La taille critique atteinte par Actes Sud lui permettra-t-il de mieux résister que d’autres maisons plus petites ?
Françoise Nyssen : Dès le départ, nous avons toujours voulu gérer avec une volonté d’équilibre financier. Nous n’avons jamais emprunté avant de constituer des fonds propres, pour essayer de gérer une structure financière saine, en étant attentifs à ne pas dépenser plus que ce que l’on pouvait, et non dans le fantasme de budgets irréalistes, toujours en étant assez pragmatiques et en tenant une ligne de conduite sur du qualitatif. Finalement, je ne sais pas vraiment ce qu’est une taille critique, je pense que c’est une notion de l’ancien monde. Il y a une façon de penser les choses avec des valeurs, de la qualité, les gens avec qui l’on est, ce que l’on cherche à faire, c’est cela qui compte.
L’activité des libraires est particulièrement impactée. Quelles conséquences aura la crise pour eux ?
Il faut pour les libraires un geste fort, qui serait l’abandon des charges, qui ne sont pour l’instant que décalées.
Françoise Nyssen
F.N. : Les libraires sont un maillon très fragile de la chaîne, souvent pas assez bien soutenu par les banquiers, avec des charges qui peuvent poser de sérieux problèmes. Il faut voir comment ils vont pouvoir encaisser la production qui était prévue. Il va falloir repenser les programmes, et repenser l’organisation autour de tout cela. Nous retravaillons également le programme de sorties de livre, avec les directeurs éditoriaux. Car pour les libraires, les livres de mi-mars sont chez eux, et ne sont pas encore sortis des caisses. Ils vont commencer par ça. Les livres d’avril sont déjà imprimés, et vont arriver chez eux, donc les programmations de mai vont être décalées. Il faut pour les libraires un geste fort, qui serait l’abandon des charges, qui ne sont pour l’instant que décalées.
Le ministre de la Culture Franck Riester a annoncé le déblocage de 5 millions d’euros pour la filière livre. Est-ce que pour vous c’est suffisant ?
F.N. : Non, c’est ridicule, ce n’est pas du tout suffisant. On oublie trop souvent que la culture est une compétence partagée. Par exemple, quand j’étais ministre, j’avais l’obsession de travailler main dans la main avec l’Éducation nationale. Mais nous n’avons pas en France cet esprit d’une politique de coopération, chacun est beaucoup trop dans son silo, les administrations restent souvent sur leurs prés carrés. C’est embêtant.
A une échelle plus locale, quelle est votre position par rapport au projet de fusion Département-Métropole ?
F.N. : C’est un sujet pour Arles. On défend l’idée d’un territoire, et non d’une méga-métropole. Il faut se préoccuper de la qualité d’action par le relationnel, qui se fait par la coopération et la connaissance des interlocuteurs. Quand les échelons sont trop grands et trop distendus, on ne peut plus œuvrer de façon intelligente et agile. La perspective d’une métropole qui serait centrée sur Marseille et qui engloberait un territoire éloigné, vaste, et dont elle ne pourrait plus assumer la spécificité, cela me parait aller à l’encontre de cette nécessaire agilité.
Quel regard portez-vous sur la candidature portée par Patrick de Carolis à Arles lors des dernières élections municipales, à la tête d’une liste sans étiquette ?
F.N. : Je n’ai pas à me prononcer sur un candidat ou sur l’autre, moi ce qui m’importe c’est que le prochain ou la prochaine maire d’Arles porte cette ville pour les citoyens, avec une nécessaire réflexion pour affronter ce changement de paradigme qui doit être environnemental, et prendre en compte l’écologie, le social, et englober tous les aspects de la vie.
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