Par Hervé Nedelec
On prête au président de la République une phrase à propos de la récente dissolution : « je leur ai jeté dans les jambes une grenade dégoupillée ! » Aux historiens de distinguer dans cette rumeur le bon grain de l’ivraie. Toujours est-il qu’Emmanuel Macron a fait montre de ses talents d’ingénieur pyrotechnique, en s’offrant un feu d’artifice avant l’heure.
A défaut de pouvoir défendre sa Bastille, il a fait sauter le Palais Bourbon. Là encore, c’est l’Histoire qui jugera. Le locataire de l’Elysée humilié par le résultat des Européennes, plaçant sa formation à une deuxième place qui ne lui convenait pas – lui qui avait imposé à Bruxelles et à Strasbourg son leadership – a souhaité faire des Français les arbitres du match des législatives. Deuxième échec puisqu’après un premier tour qui confirmait l’hégémonie de l’extrême droite, les citoyens ont décidé… de ne rien décider, en scindant l’hémicycle en trois blocs quasi égaux. Ils renvoyaient Bardella à ses chères études écourtées, Mélenchon le perturbateur endoctriné à ses Bolivarderies, et la Macronie à ses origines embryonnaires. Tout ça pour ça !
« En politique, le choix est rarement entre le bien et le mal, affirmait Nicolas Machiavel, mais entre le pire et le moindre mal ». Pour avoir tenté cette dernière alternative, le premier des Français a pris le risque d’être le dernier à pouvoir dire son mot, même si la Constitution de la Ve République garantit au monarque républicain un certain nombre de prérogatives.
La farce démocratique à laquelle nous assistons pour, dans deux des camps au moins (l’ancienne majorité et le nouveau front populaire), se saisir des clés de l’hôtel Matignon et verrouiller tout ce qui peut l’être à l’Assemblée, ne laisse pas augurer une mer d’huile à ceux qui s’embarquent pour les trois dernières années du quinquennat Macron. Si tant est qu’il arrive à son terme.
La fièvre a gagné tous les partis et cette fin de semaine laisse entrevoir à quoi ressemblera la rentrée de l’automne
La fièvre a gagné tous les partis et cette fin de semaine laisse entrevoir à quoi ressemblera la rentrée de l’automne. Des partis sur les dents, des syndicats prêts à mordre et un président en rage pour avoir à gérer une situation qu’il exècre : être contesté sur ses choix. Certes ce qu’il reste de macronie a trouvé un gentleman agrément en permettant à Gabriel Attal, Premier ministre démissionnaire, d’accéder à la présidence de son groupe et de montrer à son « grand frère », Emmanuel Macron, que les trentenaires peuvent eux aussi scruter avec gourmandise la ligne d’horizon, 2027.
On a compris aussi que le Rassemblement National, après son relatif échec, allait s’enfermer à double tour dans son bunker pour régler quelques comptes et rappeler à son président, Jordan Bardella, qu’il est utile d’avoir les rangers et les guêtres impeccables avant d’annoncer que les troupes sont fin prêtes pour un défilé triomphant. On constate enfin que la gauche est loin d’avoir fini de traverser sa zone de turbulence.
Mélenchon et les communistes, miraculeusement réconciliés, s’accordent depuis vendredi sur un nom, Hugette Bello présidente de la région « Réunion », un nom hautement symbolique. Les Verts et le PS freinent des quatre fers soupçonnant cette « grande républicaine » – le compliment est de Gabriel Attal – d’être un cheval de Troie des Insoumis.
Personne n’est dupe, derrière cette passe d’armes ce sont bien d’autres fauteuils et maroquins qui sont en jeu : les questures, la présidence de l’Assemblée Nationale, les ministères régaliens. Et là point d’artifices, on tire à balles réelles. Il se dit que le maire de Marseille, Benoît Payan, a joué un rôle éminent dans la constitution du Nouveau Front Populaire. Pour avoir abrité Jean-Luc Mélenchon dans sa ville, il sait combien l’homme qui rendait souvent hommage à Jean-Claude Gaudin ancien collègue au Sénat, est retors.
Et puis, c’est dans la cité phocéenne que Rouget de Lisle a testé en 1792, les paroles de la Marseillaise et que les fédérés ont entamé leur marche sur Paris pour prendre d’assaut les Tuileries. Enfin, Gaston Defferre ministre de l’Intérieur s’était vu confier par son ami François Mitterrand les grands ciseaux pour rectifier à son avantage la carte électorale. Et faire passer la loi PLM (Paris Lyon Marseille) qui permit à l’élu Marseillais de gagner aux municipales de 1983, en étant minoritaire en suffrages exprimés. Un tel savoir-faire ne se refuse pas et puis bon sang ne saurait mentir.