« Sans mettre un nom sur ce que je subissais, j’étais victime du harcèlement de rue en permanence. À l’époque, je portais des jupes et j’avais l’impression d’être déshabillée du regard sans arrêt. À tel point qu’un jour à Marseille, me déplacer à pieds de la porte d’Aix à La Canebière s’est transformé en parcours du combattant. Je me souviens que mon amie qui y vivait m’a dit : « Baisse les yeux, ça évitera les problèmes ». Ce témoignage, c’est ce lui de Lolita Savaroc, 28 ans. Content manager à Paris et d’origine toulonnaise, la jeune femme a vécu à Aix-en-Provence entre 2010 et 2012.
Dans cette ville aussi, elle a connu les insultes dans la rue. « Un soir, alors que je sortais d’une soirée étudiante aux Arts & Métiers, deux hommes m’ont suivie jusqu’à chez moi, derrière les Allées provençales. J’ai dû faire un sprint final pour les semer », raconte-t-elle. Autre anecdote, rue de la Verrerie, cette fois-ci, toujours à Aix. « Un skinhead m’a suivie en me détaillant ce qu’il voulait me faire dans son lit. J’ai eu la chance de croiser deux policiers qui m’ont raccompagnée mais l’homme n’a pas été inquiété. »
« Le harcèlement de rue n’a rien avoir avec la tenue »
Si aujourd’hui, Lolita raconte, ces histoires ont eu un fort impact « psychologique » sur son comportement. « Je n’avais pas conscience du phénomène, le harcèlement de rue n’était ni médiatisé ni dénoncé. À présent, j’habite à Paris et, même si je déteste ça, l’envie d’éviter le harcèlement dicte les vêtements que je porte. Le problème, c’est que même en jogging et les cheveux gras, le harcèlement de rue n’a rien à voir avec la tenue, mais a tout à voir avec le regard des hommes », regrette Lolita Savaroc.
En cause : le patriarcat (pouvoir détenu par les hommes). « Le harcèlement de rue questionne les stéréotypes : comment se fait-il que les harceleurs se sentent légitimes à commettre ces actes ? Qu’ils les assimilent à de la drague en occultant la notion de consentement ? Le patriarcat s’apprécie par le prisme de la culture, explique Daniela Levy, administratrice d’Osez le féminisme et du collectif 13 Droits des femmes, formatrice sur les enjeux de l’égalité femmes hommes. Sexisme ordinaire, harcèlement de rue, violences conjugales, c’est le même mécanisme qui prend des formes différentes. Mais la France, où l’on s’estime loin de toutes ces problématiques, n’a criminalisé le viol qu’en 1980 et le viol conjugal en 1992. En France toujours, un homme tue sa compagne tous les trois jours et une femme est violée toutes les huit minutes. »
Le projet de loi sur le harcèlement de rue n’améliorera pas forcément ces chiffres, puisque, loin du mythe de l’agression sexuelle perpétrée par un inconnu dans une ruelle sombre, 80% des victimes de viol connaissent leur agresseur. « Mais que l’Etat se positionne clairement en qualifiant et en condamnant le harcèlement de rue est une action symbolique forte et nécessaire et nous nous réjouissons de cette avancée. »
Une seule solution pour faire évoluer la culture : former et sensibiliser, pour ne plus prendre pour naturel ce qui est construit. « L’éducation « genrée » contraint les hommes et les femmes à agir conformément à ce qu’on attend socialement d’eux. C’est pour cela que l’on croit à tort que les hommes sont plus forts en math, que les femmes s’épanouissent plus volontiers au sein du foyer. Les femmes et les hommes sont égaux. Il s’agit de les libérer de leurs qualificatifs sociaux de féminin et de masculin. »
Les dates à retenir.
#Balancetonporc. Ce mercredi 25 octobre à 18h30, à la Boate à Marseille. #Balancetonporc Quand les réseaux sociaux libèrent la parole des femmes victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles… Nous sommes tous(tes) concerné(e)s… Quelles réponses appelle ce mouvement, qui interpelle et mobilise des centaines de femmes, quelles en sont limites juridiques, sociales, quel peut en être l’impact ? Vos témoignages, vos réactions… Avec Genevieve Maillet, batônnier du Barreau de Marseille et des représentantes d’associations œuvrant pour les droits des femmes.
Festival des Galères : le 26 novembre à l’Espace Julien
À l’occasion de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes, le Festival des Galères aura lieu le 26 novembre 2017 de 14h30 à 22h à l’Espace Julien à Marseille. Sur cette thématique, un concours est lancé aux artistes amateurs dans les catégories : musique/chant, slam, courts-métrages, danse urbaine, stand up scénettes, affiches-photos.