La nouvelle exposition qui s’ouvre mercredi 8 novembre au Mucem balaye près de neuf siècles d’histoire à travers plus de 150 objets. Sculptures, peintures, textiles, cartes, objets archéologiques, manuscrits et arts décoratifs dévoilent Une autre histoire du monde et invitent les visiteurs à découvrir ces représentations issues de conceptions extra-occidentales.
L’humanité, une et plurielle
Ce n’est pas la communication qui différencie l’homme de l’animal mais sa capacité à conceptualiser des choses complexes. Et ce n’est pas non plus l’apanage de la civilisation européenne, s’il était nécessaire de le rappeler, mais de tous les êtres humains. À chaque société son rapport « au temps, à l’espace, à l’autre » comme l’indiquent les commissaires de l’exposition et comme l’illustre chaque objet exposé – carte de Corée, calendrier du Bénin, inventaire japonais de la diversité humaine, bambous pyrogravés kanaks, tenture murale brodée bugis…
En filigrane de cette présentation, se pose également la question sur les méthodes d’acquisition des objets. « Il s’agit d’expliquer comment ces œuvres ont été découvertes, collectées, traduites, interprétées, catégorisées comme curiosités ethnographiques, en oblitérant bien souvent leurs usages sociaux dans les sociétés d’où elles proviennent. En n’omettant pas d’examiner la manière dont certaines traditions orales sont transmises, réinterprétées et parfois dénaturées, au travers d’une installation sonore immersive dédiée à des traditions vivantes. »
En transit vers le Louvre
Pour organiser cette exposition, les prêts, de diverses provenances publiques ou privées, ont été nombreux. L’un d’entre eux a eu droit à une couverture médiatique particulière. La Chasse au cerf dans l’île de Java du peintre javanais Raden Saleh représente un rabatteur monté sur un buffle attaqué par un tigre. Daté de 1847 et acheté par le roi Louis-Philippe, le tableau a été mis en dépôt dès 1912 à la mairie de Saint-Amand-Montrond, dans le Cher. Une pratique courante à l’époque afin de permettre au plus grand nombre d’admirer des œuvres d’art. Avec ses dimensions exceptionnelles (239 cm x 346 cm), il trônait dans la salle du conseil de la ville mais aujourd’hui, son propriétaire a réclamé le retour de cette œuvre unique en France de cet artiste dont la cote n’a cessé de grimper ces dernières années pour atteindre plus de 7 millions au marteau. Les visiteurs auront donc le privilège de l’admirer avant qu’il rejoigne les collections du Louvre.
Et aujourd’hui ?
La période contemporaine est également présente et avec elle, des artistes contemporains comme le Congolais Chéri Samba et sa Vraie carte du monde qui interpelle et résume à elle seule ce qu’ont été pendant des siècles la vision occidentale de l’histoire de l’art (en une de cet article). Également l’émergence de nouveaux récits nationaux que ce soit pour les jeunes États indépendants comme pour les États plus anciens qui réhabilitent des héros oubliés ou des épisodes, réels ou imaginaires. Ainsi, « en Inde, en réécrivant l’histoire dans les manuels scolaires et en rebaptisant les villes dont les noms ont une consonance musulmane, cela se rapproche d’une purge historique et dans la République populaire de Chine de Xi Jinping, les manuels scolaires et universitaires affirment l’ancienneté et la supériorité d’une civilisation impériale chinoise vieille de cinq mille ans, alors que l’idée de l’existence d’un peuple « chinois » unifié n’émerge qu’à la fin du XIXe siècle », précisent les commissaires d’exposition. Autre exemple, la découverte de l’Amérique est devenue un événement revendiqué par les Chinois d’aujourd’hui qui l’auraient accostée en 1421, mais aussi en 1178 pour les nationalistes turcs, ou encore lors d’un voyage sans retour au XIVe siècle pour un souverain malien. Des épopées qui, avec l’internationalisation, trouvent désormais un moyen de diffusion, au risque de frôler la propagande aux relents hégémoniques… d’une autre histoire du monde.
Une autre histoire du monde
> du 8 novembre 2023 au 11 mars 2024
> Portes ouvertes de l’exposition ce mardi 7 novembre de 16h à 22h, concert avec le slameur syrien Wadee Alkhouri et le duo russo-ukrainien Verhovski x Majouga, en partenariat avec l’atelier des artistes en exil dans le cadre du festival Visions d’exil.
> Visite multisensorielle pour visiteurs déficients visuels, samedi 16 décembre à 11h
> Mucem, Marseille