La Ciotat continue d’attirer des nouveaux projets d’entreprises. Et cette fois, cela n’a rien à voir avec son activité nautique. Le projet porté par Aiôn Group SA (Aiôn signifie« force de vie» en grec ancien), une société holding à mission créée en 2021 par quatre fondateurs (voir ci-dessous), dotée de 20 millions d’euros de capital, vise à créer ici rien de moins qu’un pôle d’excellence français de la « haute horlogerie». Les montres Lornet qui sont nées à Besançon, fondées par Anthony Simao en 2016, seront la marque leader de l’entreprise qui va intégrer plusieurs activités à travers sept filiales explique le groupe dans un communiqué : « nos sociétés interviennent de la conception au design, de la production de nos composants en France à la commercialisation. »
C’est un très beau projet
Arlette Salvo, maire de La Ciotat
C’est en fait un véritable groupe de luxe français que les quatre fondateurs et leurs associés veulent construire. Le projet a séduit les autorités locales, de l’État aux acteurs économiques institutionnels jusqu’à la mairie de La Ciotat. Arlette Salvo, la maire qui a repris le flambeau après le décès de Patrick Boré en 2021, ne cache pas sa fierté : « créer une entreprise d’horlogerie au bord de la mer en Provence, remarquez quand même que ce n’est pas commun, relève l’élue LR. C’est un très beau projet qui en plus donne des débouchés aux jeunes formés sur le territoire.» Le lycée Léonard de Vinci, dans le 7e arrondissement de Marseille, forme en effet des techniciens horlogers en délivrant un Brevet des Métiers d’Art Horlogerie. C’est l’une des neuf sections de ce type en France. La présence de cette formation a été l’un des arguments qui a encouragé les investisseurs à s’implanter ici.
Relocaliser l’industrie horlogère en France
Le plan France Relance, sensible à la thématique de la relocalisation industrielle a sorti le chéquier. Les montres Lornet font partie des 38 nouveaux projets annoncés, à la mi-mars, en région Provence Alpes Côte d’Azur, lauréats de l’appel à projet Territoires d’industrie (voir la liste complète ci-dessous). 800 000 euros d’argent public sont mis sur la table. La préfecture explique les raisons de son choix. « Le projet porte sur la ré-industrialisation en France de l’activité stratégique de l’industrie horlogère grâce à un bureau d’études pour industrie horlogère, la production et la commercialisation de spiraux classiques et brevetés (titane), de composants, de mouvements 100% Français et une plateforme SAV et assemblage multimarques pour industrie horlogère. » Benoît Mournet, le dynamique sous-préfet au Plan de relance a fait le déplacement à La Ciotat le 8 mars dernier pour célébrer l’engagement de l’Etat. Il a déclaré à cette occasion :« nous soutenons particulièrement ce projet qui relocalise en France un savoir-faire historique. »
Les quatre fondateurs d’Aiôn Group SA :
• Anthony Simao (directeur général délégué aux filiales) est un diplômé de l’école d’horlogerie de Morteau, la référence. Formé au sein des Maisons Breitling et Audemars Piguet,
il dispose d’expériences horlogères diverses comme prototypiste chez Chronode (sous-traitant pour des Maisons comme MB&F, HYT, Hublot,
par exemple) et comme directeur d’une société spécialisée dans le réglage et la décoration de montres de prestige (sous-traitant pour Parmigiani, Richard Mille, entre autres). Anthony a aussi créé Lornet, une marque d’horlogerie française.
• Olimpiu Salcou (président du directoire) a œuvré plusieurs années en tant que conseiller en pilotage d’entreprises et en accompagnement individuel. Il est aussi fort d’une expérience préalable de 16 ans à des postes de direction dans le secteur du logement.
• Céline Guth (directrice générale déléguée au développement international) a assuré diverses responsabilités dans le secteur privé et au sein d’une organisation intergouvernementale (le Conseil de l’Europe) en gestion budgétaire, en planification stratégique et en évaluation de projets internationaux.
• Hubert Patural (président du conseil de surveillance) est le fondateur et administrateur général d’OCBI Investment, un réseau International d’Entrepreneurs-Investisseurs à enjeux responsables.
Source : Aiôn Group.
Aiôn Group : 160 emplois d’ici à quatre ans
L’ambition du projet a en effet de quoi séduire. Le marché de l’horlogerie est un quasi monopole de la Suisse et un sourcing made in France coche de nombreuses cases dans l’air du temps, notamment pour les groupes de luxe tricolores (LVMH et Kering en tête), qui se portent à merveille et qui pourraient être sensibles aux perspectives de localisation en France de leur approvisionnement. « Une centaine d’emplois pourra être créée grâce à ce projet » estime l’Etat. Le groupe Aiôn vise beaucoup plus. Céline Guth, directrice générale déléguée au développement international, confie à Gomet’ que le plan de marche comprend en fait la création de 157 emplois d’ici à quatre ans.
