Un palais des festivals plein à craquer, des visages découverts, des flûtes à champagne qui trinquent et des petits fours qui circulent sur des plateaux … Le grand salon international Mipim, qui s’est tenu à Cannes du 15 au 18 mars, avait indubitablement un goût de monde d’avant. Avec l’abolition du masque et du pass sanitaire depuis le 14 mars dernier, la pandémie de covid-19 semble avoir subitement disparu. Elle a pourtant laissé des traces dans l’esprit des promoteurs spécialisés dans l’immobilier de bureaux. Réunis sur le stand One Provence de la Métropole, les acteurs du secteur sont unanimes : leurs prochains projets devront nécessairement prendre en compte les évolutions dans les habitudes de travail qui ont germé à la faveur de deux ans d’épidémie.
Au delà des précautions sanitaires qui vont perdurer, à l’instar des ventilateurs nouvelle génération à filtration extrême anti covid, que des projets comme Le Phocéa (Lazard Group) et la Tour Mirabeau (CMA-CGM / Bouygues) intègrent, c’est la physionomie même du bureau classique qui est vouée à évoluer pour s’adapter au monde du travail post-covid.
Vers la fin du bureau individuel ?
Premier constat : « La demande de bureaux n’est pas morte, mais elle monte en gamme », observe Stéphane Ghio, directeur du développement économique pour l’établissement public d’aménagement (EPA) Euroméditerranée. En effet, sur l’année 2021, la Métropole a enregistré 165 000 m² demandes placées, en location ou en vente de bureaux, soit une « excellente année », selon le spécialiste. Tout au plus, l’EPA projette-t-il une éventuelle baisse de 10% maximum due à la crise sanitaire sur l’immobilier de bureau, « mais il ne s’agit que d’une estimation sur quinze ans, il sera possible de s’adapter à tout moment », nuance-t-il.
Impossible cependant de faire l’impasse sur le télétravail, qui a nettement modifié les habitudes des salariés. Certains, d’ailleurs, ont pris goût au fait de travailler depuis chez eux : même s’il n’est plus obligatoire, certaines entreprises continuent ainsi de l’appliquer en moyenne deux jours par semaine. « Le bureau va devenir un lieu d’interaction sociale pour réfléchir à la stratégie, à l’innovation. Ce n’est pas en visioconférence que l’on est créatif. Il faudra donc imaginer davantage d’espaces de concertation », poursuit-il. La convivialité serait donc le nouveau fil rouge des promoteurs : « Après tout ce temps en télétravail, nos collaborateurs veulent offrir un espace de travail agréable aux salariés, c’est pourquoi nous intégrons dans tous nos projets des terrasses avec des espaces verts à chaque étage », témoigne Laurent Lombardo, directeur régional de Lazard Group, qui détient plusieurs chantiers d’immeubles de bureaux en cours sur le périmètre d’Euromed 2 ( le Phocéa, Azuréa et le Cristallia).
« Le bureau va devenir un lieu dédié à l’interaction sociale, à la recherche d’innovation et de stratégie »
Stéphane Ghio, directeur du développement économique Euroméditerranée
Idem du côté de CMA-CGM pour son projet Mirabeau, mené de concert avec Bouygues Immobilier : « Nous avions anticipé les problématiques liées au covid-19. Chacun des 21 étages disposera ainsi d’une terrasse, les fenêtres pourront s’ouvrir, ce qui est rare pour un immeuble de grande hauteur (IGH) et nous avions déjà pensé des espaces de coworking. Il y a même une salle de sport » détaille Guillaume Béan, en charge du projet pour l’armateur marseillais. Enfin, le futur immeuble de bureau Adriana, situé à proximité de la gare Saint-Charles, et imaginé par Newton Offices avec Altarea Cogedim, comprendra lui aussi 9650 m² de bureaux dits « flexibles», sans bureau fixe, pour permettre aux collaborateurs de travailler dans l’espace de leur choix.
Serait-ce donc la fin du bureau individuel, sur lequel trônent tasses à café personnalisées et cadres-photos de vacances ? « Il faudra s’y résoudre » admet Stéphane Ghio, qui imagine davantage un système de plateforme où chacun réserve son espace de travail au jour le jour.
Des espaces modulables et multifonctionnels
Autre défi sur lequel Euroméditerranée « planchait déjà avant, mais qui s’est accéléré avec la crise sanitaire », explique Stéphane Ghio : la nécessaire modularité et convertibilité des espaces. En effet, la crise sanitaire a fait prendre conscience de la rapidité avec laquelle les habitudes évoluent. « Nous devons être capables de transformer des bureaux en logements facilement, pour nous adapter à la demande. Par exemple, sur le périmètre des Fabriques, nous allons construire un parking adapté pour se transformer en habitations si, un jour, la voiture en ville perd son intérêt. Ce ne sera peut-être pas le cas mais il faut être prêts au cas où ! », détaille le directeur du développement économique de l’EPA.
Ce n’est pas tout : l’environnement de travail ne doit pas uniquement comprendre des bureaux, mais aussi tout un tas de services pour améliorer la qualité de vie des travailleurs, un sujet qui a revêtu encore plus d’importance à l’aune de la crise. Crèches, loisirs, écoles, commerces, restauration … « Les gens ne veulent pas aller au bureau uniquement pour travailler », constate Stéphane Ghio. Le périmètre d’Euroméditerranée englobe ainsi un centre commercial, un cinéma, des écoles de commerce comme Kedge, un hôpital et, surtout une offre de transports développée. « Il y a un gros sujet sur la mobilité : les locaux qui ne sont ni bien desservis ni bien connectés n’ont pas vocation à perdurer » analyse-t-il.
Bientôt, Euroméditerranée accueillera également l’école du numérique La Plateforme, sur les îlots Cazemajou, plusieurs projets de logements (M-Life, Porte Bleue) ainsi qu’un village du BTP, preuves de la diversification de l’activité dans ce quartier qui se veut plus qu’un quartier d’affaires.
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