La rédaction de Gomet’, attachée à la vitalité du débat local, publie régulièrement des tribunes (*) de contributeurs extérieurs. Ce mardi 12 mai, nous donnons la parole à Stéphanie Ragu, secrétaire du bureau de Medinsoft et PDG de Lauralba, une entreprise de services du numérique. Elle plaide pour une collaboration public-privé pour sauver l’innovation française. Devant la crise ouverte dont l’envergure est encore inconnue, il s’agit en effet d’un moment de choix pour faire naître une conscience liée à la souveraineté de nos entreprises et collectivités. Les récents piratages informatiques de la Métropole Aix Marseille Provence et de la Ville de Marseille sont des signaux forts qui ne peuvent pas être ignorés. Créé en 2003, Medinsoft, le “cluster de la transformation digitale” accompagne les entreprises qui conçoivent et utilisent des outils numériques.
La souveraineté est apparue comme une des questions majeures de cette crise.
Stéphanie Ragu
La transformation digitale imposée par la crise sanitaire et la mobilisation des collectivités locales auront permis d’assurer la continuité d’exploitation des services publics, mais aussi de soutenir l’emploi et l’économie dans la sphère privée. La souveraineté — entendue comme notre capacité à maîtriser nos choix autant que leur mise en œuvre — est apparue comme une des questions majeures de cette crise. Au-delà de l’enjeu de la relocalisation de capacités et de savoir-faire, se pose la question de notre réelle capacité à être au rendez-vous de l’histoire.
Avec la French Tech, la France dispose d’un gisement visible d’entreprises innovantes : celles-ci sont parfois confrontées à l’étroitesse du marché intérieur, et souvent, mais plus encore à l’immaturité de leurs clients potentiels dont les circuits de décision sont aussi complexes qu’ignorants de la réalité et des enjeux des technologies numériques. Ceci est souvent expliqué, et en réalité aggravé par la compétition internationale puisque 85% de nos marchés de fournitures de composants numériques sont remportés par des acteurs non européens.
Or, il y a une différence entre poser un constat et baisser les bras. Cette part de marché est, pour partie, le résultat d’une absence de volonté ou de prise de risque. Bien sûr, il ne s’agit pas de reproduire les traumatismes d’Alcatel cédé à Lucent, qui fût un échec autant technologique que politique, une erreur de jugement centralisée portant sur le fond comme sur la forme.
Le critère environnemental peut aussi apporter une contribution positive à ce besoin de souveraineté.
Stéphanie Ragu
De nombreux industriels réclament la prise en compte de la souveraineté comme critère d’analyse des marchés publics : la bonne nouvelle est que tous les outils sont en réalité déjà disponibles ! Le critère environnemental peut aussi apporter une contribution positive à ce besoin de souveraineté, ne serait-ce que pour le coût environnemental de transport d’hommes comme de fournitures.
Qu’il s’agisse de la mise à jour du seuil permettant de conclure un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalable (40000 € HT), ou les marchés publics permettant l’innovation aujourd’hui à 100 000€ HT, des outils permettent d’ores et déjà de nouvelles formes de collaborations privé public. Pour accompagner la reprise de l’activité, développer l’emploi et maintenir les meilleurs talents sur notre territoire, il nous revient de nous en emparer et de les mobiliser.
Des outils permettent d’ores et déjà de nouvelles formes de collaborations privé public.
Stéphanie Ragu
Les champs d’applications ne manquent pas : technologies de la smart city ou du big data, équipements d’intérêts vitaux tels que fabrication de respirateurs ou de bases de données “citoyens”, ou plus récemment sécurité informatique matérielle comme logicielle ; les nombreux piratages qui ont mis à l’arrêt des administrations ou établissements hospitaliers en pleine crise sanitaire, ont ajouté tant de difficultés insurmontables à une crise d’une ampleur aussi inédite qu’inconnue !
L’État comme les collectivités doivent mobiliser la commande publique au service de l’innovation avec pour seule contrainte une logique d’investissement avec une rentabilité du denier public mesurée assortie d’indicateurs compréhensibles par tous.
Les solutions ne manquent pas, et dans un effort collectif pour faire face à la situation, nous devons nous saisir du monde de demain et ce dès à présent.
Stéphanie Ragu
Secrétaire du bureau de Medinsoft et PDG de Lauralba
(*) Gomet’ Media, attaché à la vitalité du débat local, publie régulièrement des tribunes de contributeurs extérieurs. Ces points de vue n’engagent pas la rédaction.