Elu en juillet dernier député de la 2e circonscription des Bouches-du-Rhône sur la liste du Nouveau front populaire, le socialiste Laurent Lhardit n’en est pas à sa première expérience au sein du Palais Bourbon. Avant d’être adjoint en charge de l’économie et du tourisme à la Ville de Marseille, il a en effet été un temps attaché parlementaire du député socialiste Michel Pezet, avant de devenir chef de cabinet du président de la commission de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne. Il fonde par la suite son cabinet de conseil en stratégies publiques.
Aujourd’hui lui-même parlementaire, il détaille pour Gomet’ les projets qu’il aimerait porter dans l’hémicycle et les missions qu’il conserve à Marseille. Fin connaisseur des institutions, il livre par ailleurs son analyse de la situation politique dans le pays, alors qu’Emmanuel Macron tarde à nommer un nouveau gouvernement, à la suite de la démission du gouvernement actuel.
Vous avez été élu député lors des dernières législatives. Comment allez-vous concilier ce nouveau mandat avec vos fonctions locales en tant qu’adjoint à l’économie à la Ville de Marseille, mais aussi aussi membre du conseil de développement du Grand Port de Marseille ou encore président de l’Office de tourisme ?
Laurent Lhardit : Aujourd’hui, nous sommes dans une période de transition durant laquelle une réorganisation est mise en place. La fonction d’adjoint, qui est incompatible avec un mandat parlementaire, sera donc réattribuée à un autre élu. Pour le reste, le maire (Benoît Payan, ndlr) est seul décisionnaire de l’attribution de ses délégations.
Benoît Payan souhaite que je continue à suivre les dossiers économiques et plus particulièrement ceux concernant le Grand port de Marseille.
Laurent Lhardit
Ce que je sais à ce stade c’est qu’il souhaite que je continue de suivre les dossiers de l’économie en tant que conseiller économique ainsi que les affaires liées au Grand port maritime de Marseille (GPMM).
Est-ce qu’il y a des dossiers marseillais que vous comptez porter au niveau de l’Assemblée nationale ?
L.L. : Le travail d’un député comporte une double facette. Je suis d’ores et déjà très sollicité sur ma circonscription. Je me suis donc mis en relation avec les maires de secteurs concernés (Sophie Camard pour le 7e arrondissement et Olivia Fortin pour le 8e, ndlr) pour nous coordonner sur certains dossiers, par exemple le projet du boulevard Urbain Sud.
Mais je ne représente pas seulement ma circonscription. C’est d’ailleurs un abus de langage de dire qu’il s’agit de « ma » circonscription car elle ne m’appartient pas. Le mandat de député est avant tout un mandat national.
Sur quels sujets envisagez-vous de vous pencher à l’échelle nationale ?
L.L. : Avec huit autre élus socialistes, je suis membre de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Je pense que Marseille est représentative de nombreux sujets qui touchent le territoire national. C’est le cas par exemple du logement, ou encore de l’économie sociale et solidaire – elle représente 11% de l’emploi privé au niveau national contre 20% à Marseille.
On peut également citer le développement de la croisière de masse, le déploiement des centres de données ou les locations de courte durée, des sujets qui touchent particulièrement Marseille mais concernent la France entière. Ce sont des questions que je souhaite porter au niveau du Parlement.
Vous êtes membre de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Quelle vision économique souhaitez-vous porter ?
L.L. : Le président de la République considère que toute autre politique économique que celle qu’il a mené jusqu’à présent serait dangereuse pour le pays. Cela signifie rester dans une vision ultra-libérale. Le problème de la politique économique portée par Emmanuel Macron est qu’elle réduit progressivement le chômage, mais au prix de la création d’une proportion toujours plus importante de travailleurs pauvres.
Il faut donc passer d’une politique de l’offre à une politique moderne de la demande.
Laurent Lhardit
Il faut stopper cette spirale, celle qui a notamment généré la crise des gilets jaunes avec de plus en plus de Français déclassés, qui ont un emploi mais qui n’arrivent plus à nourrir leur famille. Il faut donc passer d’une politique de l’offre à une politique moderne de la demande. Les ressorts de l’économie ont évolué depuis les années 80, l’augmentation des revenus ne provoque plus d’inflation et les entreprises bénéficient les premières d’une augmentation de la consommation des ménages qui vient renforcer leur carnet de commandes.
C’est ce qui se passe en Espagne, bon exemple actuel de l’efficacité d’une politique de soutien de l’économie par la demande (le pays a augmenté de 54% son Smic depuis 2018, ndlr). Le PIB par habitant de l’Espagne est en train de rattraper celui de la France. Il nous incombe désormais de faire preuve de pédagogie pour promouvoir cette politique économique alternative, efficace socialement et profitable aux entreprises et à l’emploi.
Laurent Lhardit : « Emmanuel Macron doit donner sa chance à un gouvernement Nouveau front populaire »
Comment se passent vos premiers pas de députés dans un contexte d’incertitude, alors qu’aucun gouvernement n’a été formé ? Redoutez-vous les rapports de force dans un hémicycle où aucune majorité ne se dessine, où des tensions peuvent même apparaître au sein du Nouveau front populaire ?
L.L. : Le problème c’est que nous n’avons pas de gouvernement pour agir et proposer de nouvelles choses. Le président de la République évolue dans la zone grise de notre Constitution. Il prend son temps, il a le droit de le faire, mais il provoque ce faisant un immobilisme qui commence à peser lourd.
Je déplore son refus de nommer un gouvernement issu de la force politique arrivée en tête lors des législatives. Les Républicains ont fait un score minime aux dernières législatives et le parti présidentiel a largement perdu les deux dernières élections (les européennes et les législatives, ndlr). Quelle légitimité ont-ils ?
Il faut qu’Emmanuel Macron donne au Nouveau front populaire sa chance de former un gouvernement et ensuite des alliances, quitte à ce que cela ne fonctionne pas. Mais il nous faut avancer à tout prix. Il faut nous inspirer du modèle de coalition allemand, discuter et se mettre d’accord. Cela est plus complexe dans un régime présidentiel comme le nôtre. Quant au risque de motion de censure, il n’existe pas tant que la censure n’a pas été votée. Qui dit que les efforts d’une coalition ne pourraient pas être couronnés de succès ? Dans la situation actuelle, il est de toute façon impossible de former un gouvernement qui convienne à tout le monde.
Lien utile :
Laurent Lhardit veut « un conseil de développement pour tous les acteurs du tourisme »