La gauche a pratiquement disparu des écrans radars dans plusieurs départements de la Région Provence Alpes Côte d’Azur. Dans le Var et les Alpes-Maritimes, elle nourrit encore une mémoire usée où les derniers dinosaures socialistes et communistes ne règnent qu’à peine dans les livres d’Histoire, qui racontent le siècle dernier. Dans le Vaucluse et les Alpes de Haute-Provence, quelques îlots rappellent que la gauche fut, un temps, combattante, triomphante, omnipotente, qu’elle avait un peuple derrière elle et des leaders qui ne barguignaient pas à longueur de temps. Dans les Bouches-du-Rhône elle a humilié, plusieurs décennies durant, une droite conservatrice et recroquevillée dans quelques maigres fiefs avant de perdre ses tonitruants ténors, ses troupes militantes, ses principes moraux.
L’heure du coup nous dit Le Monde est à « refaire le coup de l’union », si possible d’Arles à Avignon, d’Aix à Nice, de Forcalquier à Marseille. Parti de rien pour arriver à pas grand-chose, elle n’aura finalement de compte à rendre à personne, pour paraphraser Pierre Dac.
Certains rejettent encore la faute qui a mené à cette situation inédite, sur Christophe Castaner
A cette heure, et c’est une singularité qui en dit long, la seule opposition représentée dans l’hémicycle régional, place Jules Guesde, est le Rassemblement National de Marine Le Pen. Certains rejettent encore la faute qui a mené à cette situation inédite, sur Christophe Castaner. Le futur ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, décida de fait en décembre 2015, de replier, avant le second tour des Régionales, l’étendard PS. Il barra du coup la route à Marion Maréchal et sauva, in extremis, le républicain Christian Estrosi d’une Bérézina annoncée. D’autres, plus nombreux, estiment que l’essentiel a été préservé, soit une certaine idée de la République et de la démocratie.
Beaucoup aujourd’hui refusent d’entrer à nouveau dans ce manichéisme mortifère qui condamnerait, à la fin de l’assaut, le belligérant arrivé troisième, à s’éclipser si le danger de l’extrême droite était encore là. Il le sera, n’en doutons pas un instant, et un premier sondage donne Thierry Mariani (ex-LR) qui n’est pas au RN mais qui est soutenu par lui à 30%, devant le président sortant Renaud Muselier (LR) 26%. Marine Le Pen espère que Mariani ira braconner quelques électeurs LR, partisans d’une droite plus musclée particulièrement sur la question de l’immigration.
Les écologistes croient dur comme fer que leur relative virginité est un paravent efficace
A gauche, plusieurs éléments viennent troubler l’optimisme de l’appel à la mobilisation générale qui commencerait d’abord par des rangs resserrés. La France insoumise est de ces écueils. Son leader Jean-Luc Mélenchon en s’autoproclamant après une pseudo-consultation sur Internet, leader obligé de la gauche, saute allègrement la case des régionales et des cantonales. Les écologistes croient dur comme fer que leur relative virginité est un paravent efficace pour masquer les turpitudes passées de leurs alliés possibles, les socialistes et les communistes. La société civile ou citoyenne a enfin fait connaître à travers une liste de plus de cent personnalités régionales sa volonté de figurer en bonne place dans une union qui faute d’être large est condamnée. Le dernier épisode tragi-comique de l’élection municipale marseillaise – une interview intersidérale de Michèle Rubirola, dans le magazine Elle – souligne grossièrement cette propension consubstantielle des hiérarques socialistes, à utiliser les trajectoires les plus tordues, pour arriver à leur fin.
Il va donc falloir une sacrée force de conviction à ceux qui prétendent reconquérir la Région pour attester que la lessive du Printemps a été effective et que Payan et son équipe lavent désormais plus blanc. Jules Guesde disait que « les socialistes d’aujourd’hui se sont mis à l’école des faits ». C’était au début du siècle dernier. Il n’est pas sûr qu’à Marseille en 2020, ils aient été bons élèves.
Faute de tête de proue, la gauche va donc s’embarquer pour une nouvelle traversée périlleuse en haute mer. Elle compte aujourd’hui ceux qui s’installeront en juin prochain probablement sur les bancs des rameurs et seront priés de souquer ferme contre le vent, mais personne ne sait encore qui tiendra la barre. Ce n’est pas un trois mâts qu’on nous annonce, mais plutôt un Ferry-boat à moins qu’il ne s’agisse encore du Pitalugue, cette barcasse au fond pourri qui, selon Marcel Pagnol, avait du mal à flotter en eaux troubles.
Pourtant l’enjeu est important car il s’agit ni plus ni moins d’empêcher Les Républicains de tenir tous les leviers et tracer du coup le sillon pour de futures semailles présidentielles. Le petit-fils de l’amiral Muselier scrute pour l’heure l’horizon marin sans crainte particulière.