La maison du droit et de la justice de Marseille a fêté ses deux ans ce mardi 21 février. Située 46 boulevard Gèze (14e), cette entité hybride placée sous la double tutelle du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire est un outil de la justice de proximité : elle réunit différents professionnels du droit pour conseiller les populations les plus éloignées. Cette cérémonie d’anniversaire, organisée en présence des représentants de l’Etat, du monde judiciaire et des collectivités, a été l’occasion d’aborder un autre projet crucial pour la justice marseillaise : la création d’une cité judiciaire de 40 000 m² devant réunir quelque 600 magistrats.
L’annonce a été faite en février 2022 par le Garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti (voir notre article) lors de sa visite à Marseille, pour répondre aux problématiques de manque d’espace pour loger plus d’effectifs et assurer le bon fonctionnement de la justice. Alors que l’échéance est prévue pour 2028, le site de cette future cité reste un mystère. Trois périmètres sont évoqués : le centre-ville, Euromediterranée et la Capelette.
Alors que le monde économique plaide pour le maintien de l’activité judiciaire en centre-ville, Yannick Ohanessian, adjoint à la sécurité de la Ville de Marseille, tempère : « A titre personnel, je pense que le centre-ville est plus indiqué mais nous risquons de nous heurter à un problème de foncier. Malheureusement, il y a ce qu’on souhaite et il y a la réalité… »
« Créer un écosystème autour de la cité judiciaire, quelle que soit l’implantation »
L’élu rebondit sur les propos du président de la CCI Jean-Luc Chauvin qui alertait sur l’impact économique de la délocalisation de l’activité judiciaire : « Je ne pense pas que cela ait un impact. Prenez le futur hôtel de police qui va s’installer à Saint-Pierre : nous allons recréer un écosystème autour de ce quartier dépourvu de tout service, avec plus de 2000 fonctionnaires qui viendront travailler chaque jour. De même, la cité judiciaire, quelle que soit son implantation, fera rayonner Marseille et plus spécifiquement le quartier où elle sera installée. »
En revanche, aucune information ne semble circuler quant à l’emplacement, à cinq ans de sa sortie de terre. « On est dans le flou. Nous attendons de voir ce que dit le Garde des Sceaux », concède Yannick Ohanessian, qui veut toutefois rassurer : « Le travail se poursuit. Les services de la mairie et de la Chancellerie sont en discussion au quotidien sur le sujet. »
Remédier à l’éclatement de la justice
Le monde judiciaire est, lui, plus divisé sur la question. Egalement présent pour fêter les deux ans de la maison de la justice et du droit, le président du Tribunal judiciaire, Olivier Leurent, livre son sentiment à Gomet’ : « Il y a un constat qui fait consensus : la justice marseillaise manque de salles d’audience et est éclatée sur plusieurs sites », rappelle le magistrat.
Il détaille les problématiques soulevées par l’implantation de la cité judiciaire : « La rénovation du site actuel soulève des difficultés urbanistiques. Il faut en outre continuer d’assurer le fonctionnement judiciaire pendant les travaux. Or, fonctionner sur un chantier me paraît compliqué. Quant à délocaliser la justice sur un autre site, il faudra s’assurer qu’il y a suffisamment de transports en commun. »
Sans « dévitaliser» le centre-ville de Marseille
Reste également la question de l’avenir du site actuel, si la deuxième option était retenue : « J’imagine mal qu’on dévitalise le centre de Marseille. Il faudra trouver un autre projet, judiciaire ou pas, pour s’y implanter », conclut Olivier Leurent. Ces préoccupations, il en a notamment fait part à l’agence publique pour l’immobilier de la justice (Apij), l’opérateur en charge du projet de cité judiciaire pour le compte du ministère de la Justice.
Avocat au Barreau de Marseille, Maître Olivier Giraud interpelle Yannick Ohanessian sur l’importance de conserver l’activité judiciaire en centre-ville : « Symboliquement et économiquement, il faut conserver l’activité dans le centre. Nous sommes 2500 avocats et 800 fonctionnaires de justice ! Cela n’empêche pas en parallèle d’ouvrir des relais de proximité, comme la maison du droit et de la justice, dans d’autres quartiers », plaide-t-il ensuite au micro de Gomet’.
Tous les professionnels restent désormais dans l’attente d’un éclaircissement de la situation au plus vite, compte tenu du calendrier. Des précisions viendront peut-être lors de la prochaine venue du président de la République Emmanuel Macron à Marseille aux alentours du 20 mars.
Liens utiles :
> Cité judiciaire à Marseille : le ministère plaide pour un bâtiment « neuf, moderne et durable »
> Cité judiciaire à Marseille : Jean-Luc Chauvin craint « un choix fatal pour le centre-ville »