Une quinzaine de personnes travaillent déjà pour la société, notamment les apprentis de la formation horlogère de Marseille. Des cadres de l’industrie ont également fait le choix de rejoindre Aiôn Group SA, ou sont en en cours de recrutement pour occuper des postes opérationnels. Des profils supports et marketing sont attendus au fil des mois. L’effectif devrait atteindre 25 personnes en fin d’année nous précise Céline Guth. La production devrait concrètement démarrer d’ici l’été sur un site provisoire actuellement occupé sur la zone Athelia V, parc des Restanques. Les 2600 mètres carrés du site vont accueillir dans quelques semaines une cargaison toute particulière : une véritable manufacture démontée depuis la Suisse et réinstallée sur les collines ciotadennes. 30 semi-remorques sont attendus pour transporter les machines très sensibles, un matériel hautement stratégique. En effet, le projet d’Aiôn Group a connu une avancée décisive lorsque les associés ont saisi l’opportunité du rachat d’une manufacture complète en Suisse, la Fabrique d’Ebauches Leschot SA (Felsa), à La Chaux-de-Fonds. Un outil productif rare – 450 machines qui permettent de fabriquer tous les composants d’une montre – qui a boosté les ambitions du projet.
Un futur site de 10000 m2, un investissement de 60 millions
La Métropole Aix Marseille Provence, Provence Promotion et la CCI Aix Marseille Provence sont à pied d’oeuvre depuis l’été dernier pour aider les dirigeants d’Aiôn dans leur implantation. Les co-fondateurs comme les associés réunis dans l’actionnariat ne sont pas de la région. Pourquoi alors avoir choisi le Sud et La Ciotat en particulier ? Céline Guth avance des raisons stratégiques comme le positionnement près de la Côte d’Azur, un débouché traditionnel des marques de luxe. Elle insiste aussi sur la proximité de l’aéroport international, de la qualité de vie en Provence et de l’environnement proposé aux futurs collaborateurs. Un terrain a été réservé sur les hauteurs d’Athélia V par les services de la Métropole. Un bâtiment neuf de 10 000 mètres carrés sera construit (sur une parcelle de 30 000 m2) et devrait sortir de terre d’ici à quatre ans annonce Céline Guth.« Ce sera un vaisseau amiral avec un geste architectural qui doit incarné notre image » explique-t-elle. Un espace muséal devrait y prendre place pour transmettre et rendre visible le savoir-faire français. C’est l’une de valeurs du groupe.» Le début des travaux est envisagé pour la fin d’année 2022. Le cabinet d’architecture est stéphanois et appartient à l’un des actionnaires d’Aiôn Group.
Les objectifs économiques sont aussi très ambitieux à la hauteur des 60 millions d’investissements mobilisés selon le chiffre avancé par la co-fondatrice qui espère par ailleurs le soutien de France Industrie 2030, de banques et des actionnaires privés. Ils sont 40, tous des particuliers.« Nous ne souhaitons pas faire entrer de fonds d’investissements dans le tour de table afin de préserver les valeurs de notre projet et d’éviter les prédateurs » explique Céline Guth. Lorsque le site définitif sera productif, Aiôn vise la sortie de 400 000 montres ou mouvements (mécanismes) de sa chaîne de production. Un réseau de boutiques en propre est également prévu pour soutenir les ventes de la marque Lornet mais aussi les autres montres qui utiliseraient le mouvement fabriqué à La Ciotat. Enfin, le projet intègre dans sa feuille de route une mise en bourse, d’ici à 2024, « une fois que nous aurons fait nos preuves et le temps de préparer la pré-IPO.» Le compte à rebours a commencé.
Une première acquisition annoncée
Les montres Hegid lancées en 2016 par Henrick Gauché et Emeric Delalandre rejoignent le groupe Aiôn. La marque qui propose à ses clients de pouvoir personnaliser sa montre au jour le jour, selon ses besoins et ses envies, devient l’une des marques étendard du Groupe Aiôn annoncent les deux entreprises mardi 22 mars. Les montres Hegid seront prochainement équipées de mouvements mécaniques automatiques fabriqués et assemblés dans la manufacture du groupe Aiôn à La Ciotat.« Les cadres d’Hegid (les deux fondateurs, NDLR) vont rejoindre Aiôn pour participer au développement des activités du groupe » précise le communiqué sans en dire plus sur le détail financier de l’opération.
Document source : les 48 nouveaux projets lauréats de France Relance en Provence Alpes Côte d’Azur
Liens utiles :
> Le site du groupe Aiôn Group watch-manufacture.fr
> Athélia V, éco-parc dédié aux industries innovantes, poursuit son développement
> Le site Internet des montres Lornet
> L’actualité du Plan de relance dans les Bouches-du-Rhône dans les archives de Gomet’