par Hervé Nedelec
Un hangar fait de rouille et d’os métalliques pour accueillir entre une déchèterie et des rails à l’abandon, une campagne électorale qui ne parvient pas à s’engager sur la bonne voie et convaincre les abstentionnistes que l’on annonce majoritaires le 9 juin prochain. Le mathématicien et député Insoumis de Marseille, Manuel Bompard, a beau jouer avec les chiffres, façon manif de la CGT, c’est un maigre millier de partisans qui sont venus applaudir son « lider maximo ».Jean-Luc Mélenchon remonté comme un vieux coucou à la peine n’est plus le maître des horloges médiatiques.
Il est loin le temps où, sur les plages du Prado, il enflammait les foules à coups de slogans anticapitalistes promettant le pire, avant d’échouer à la troisième place, à son adversaire libéral Emmanuel Macron. La guillotine du Robespierriste auto-revendiqué semble bien émoussée en ce printemps pluvieux et Mélenchon se concentre du coup sur le Moyen-Orient compliqué pour fustiger le colonialisme israélien et tenter d’attirer à lui le peuple des banlieues, enthousiaste lorsqu’il s’agit d’acclamer la nouvelle star des réseaux sociaux Rima Hassan porte-drapeau de la cause palestinienne mais surtout du Hamas. Et tant pis si dans un dérapage incontrôlable l’antisionisme flirte dangereusement avec l’antisémitisme. Les Européennes sont satellisées pour la seule cause qui compte désormais aux yeux des insoumis, Gaza affamée, martyrisée, étouffée. Dans les quartiers Nord ce jeudi soir on a rêvé d’un Etat qui irait du Jourdain à la mer en balayant comme un torrent plusieurs millénaires d’Histoire. Mélenchon a oublié le temps où il roulait un train de sénateur sous les ors du Palais du Luxembourg, loin des damnés de la terre de l’au-delà du périph’.
On a pourtant en filigrane cité le leader de l’extrême gauche ce même jour-là dans la cathédrale de La Major où une autre religion monothéiste rendait un dernier hommage à un de ses plus fervents serviteurs, Jean-Claude Gaudin. Là encore la foule n’était pas au rendez-vous mais la fidélité des amis de longue date oui. C’est à Me Yves Moraine que revient sans aucun doute la palme de l’éloquence maniant l’humour avec quelques coups de griffes que n’aurait pas renié son maître en politique, l’ancien maire de Marseille. L’avocat plaida avec émotion pour cet ami qui préférait « les pieds paquets au quinoa » austère recette prônée, vidéo à l’appui, par un Mélenchon converti à la sobriété diététique.
On parla finalement moins de politique lors de ces longues heures de recueillement que d’agapes joyeuses. On ne s’étonna pas lorsqu’on rappela que « Jean-Claude », à la manière d’un Churchill, préférait un bon whisky ou une table opulente, à la pratique de quelque sport que ce soit. Le Premier ministre britannique lorsqu’on lui demandait le secret de sa robuste santé répondait invariablement « never sport ». Jean-Claude Gaudin qui parlait l’anglais « comme Charles Pasqua » l’aurait approuvé avant de confier à son confesseur le soin d’absoudre son péché de gourmandise.
Finalement en cette journée particulière on a vu une fois de plus s’affronter deux manières de faire de la politique. Celle qui consiste à rêver du chaos pour, à la manière d’un Marx, Lénine ou Trotsky, rendre une situation révolutionnaire. Celle qui estime que les joutes les plus rudes doivent s’achever par un dîner de gala.
On a aussi beaucoup parlé pendant ces heures contrastées de Marcel Pagnol, plus particulièrement dans et autour de la cathédrale puis dans le cimetière de Mazargues où Gaudin a pris définitivement ses quartiers auprès de ses parents. Mais en réécoutant la fameuse scène où César, patron du bar de La Marine, interroge ses amis pour savoir s’ils le jugent « coléreux », on se demande qui de Mélenchon ou de Gaudin aurait pu tenir le rôle qu’a interprété avec génie Raimu. Lorsque le « médecin des chèvres » comme César surnomme son docteur lui répond, on ne peut s’empêcher de tenter un rapprochement :
– Tu as fait fuir les bonnes, tu as fait fuir les clients, tu as même fait fuir ton fils… et je connais même une vieille bourrique que tu as martyrisée.
– Qui ? interroge César en s’adressant au médecin.
– Toi ! répond le praticien.
Mais comme on le dit dans les génériques : « Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé est purement fortuite ! ».