A l’approche de la 6e édition du forum ForIndustrie, qui se déroule vendredi, Thierry Chaumont, président de l’Union des Industries et métiers de la métallurgie (UIMM), un des organisateurs du forum, évoque pour Gomet’ les nouveautés de cette édition 2021 et dresse un état des lieux du secteur.
Quelles sont les spécificités de cette 6e édition de ForIndustrie ?
Thierry Chaumont : Le thème de cette année est « Réinventons l’industrie » : certes, au travers des thématiques abordées au cours des tables-rondes (IA, big data, télétravail etc.), il y a l’idée d’une évolution de l’industrie, après cette période d’adaptation au covid-19. Ce sujet de la reprise sera forcément abordé dans les échanges. Mais notre objectif avec ce thème est principalement de démonter les idées reçues sur l’industrie, faire en sorte que le secteur soit mieux connu. Il s’agit de faire rêver sans enjoliver, montrer le réel.
Cette année encore, le forum se déroulera en format digital. Cela nous permet de décupler le nombre de participants au forum : une cinquantaine de personnes par ateliers, contre une vingtaine seulement pour les éditions en présentiel. Ce forum ForIndustrie vient en clôture de l’Usine Extraodinaire, un événement qui se déroule pendant une semaine sur une plateforme en ligne et cible un public jeune et en particulier les filles pour leur faire connaître un peu mieux notre univers, là où ForIndustrie s’adresse davantage aux professionnels. Ces deux temps forts se complètent.
Comment se porte le secteur de l’industrie actuellement, dans ce contexte de reprise post-covid ?
T.C : Sur le plan national, je dirais que nous nous situons encore à environ 2% en dessous des chiffres réalisés avant la pandémie. Le secteur le plus touché est celui de l’automobile, notamment en raison de la crise des microprocesseurs.
Il nous appartient de créer des centres de formation : nous manquons de candidats, en formation initiale et professionnelle
Thierry Chaumont
La situation est différente dans le Sud, où le secteur automobile est peu présent. Globalement nous sommes revenus au stade d’avant-pandémie, à deux bémols près : d’abord, le secteur fait actuellement face à d’importants problèmes d’approvisionnement dus notamment à la crise des microprocesseurs, mais aussi à un coût d’énergie croissant. Il faut se méfier de tensions à venir si une rupture survient et que nous sommes contraints d’arrêter nos chaînes de production. La situation deviendrait alors plus complexe. Ce qui nous sauve, pour l’instant, et nous préserve des problèmes rencontrés au niveau national, c’est que nous possédons peu de chaînes de production dans le Sud.
Ensuite, l’industrie dans son ensemble rencontre une pénurie de ressources humaines, qui n’épargne aucune branche du secteur et touche spécifiquement les PMI : beaucoup d’entreprises cherchent à recruter mais ne trouvent pas preneurs, fautes de candidatures. Il nous appartient de créer des centres de formation : nous manquons de candidats, en formation initiale et professionnelle, c’est d’ailleurs tout l’objet de l’Usine Extraodinaire de chercher à attirer de potentiels candidats.
De façon générale, il n’y pas spécialement de branche plus fragilisée qu’une autre par la situation sanitaire, du moins dans la région : les grands leaders comme Airbus, Naval Group ou CMA-CGM fonctionnent globalement bien à l’heure actuelle. Face à la forte demande de micro-électronique, ST Micro fonctionne également à pleines turbines.
Êtes-vous satisfaits des apports du plan de relance ? Et des annonces pour le plan France 2030, présentés par Emmanuel Macron à la mi-octobre et qui visent à financer les secteurs d’excellence ?
T.C : L’Etat a alloué 100 milliards d’euros pour soutenir l’économie, dont environ un tiers pour le secteur industriel. C’est colossal. Mais n’oublions pas que ce tiers comprend une part non négligeable sur les diminutions d’impôts de production. Nos efforts resteraient vains sans baisser ces impôts: les investissements pour décarboner et faire évoluer nos usines sont tellement importants que, sans aides, les industriels n’y arriveront pas.
France 20230 : Pour l’heure, ce ne sont que des annonces : ne les boudons pas, mais faisons en sorte qu’elles se concrétisent.
Thierry Chaumont
A tout égard, le plan de relance a été salvateur. Il a permis de conserver les emplois, ce qui est capital dans un contexte de pénurie de collaborateurs. Mais cela ne fait pas tout : les entreprises aussi ont fortement participé, il y a eu de nombreux dossiers de qualité. Il a eu un peu de mal au démarrage, mais ça s’est accéléré.
Le plan de relance a permis d’obtenir une aide sur le court terme. Le plan France 2030, quant à lui intervient sur le long terme. Nous allons pouvoir prendre le temps d’aider les industriels à bâtir des projets sans être dans l’urgence. Pour l’heure, ce ne sont que des annonces : ne les boudons pas, mais faisons en sorte qu’elles se concrétisent.
A quoi devrait ressembler l’industrie de demain ?
T.C : L’industrie a toujours évolué. Tous les investissements, depuis de nombreuses années déjà, prennent en considération les enjeux actuels d’une usine décarbonée. Les enjeux, aujourd’hui, sont donc écologiques mais également sociétaux. Sociétaux parce que l’industrie se doit d’être à proximité des consommateurs. Je suis personnellement partisan d’une usine de proximité, propre, décarbonée. Le secteur industriel travaille avec de très gros industriels y compris Arcelor, souvent pointé du doigt, mais qui a une politique d’investissement colossal dans ce domaine.
Il faut aider les PMI à se robotiser
Thierry Chaumont
Sur l’aspect écologique, il faut bien entendu réduire au maximum la part des énergies fossiles. Il est pour cela possible de favoriser l’économie circulaire au sein des entreprises. Il n’y a pas de solutions miracles, il faut un ensemble de mesures menées en commun pour faire en sorte que les investissements des industriels prennent en compte l’ensemble de ces problématiques. C’est un melting pot de solutions.
A côté des aspects sociétaux et écologiques, il y a le tournant technologique : l’évolution numérique, l’intelligence artificielle, … Surtout, il faut aider les PMI à se robotiser. Les grands groupes, eux, n’ont pas attendu pour développer des exosquelettes. Notre rôle à l’UIMM est d’accompagner les dirigeants des petites et moyennes industries, qui ont la tête dans le guidon.
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