En août dernier, le préfet envoyait au ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti son rapport concernant la future implantation de la cité judiciaire à Marseille. Trois mois ont passé et le doute persiste toujours sur ce dossier … Exaspéré, le bâtonnier de Marseille Mathieu Jacquier regrette que les avocats n’aient pas été mis au courant de la teneur de ce rapport : « On ne sait même pas ce que le préfet a écrit au ministre » affirme-t-il ainsi auprès de Gomet’, à l’occasion du forum des masters de l’Institut du droit des affaires, à Aix.
Pour rappel, le choix de l’implantation de la future cité judiciaire, qui abritera à l’horizon 2028 les instances juridiques marseillaises, se jouent entre son emplacement historique, le centre-ville de Marseille, et un bâtiment neuf dans le quartier d’Euroméditerranée, ou encore la Capelette.
Alors que les mondes économique et juridique militent pour un maintien en centre-ville, le ministre ne cache pas sa préférence pour un bâtiment « neuf et durable » hors centre-ville. Lors de sa venue à Marseille en juin dernier, le président de la République Emmanuel Macron a d’ailleurs réitéré sa volonté d’une cité judiciaire “moderne” et semblait, par ses propos, enterrer définitivement l’hypothèse du centre-ville : « Je sais que cela [la cité judiciaire, ndlr] peut susciter des inquiétudes car ce ne sera pas au même endroit. Mais je pense que notre justice et nos justiciables le méritent » s’exprimait-il alors.
Or, l’hypothèse d’une cité judiciaire décentralisée inquiète sérieusement les avocats, dont les cabinets sont situés pour la majorité en centre-ville : « Des fois, il est nécessaire d’aller deux à trois fois par jour au tribunal pour des audiences. Avec un site à Euroméditerranée, vous imaginez le temps que cela fait perdre en transports ? », alerte le bâtonnier. La réponse du ministère tarde à venir … Interrogée, la Préfecture indique ne pas avoir réceptionné de réponse pour l’instant et ne précise pas le calendrier.
Cité judiciaire : pour le bâtonnier, « il y a un manque de dialogue entre les avocats et les magistrats »
Au-delà des problématiques de foncier en centre-ville régulièrement avancées pour justifier la délocalisation de la vie judiciaire, le bâtonnier de Marseille, lui, y voit un tout autre motif : « Ce sont les magistrats du pénal qui bloquent », assure-t-il ainsi. « Actuellement, seuls les magistrats du pénal exercent dans le centre historique, sur les sites Monthyon, Autran et Pollak (dans le 6e arrondissement de Marseille, ndlr). […] Si on construit une cité hors centre-ville, c’est pour leur éviter de déménager deux fois : une fois pendant les travaux, puis une deuxième fois pour réintégrer les locaux », précise l’homme de loi. Il déplore un manque de dialogue entre les magistrats et les avocats : « Il n’y a aucune porte ouverte à la discussion.»
Cité judiciaire : « La Métropole, le Département et la Région sont affreusement taisants »
Mathieu Jacquier, bâtonnier de Marseille
Contacté, Pierre Martella, du Syndicat de la magistrature, réagit : « Nous avons certes pris part à la concertation avec le préfet, durant laquelle nous avons soulevé la difficulté de maintenir l’activité judiciaire sur un chantier. Nous ne pouvons pas recevoir les justiciables au milieu des travaux. Mais jamais nous n’avons clairement pris position en ce sens car nous estimons que nous, magistrats, n’avons pas de poids dans la décision finale », expose-t-il. Il ne cache pas sa préférence, néanmoins, pour un site unique, les juridictions actuelles étant “éclatées” entre le site Monthyon, la caserne du Muy (3e) et rue Edouard Delanglade (6e).
Du côté des collectivités, si le barreau dit se sentir soutenu par la mairie, Mathieu Jacquier déplore que « la Métropole, le Département et la Région [soient] affreusement taisants. »
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