Olivier Pastré est un économiste qui aime à se coltiner à l’actualité et qui veut offrir une lecture, souvent iconoclaste de notre société et de nos économies. Membre actif du Cercle des économistes, intervenant souvent dans les médias, auteur de nombreux ouvrages (1), en particulier sur le système bancaire, il rédige en ce moment les derniers mots d’un livre à paraître, (avec Jean-Hervé Lorenzi, fondateur du Cercle des économistes et Thierry Derez, DG du Groupe Covea) : « S’engager : l’alternative mutualiste et coopérative ».
Pour les auteurs « le mutualisme et la coopération ont un rôle stratégique et pèsent d’un poids croissant dans l’économie. De par les valeurs qui sont les leurs, ces deux formes d’organisation peuvent contribuer à rendre la sortie de crise plus rapide et moins douloureuse, tout en améliorant leur position compétitive. » Un thème qui sera au cœur de notre table-ronde du 22 novembre lors des 2es Rencontres de la finance verte et solidaire sur « Les nouveaux financements de la transition verte et solidaire » à 11 h15. Entretien.
Les banques mutualistes ont-elles une identité et des pratiques différentes des autres réseaux bancaires ?
Olivier Pastré : Il faut distinguer la théorie et la pratique. Sur le plan théorique, le modèle mutualiste et coopératif est parfaitement adapté à une période de crise comme celle que nous connaissons avec la non-obsession du profit, la solidarité, la démocratie au travers du principe « un homme, une voix » et le soutien aux populations fragiles. En théorie donc, le modèle mutualiste est différent du modèle capitaliste et parfaitement adapté à la période.
En pratique, les banques coopératives, se sont hybridées, elles ont créé ou racheté des banques privées pour pouvoir lever plus facilement les capitaux. Elles se sont un peu éloignées, voire dans certains cas, beaucoup éloignées, des principes originels et certaines d’entre elles, sont très peu différenciées par rapport à leurs concurrents, ce qui à mes yeux est dommage.
Ces réseaux bancaires, dominants dans le paysage de la banque de détail, sont-ils en mesure de transformer leurs pratiques pour contribuer à la transition écologique et énergétique ?
O. P. : La réponse est évidemment oui. Le modèle coopératif est un modèle « bottom up » du bas vers le haut, de la périphérie vers le centre. De ce fait, il est parfaitement à l’écoute des besoins des populations et capable de mettre en œuvre des solutions dans le domaine écologique et énergétique notamment. Le modèle coopératif est proche du terrain et de ce fait plus efficace. Mais là aussi, il faut distinguer un peu la théorie de la réalité.
Les banques coopératives ont lancé beaucoup d’initiatives en matière de transition écologique et énergétique, et ces initiatives sont parties de la base et non pas du sommet avec un ordre donné à Paris qui devient vite du greenwashing. La prise en compte des problématiques d’écologie passe par des initiatives tournées vers les entreprises écologiques.
Cette transformation, ces mutations peuvent-elles se faire avec les mêmes modes de financement et le même niveau de rémunération qu’aujourd’hui ? La sobriété ne va-t-elle pas s’imposer y compris au secteur mutualiste ?
O. P. : Il faut mettre un terme à l’obsession du taux de rendement interne à 15 % par an parce que c’est suicidaire dans le domaine écologique comme dans d’autres. Il faut revenir à des rendements de capitaux moins élevés qui permettent de mettre en œuvre des solutions de long terme et non pas seulement de strict court terme, trimestre, par trimestre.
Cela vaut pour ceux qui investissent, mais aussi pour le client par exemple, celui qui place son épargne ?
O. P. : Il faut choisir, si on considère que l’écologie est un enjeu majeur, surtout pour les générations à venir, il faut accepter une diminution marginale de la rentabilité de certains projets, ou de certains investissements, ou de certains placements, pour arriver à promouvoir des choix écologiques qui nécessairement s’inscrivent dans le long terme. L’écologie, c’est la négation du court terme.
(1) Olivier Pastré a écrit seul ou très souvent en collaboration : La méthode Colbert : ou le patriotisme économique efficace, L’économie post-Covid: Les huit ruptures qui nous feront sortir de la crise, La guerre mondiale des banques, De l’économie d’abondance à l’économie de rareté, Le capitalisme déboussolé : après Enron et Vivendi, 60 réformes pour un nouveau gouvernement d’entreprise, Repenser l’économie, L’économie bottom up, Les 100 mots de Marseille, La TGBE : La Très Grande Bagarre bancaire Européenne, Les défis de l’industrie bancaire, etc.
(2) Avec Maëva Courtois, CEO de l’éco banque Helios, Dominique Giabiconi, directeur de France Active Provence Alpes Côte d’Azur ,Sébastien Mollin, directeur Méditerranée CIC Lyonnaise de Banque, Louis Lippi, mandataire régional Provence Alpes Côte d’Azur et Corse, Macif, Ismaël Ouanes, directeur territorial innovation, incubation, économie sociale et solidaire de la Banque des territoires, Stéphane Salord, , président délégué France active, président Crédit coopératif Provence Alpes Côte d’Azur, Corinne Vérot, chief impact officer du Crédit Agricole Alpes Provence. Inscrivez-vous !