Après une année plus que particulière, le Grand Port Maritime de Marseille a voté le 5 mars dernier son plan stratégique 2020-2024. Il table sur un retour au chiffre d’affaires 2019 dès l’année prochaine avec une croissance continue et un objectif de 185 millions d’euros en 2024. Pour y parvenir, le port compte développer ses ressources issues de l’exploitation de ses domaines. Interviewé par Gomet’ (lire notre grand entretien à paraître jeudi 25 mars), le président du directoire du GPMM Hervé Martel explique : « Les grands ports du nord comme Anvers réalisent la moitié de leur chiffre d’affaires grâce à l’exploitation de leur domaine et le reste sur les droits de port. En France, nous sommes encore à deux tiers pour les droits de ports ». Ces droits de ports sont acquittés par les armateurs des navires qui utilisent les services du port. Ils sont donc dépendants du trafic. Hors, ces derniers sont très fluctuants : « Nous sommes dans une lente démondialisation du marché. Le pétrole va également diminuer du fait des politiques étatiques. Il faut trouver de nouvelles ressources », analyse Hervé Martel. Le GPMM va donc lancer une ou plusieurs sociétés dédiées pour porter ses projets immobiliers et énergétiques.
Le port co-investisseur des projets immobiliers sur son domaine
Depuis un certain temps, il a pris la dimension du potentiel de son foncier en accueillant de nouvelles activités économiques : « Si des gens peuvent gagner de l’argent à faire des Terrasses du Port, des bureaux, des J1 ou encore des entrepôts sur notre domaine, pourquoi on ne jouerait pas avec eux ? On a les actifs nécessaires, ils ont le savoir-faire, on doit être partenaire pour créer de la valeur et se la partager », estime Hervé Martel. Pour l’instant, le GPMM se contente de louer ses terrains avec une rentabilité aux alentours des 6 % à 8 %. À l’avenir, il souhaite monter des joint-ventures immobilières pour maximiser ses profits : « Le principe est de placer l’équivalent des loyers au capital d’une société immobilière dont la rentabilité sera supérieure à la seule valeur locative », explique le président. Il sera ainsi actionnaire aux côtés d’un promoteur « dont c’est le métier » au travers d’une SPV (Special Purpose Vehicle) « qui permettra d’isoler le risque », précise Hervé Martel. « Il faut à tout prix sécuriser ce montage pour protéger l’établissement portuaire d’une éventuelle perte de capital », insiste-t-il. Le port consulte actuellement des cabinets de conseil pour connaître le meilleur montage de SPV à adopter. Il pourrait créer une seule grande société baptisée Grand Port Participations, deux sociétés pour l’immobilier et l’énergie ou bien encore une structure pour chaque projet. « Ce n’est pas encore tranché », avoue Hervé Martel.
Le port suspend le projet des bureaux de La Méridionale
La stratégie immobilière du port concerne essentiellement les bassins Est. « Sur Fos, cela ne peut pas être une stratégie durable. Compte-tenu des enjeux environnementaux, on ne peut pas urbaniser à outrance », prévient Hervé Martel. Par contre, sur Marseille, il a déjà commencé largement à céder du terrain avec les Terrasses du Port et le projet La Passerelle au J1. De nombreux autres terrains très proches de la ville peuvent encore être aménagés. Il avait par exemple lancé une consultation pour créer un véritable parc de bureaux sur le quartier Arenc. Un premier projet était sur le point d’aboutir avec la compagnie maritime La Méridionale qui souhaitait construire son nouveau siège social. Finalement, ce dossier ne verra pas le jour, pas tout de suite du moins. « On a suspendu ce projet avec la Méridionale car les conditions de montage n’étaient pas satisfaisantes. Il n’était pas suffisamment rentable avec un risque trop important pour le port », annonce Hervé Martel. Les négociations avec la compagnie et le porteur Stef-Immo, filiale immobilière de la maison-mère Stef, sont donc interrompues et le port souhaite repartir à zéro en réfléchissant notamment à mettre en pratique sa nouvelle stratégie d’investissement aux côtés d’un promoteur via une société dédiée. « Il était prévu que l’on pouvait faire quatre ou cinq immeubles au total sur cette zone d’Arenc. On ne va pas lancer ce dossier cette année. Ce site entrera dans la cadre de notre nouvelle stratégie d’optimisation de notre foncier », précise le président du directoire. Par contre, le projet de construction de son nouveau siège social pourrait avancer plus rapidement.
Un montage en concession pour le futur siège du port
« Nous ne pouvons pas laisser notre siège en l’état. Pour un port de dimension mondiale comme celui de Marseille, il n’est clairement pas au niveau de notre standing », avoue Hervé Martel. Coincé entre les Terrasses du Port et le futur complexe du J1, les bureaux historiques sont amenés à disparaître. « L’idée est de détruire l’immeuble actuel pour en construire un plus près de la mer », avance le président. Le projet architectural est toujours en discussion, mais le futur bâtiment sera bien plus grand : entre 20 000 et 25 000 mètres carrés de planchers. Pourtant, le port n’en a pas besoin de temps pour accueillir ses salariés. « On ne devrait en occuper qu’un tiers environ », explique Hervé Martel. Ce qui laisse un espace conséquent pour d’autres activités. Avec cette belle opportunité immobilière, le port espère ainsi attirer des investisseurs qui supporteront le coût de la construction. « Pour le financer, il va falloir sortir entre 50 et 100 millions d’euros en fonction de la taille, estime Hervé Martel. On va donc faire un montage en concession ». En clair, le port ne sera pas propriétaire de ses futurs bureaux. Il les louera à une société immobilière qui développera le projet dans son intégralité. En plus du siège du GPMM, les bâtiments pourront aussi accueillir le futur Port Center, un espace de sensibilisation sur les activités maritimes, mais également d’autres bureaux pour « d’autres sociétés maritimes comme Corsica Linea, La Méridionale ou encore des syndicats comme l’union maritime fluviale… », cite Hervé Martel.
Deux centrales solaires à Fos-sur-Mer
Outre l’immobilier, le GPMM veut également valoriser ses terrains en développant des centrales photovoltaïques. « Ce sera le même principe. On a des terrains au soleil et il n’y a pas de raison que ce soit quelqu’un d’autre qui en profite. Si un professionnel du photovoltaïque est intéressé pour développer une ferme, on va lui proposer de monter une joint-venture plutôt que de simplement lui louer le terrain », explique Hervé Martel. Parmi les projets inscrits au projet stratégique, le port envisage d’installer une ferme de 50 MW sur un terrain de 50 hectares entre l’usine LyondellBasell et l’incinérateur Evéré. Un autre parc solaire de 10 MW est en cours de réalisation le long du canal du Rhône à Fos-sur-Mer. « Selon les opportunités spatiales qu’il reste à préciser, le port souhaite, en cohérence avec son ambition de « port entrepreneur », développer des surfaces de panneaux photovoltaïques sur plusieurs dizaines d’hectares », écrit le port dans son document stratégique.
Document source : Le projet stratégique du port dans son intégralité
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