notre futur énergétique est au centre des débats à l’instar des échanges nourris sur l’éolien flottant et le solaire observés le 2 octobre à Centrale Méditerranée lors du 1er Forum Nos énergies en question(s), dans l’attente du second volet le 8 janvier 2025 qui sera consacré à l’hydrogène et au nucléaire. Et quid de la place du gaz, distribué dans notre région comme en France par GRDF, dans sa mission de service public.
Rappelons le contexte de l’Accord de Paris sur le climat en 2015, qui vise à limiter bien en dessous de 2 degrés et à faire tendre vers 1,5 degré l’élévation de la température planétaire par rapport au niveau préindustriel. Dans le prolongement, les propositions européennes Fit for 55 (Ajustement à l’objectif 55) de 2021 fixent à 55 % la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre en 2030 part rapport à 1990. Chagrinée par l’idée généralement reçue que la décarbonation passerait uniquement par l’électrification massive, GRDF exprime la conviction qu’on ne pourra se passer de gaz dans le mix énergétique et qu’elle entend contribuer à la décarbonation et distribuer du gaz vert.
Aujourd’hui, le gaz est une énergie primaire qui représente 17% de l’énergie consommée en France et 40% de l’énergie utilisée pour produire de la chaleur. Nous l’importons des pays producteurs d’énergie fossile, comme la Norvège, les USA, l’Afrique et le Moyen Orient (auparavant de Russie), d’où il arrive par mer ou gazoducs. Ses avantages sont la flexibilité, sa capacité de stockage et la possibilité de faire appel à sa puissance pour passer les pointes en jours froids (par exemple le 10 janvier 2024, 83 Mégawatt-heure de puissance électrique étaient nécessairement appuyées par 110 MWh par le gaz).
Objectif 2030 : 20% de gaz vert
L’objectif de GRDF d’ici 2030 est de fournir dans ses réseaux 20% de gaz vert, c’est à dire du gaz produit localement de façon décarbonée, à partir de déchets notamment agricoles ou de boues d’eaux usées, par méthanisation. Depuis 2012, en France, on a le droit d’injecter ce biogaz dans les réseaux usuels de distribution, qui peuvent l’accepter indifféremment au plan technique, et sa part se développe : comparés à 76 sites de production en 2018, on atteignait 652 sites fin 2023, produisant 12 TWh (pour térawatt heure, soit milliard de kilowatt-heure), soit l’équivalent de deux réacteurs nucléaires. 744 sites sont visés fin 2024 et l’objectif est de les multiplier par cinq pour 2030. La France dispose ainsi du plus grand parc de sites de méthanisation en injection en Europe et dans le monde.
Du gaz vert dans notre région ?
Les installations actuelles se situent surtout dans le nord de notre pays et les régions de grande agriculture. En Provence Alpes Côte d’Azur, on recense seulement six installations à ce jour, dont les sites de la Calanque de Sormiou à Marseille ou d’Aptunion à Apt, équivalant à 20 000 logements chauffés. Mais 40 projets sont à l’étude, comme le projet Intervignes dans les terroirs Provence-Sainte-Victoire et Vaucluse-Ventoux, ou le projet Tommates Vaucluse avec la Chambre d’agriculture régionale (Techniques outils et méthanisation pour la multiperformance agricole des territoires et des systèmes).
Au delà de cet objectif sur l’approvisionnement, un travail en aval aide les clients consommateurs de gaz à réduire leurs émissions. Dans son bilan carbone, GRDF en Provence Alpes Côte d’Azur chiffre en effet les émissions de ses 678 000 clients à 47 millions de tonnes équivalent CO2. La consommation de gaz de ses clients finaux représente 11 terawatts heure par an, utilisés pour l’industrie, le chauffage des bâtiments tertiaires et de PME et par les particuliers pour leur chauffage, leur eau chaude et leur cuisson.
Ce volume consommé baisse tendanciellement chaque année, pour partie au profit de l’électricité et pour partie en raison du réchauffement et des économies recherchées par les clients. Plusieurs solutions sont proposées par GRDF pour l’optimisation de la consommation énergétique de ses clients :
- La sobriété, en conseillant aux écogestes, en initiant des campagnes nommées Civigaz, notamment dans les quartiers prioritaires ou auprès des jeunes, en allant à leur rencontre dans les festivals comme le Delta ;
- Le suivi de consommation, à l’origine des comportements vertueux, par des compteurs communicants nommés Gazpar (l’équivalent du compteur électrique Linky) déployés ; les 11 000 clients en région Sud dont la consommation ressort en anomalie se voient proposer un accompagnement de conseil pour la réduire ;
- L’hybridation, c’est à dire l’adoption d’équipements utilisant les deux énergies électricité et gaz combinées ; on atteint 30 % d’économie d’énergie avec les chaudières à très haute performance environnementale ; elles sont de plus compatibles au gaz vert ;
- Tous les clients peuvent souscrire à une offre de gaz vert, déjà proposée par une dizaine de fournisseurs ; le cumul de l’hybridation et de l’approvisionnement en gaz vert divise par huit les émissions de gaz à effet de serre.
Et la mission fonctionne, notamment auprès des constructeurs de bâti neuf, des industriels et des collectivités. Par exemple, la résidence neuve “Les Jardins Fleuris” à Miramas dispose d’une chaufferie hybride pour 88 logements ; bien plus vaste, la Faculté de pharmacie d’Aix Marseille Université chauffe au gaz ses 33 000m2 depuis sa conversion en 2023 en abandonnant le fuel. Arkema et Saint-Gobain se sourcent en gaz vert, notamment car les procédés thermiques industriels ne peuvent pas tous être électrifiés ; le consortium Syrius (Synergies régénératives industrielles Sud) porté par Piicto cherche à capter le CO2 sur sites industriels, pour ne pas rejeter le carbone mais le réutiliser ou le stocker.
La mobilité lourde (bus, camions, bennes à ordures, propulsés au gaz, par opposition à la mobilité légère qui a vocation à s’électrifier) progresse avec plus de 2000 véhicules dans la région et 15 stations en service dont 10 en Bouches-du-Rhône.
Enfin, deux innovations gazières se développent en Provence Alpes côte d’Azur : la gazéification hydrothermale, avec Haliotis à Nice et le syndicat Prodarom à Grasse pour valoriser les résidus de l’industrie du parfum locale ; et la pyro-gazéification, c’est à dire la production de gaz par combustion de bois de récupération, avec Green Gas Provence à Istres. Cela peut paraître contre-intuitif, mais « distribuer du gaz et décarboner localement, c’est possible et c’est l’avenir », conclut Olivier Bresson, directeur adjoint clients territoires de GRDF Sud-Est, avec qui Gomet’ s’est entretenu à l’Ecrin du Vieux-Port à Marseille.
Lien utile :
L’actualité des énergies à suivre sur Gomet’