Benoît Payan commence par saluer les familles de victimes des fusillades assises en tribune. Puis, le maire redescend s’installer à son pupitre. Il introduit la séance du conseil municipal du 5 mai par un discours solennel sur les « drames » qui « endeuillent des familles et des quartiers » à Marseille. Le bilan de 2022 a atteint 31 personnes décédées par balles et celui de 2023 compte déjà 17 morts. « Dans les quartiers nord les gens ne sont plus en sécurité (…) c’est une prison à ciel ouvert », se révolte la maire adjointe, Samia Ghali, en remerciant le maire de faire « entrer ce sujet dans l’hémicycle. »
Le conseil s’ouvre alors dans l’émotion, par le 78e rapport, ajouté à l’ordre du jour à la dernière minute, pour faire voter le doublement les effectifs de la police municipale affectés à la brigade de nuit, en passant de 60 à 120 agents. « Ils étaient trois équipages quand nous sommes arrivés à la municipalité. Ils sont six aujourd’hui et nous souhaitons monter à 15 », assure Yannick Ohanessian, l’adjoint PS en charge de la sécurité.
L’équipe municipale en appelle à l’Etat pour obtenir « des moyens supplémentaires » et l’accélération de l’ouverture du futur commissariat de police nationale dans les 13e et 14e arrondissements pour mettre en place aussi « une nouvelle base de la police municipale dans ce secteur. »
Lionel Royer-Perreaut veut un conseil extraordinaire dédié à la sécurité
En réponse, le conseiller municipal d’opposition et député Renaissance des Bouches-du-Rhône, Lionel Royer-Perreaut plaide pour l’organisation d’un « conseil extraordinaire en évitant toute posture politicienne » qui rassemblerait – sur le modèle d’une convention citoyenne – les élus, les habitants et les associations. Mais le député en est convaincu : ni la police, ni les moyens financiers de l’État ne suffiront à endiguer ce fléau. L’année dernière,pour accélérer les procédures judiciaires, le ministère de la Justice a créé 22 postes de magistrats à Marseille et projette de construire une nouvelle cité judiciaire.
Si le groupe d’opposition Une volonté pour Marseille, salue l’initiative de la ville et vote le rapport, la présidente du groupe, Catherine Pila, ne peut s’empêcher d’ironiser : « Est-ce à dire que vous considérez enfin la question sécuritaire ? », demande-t-elle. Depuis le début de son mandat en 2020, le Printemps Marseillais a été critiqué, y compris par des habitants comme dans les quartiers de Noailles ou Belsunce, pour son approche jugée trop laxiste.
Le président de la Région Sud, Renaud Muselier, a d’ailleurs récemment tapé du poing sur la table sur le plateau de CNews, en réaction au silence du maire suite au décès d’un habitant de 64 ans à la Busserine (14e). L’élu Renaissance a sommé Benoît Payan de créer un « plan Marshall » pour lutter contre le trafic de drogue. « Moi, je n’entends jamais le maire (…) On peut être un peu imaginatif au lieu de subir et de ne rien dire », a dénoncé le président de Région.
Des tensions palpables entre la Ville et la Région
Benoît Payan ne reste pas de marbre et contre-attaque. « Quand on s’amuse à démarrer les élections trop tôt, on en récolte les fruits », riposte Benoît Payan dans l’hémicycle, évoquant la course à la mairie de 2026.
Le Printemps marseillais en rajoute en pointant le manque d’aides de la Région Sud à destination des centres sociaux. Christine Juste, adjointe à l’environnement, enchaîne : « Si le président (Renaud Muselier, Ndlr) nous regarde, j’espère qu’il sera d’accord pour consacrer le même budget qu’il peut accorder au circuit de F1 de la région (le Grand-Prix du Castellet, arrêté en 2023, Ndlr), c’est-à-dire 15 millions d’euros. Ne serait-ce que la moitié, nous serions déjà heureux ! », s’exclame l’élue. Pour défendre Renaud Muselier, le conseiller d’opposition, lui-même conseiller régional, Alain Gargani, botte en touche : « Ce n’est pas la compétence de la Région. »
A la suite du rapport 78, voté en plus de deux heures, le rapport 79 a été voté pour accorder une aide de 1,5 million d’euros supplémentaires par an dans la future convention cadre des centres sociaux. Ce rapport vise directement les autres collectivités : « Chaque institution publique devra également apporter un soutien financer nécessaire à la pérennisation du fonctionnement de ces équipements de première ligne », peut-on lire.
Le Département des Bouches-du-Rhône a réagit dans un communiqué pour rappeler les aides sociales destinées à la Ville de Marseille (voir le communiqué ci-dessous). « Il est inacceptable d’utiliser la tribune du Conseil municipal pour dénoncer, sans fondement et sans justification, notre engagement dans l’accompagnement social des Marseillais en difficulté et d’en faire un sujet politique.», s’offusque Martine Vassal, la présidente de l’institution.
[Document source] Le Département rappelle son action sociale pour Marseille
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