Huit mois après son investiture, l’adjointe à l’urbanisme de la Mairie de Marseille, Mathilde Chaboche explique à Gomet’ sa vision de la ville, ses projets d’aménagements pour le patrimoine public et ses relations avec les promoteurs et Euroméditerranée. Nous vous proposons aujourd’hui de retrouver la première partie de notre entretien : quelle regard porte-t-elle sur l’urbanisme et le patrimoine à Marseille ?
Votre titre indique que vous êtes adjointe à l’urbanisme de la mairie de Marseille mais aussi au « développement harmonieux de la ville ». Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste exactement ?
Depuis que je suis arrivée, je m’efforce d’établir un plan à l’échelle de la ville toute entière
Mathilde Chaboche
Mathilde Chaboche : J’avoue que cette partie de ma délégation en fait sourire certains mais ce n’est pas un artifice. La recherche d’harmonie est essentielle dans notre manière de porter une politique de la ville, car elle tranche avec le manque de vision globale de l’ancienne majorité. Avant, la Ville de Marseille travaillait à l’échelle d’un immeuble, d’une parcelle, tout au plus d’un îlot… Depuis que je suis arrivée, je m’efforce d’établir un plan à l’échelle de la ville toute entière pour mettre en cohérence l’ensemble des projets et éviter de se retrouver confrontée à des aberrations urbanistiques, avec des immeubles qui bouchent l’entrée d’une école ou la construction de nouvelles résidences au bout d’une voie sans issue pas assez large pour faire passer deux voitures… Nous nous projetons sur le long terme. Par exemple, nous sommes en train de mettre en place une programmation pluriannuelle des investissements à réaliser sur les équipements publics : combien d’écoles à construire ou à rénover, quels équipements publics manquent à un quartier… On fait un diagnostic précis des biens immobiliers de la ville pour savoir ce qu’on doit vendre et ce qu’on doit conserver.
Où en-êtes vous de ce diagnostic ? Cela fait huit mois que vous êtes arrivés à la mairie et on ne voit toujours rien venir…
M. C. : Cela peut paraître long, mais pour bien faire le travail, il faut du temps. L’ancienne équipe n’avait rien fait. Pire, ils avaient lancé des projets de très mauvaise qualité qu’il a fallu arrêter ou au moins modifier en profondeur. Concernant le patrimoine municipal, nous n’avions même pas une liste exhaustive de ce qui appartient à la Ville. Maintenant, on a bien avancé alors on va commencer à lancer des projets concrets sur certains bâtiments.
Les villes meurent si elles sont trop figées.
Mathilde Chaboche
D’ici quelques mois, voire quelques semaines, avant l’été en tout cas, nous allons lancer une première vague d’appel à manifestation d’intérêt sur une dizaine de bâtiments de la mairie. On s’adressera aux acteurs publics, privés, à la société civile… Toutes les idées sont les bienvenues pour faire vivre ces bâtiments inexploités. Les villes meurent si elles sont trop figées. Il faut réveiller notre patrimoine.
Quelles sont vos relations avec les professionnels de l’immobilier ?
M. C. Je construis de nouvelles relations avec les promoteurs et les investisseurs immobiliers. Trop longtemps, la Ville de Marseille les a laissé faire à leur guise sans logique urbaine. Mais construire est un acte grave. Les bâtiments que j’autorise seront encore là dans cent ans, voire plus. Il faut les inscrire dans la durée, prendre en compte les transports, les déplacements, la nature… Les professionnels ont tendance à céder à la facilité avec la seule logique économique comme axe directeur. Depuis mon arrivée, je les pousse dans leurs retranchements, je les challenge avec une vision plus humaine de la ville. Si parfois ils pensent qu’on fait ça pour les empêcher de travailler, la plupart du temps, on arrive à discuter et à trouver un accord. Au début, ils sont embêtés.
Je leur dis de reprendre leurs programmes à zéro et finalement, ils y arrivent.
Mathilde Chaboche
Je leur dis de reprendre leurs programmes à zéro et finalement, ils y arrivent. On n’est pas contre eux, mais ils doivent s’adapter à nos nouvelles exigences sinon on continuera à émettre des refus. Pour les guider, j’ai commencé à établir une charte de la construction à Marseille. Je veux qu’elle soit signée par tous les promoteurs et les architectes, s’ils souhaitent s’inscrire dans la démarche. Elle fixera des règles de base comme une taille minimale des logements, la qualité des espaces communs et un respect de l’environnement. L’objectif est d’adopter cette charte avant cet été.
Vous avez déjà annulé nombre de projets portés par des acteurs privés qui avaient obtenu un accord avec la précédente majorité. Est-ce que vous projetez d’en bloquer d’autres ?
M. C. On a bien avancé le ménage des écuries d’Augias comme pour la friche Louis Armand ou encore la Villa Valmer. Mais il y a encore quelques programmes tordus dans les tuyaux. Je ne peux pas vous en dire plus car je suis tenu au secret des négociations mais on devrait pouvoir en parler dans pas longtemps.
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