Anne-Elisabeth Lemoine, la sémillante animatrice de « C à vous » avait l’air pour le moins perplexe, à écouter, cette semaine, Jean-Claude Gaudin venu assurer le service après-vente de son livre (« Maintenant je vais tout vous raconter » aux éditions Albin Michel). Si le titre de cette autobiographie est prometteur, il y a fort à parier que beaucoup resteront sur leur faim. A la télévision, comme dans les presque 500 pages de son pavé, l’ancien maire confirme son talent de conteur, mais il ne faut pas compter sur lui pour qu’il aille au-delà des limites qu’il s’est lui-même fixées. On ne se refait pas. Mais à l’écouter sur la cinquième chaîne, on constate qu’il est toujours un maître dans l’art de botter en touche, lorsqu’une question tente de fouiller quelque plaie. On sait qu’il ne faudra pas compter sur lui pour regarder Marseille telle qu’en elle-même. Avec sa beauté, ses turbulences, ses réussites, ses fractures, ses enthousiasmes, ses défaites…
Ne prenons qu’un exemple : la pollution. Gaudin a toujours été dans le déni
Ne prenons qu’un exemple : la pollution. Gaudin a toujours été dans le déni, avec d’autant plus de force qu’il expliquait sur le plateau de Mme Lemoine qu’un certain nombre de secteurs ne dépendent pas de lui. Il a cité tout à trac, le port autonome, l’assistance publique hospitalière, la sécurité. Au rugby, qu’il n’a jamais pratiqué malgré un physique qui l’aurait place dans les premières lignes, on appelle ça une passe à l’aile.
Qu’on se le dise donc dans les chaumières qui subissent aujourd’hui, de l’Estaque au Panier, une pollution une fois et demi supérieure à la moyenne, que les paquebots qui enfument, 24h sur 24, partie de Marseille, ne sont pas du ressort de la municipalité. On pourra faire remarquer à notre homme à la plume prolixe, que lui-même et ses ouailles ont fait, pendant des années, des croisiéristes, un argument de propagande, expliquant urbi et orbi que la ville était en train de détrôner les Gênes, Barcelone et autres mégapoles méditerranéennes. Les riverains, victimes de cet engouement, ont beau s’époumoner, M. Gaudin ne nous racontera pas tout, sur ce navrant état de fait.
Il ne reste qu’à nous tourner vers les écologistes, puisque certains d’entre eux ont réussi, malgré leurs divisions, à se hisser jusqu’à l’hémicycle de la place Bargemon.
Sébastien Barles (EELV) : construire désormais « notre propre résilience »
Ainsi M. Sébastien Barles, adjoint à la transition écologique qui vient de rappeler en conseil municipal confiné, qu’il ne s’agissait plus de faire la promotion « des panneaux solaires et des carottes » mais de construire désormais « notre propre résilience ». Barles s’inspire des travaux de Rob Hopkins, fondateur des « Villes en transition ».
Nous voilà rassurés. Nous qui avions cru comprendre que le programme des Verts, passait d’abord par la contestation du Tour de France, l’interdiction de survol des villes par la Patrouille de France, l’érection d’une mosquée pantagruélique où la loi de la République n’aurait pas droit de cité, la fin du sapin de Noël et enfin – le plus récent avatar à Poitiers de cette politique castratrice – la suppression d’une subvention pour des amateurs… d’aéromodélisme. L’adjoint aux sports de cette ville qui, en son temps, vit Charles Martel mettre fin à l’invasion arabo-andalouse, est, on ne peut plus tranché : « Poitiers ne soutiendra plus le sport motorisé ! » Diantre.
Du coup on se dit que Barles devrait prendre langue urgemment avec ces croisés de l’écologie. Lui qui envisage comme prioritaire de promouvoir des « micro-forêts » en cœur de ville et de « valoriser des friches urbaines », devrait comme ses camarades poitevins se saisir d’une urgence : mettre fin à tous ceux qui roulent leur mécanique dans les rues de Marseille, conjuguant avec une arrogance proche de la violence, la pollution sonore avec la pollution atmosphérique.
On se souvient qu’au siècle dernier les forces de l’ordre étaient dotées de sonomètres
On se souvient qu’au siècle dernier les forces de l’ordre étaient dotées de sonomètres, et qu’elles pouvaient à tout moment s’en prendre à la gent pétaradante qui empoisonne la vie des Marseillais. Il y va aussi de la sécurité et si nous avons bien noté que la nouvelle municipalité veut donner un coup d’arrêt aux rodéos urbains. Mais force est de constater que les passages pour piétons n’ont de protégés que le nom, que le rugissement des fortes cylindrées leur sert de seul langage pour se frayer un chemin dans les ralentissements ou bouchons, que la nuit venue, il vaut mieux ne pas prendre un feu tricolore au pied de la lettre, si l’on ne veut pas être coupé en tranche par un pizzaïolo. Pour faire bonne mesure, la mode fait ressurgir le fameux pot qui gonfle en décibels les tenants du tout mécanique.
Entre Gaudin, qui estimait que la ville n’était pas aussi polluée que tous les classements l’indiquent, en raison, plusieurs jours l’an, d’un Mistral salvateur, et Barles qui nous promet un Printemps Marseillais décarbonais, il y a peut-être un chemin. Celui qui, au nom de la loi, imposerait aux pollueurs à deux roues, un régime sans selle.
Liens utiles :
Hervé Nedelec vient de publier chez Librinova un récit autobiographique Journaliste, c’est pas un métier mais tellement plus.
Signez la pétition lancée par Gomet’ pour des dimanches sans voitures sur le littoral métropolitain