La tension demeure palpable à la rédaction de La Provence qui avait mené une grève de quatre jours en mars dernier à la suite de la mise à pied du directeur de la rédaction Aurélien Viers pour une couverture dénoncée par la direction de l’entreprise mais défendue par sa rédaction.
Dans un communiqué diffusé jeudi 16 mai, intitulé « les contre-vérités de M. Tortora devant l’Assemblée » les journalistes s’insurgent vivement contre des propos tenus par le directeur de Whynot Media, la filiale media du groupe CMA CGM, propriétaire du quotidien provençal.
Lors de son audition le 27 mars dernier, au lendemain de la grève qui a mobilisé la rédaction, Rodolphe Saadé, accompagné de Jean-Christophe Tortora, directeur général de Whynot Media, et de Laurent Guimier, directeur général délégué à l’information, ont été auditionnés par la Commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la TNT, dans le cadre de la candidature au rachat d’Altice Média (BFM, RMC).
Le compte-rendu de cette audition étant désormais disponible sur le site de l’Assemblée nationale, les syndicats de la rédaction ont pu en prendre connaissance. Plusieurs questions du rapporteur, le député Aurélien Saintoul, ont porté sur l’indépendance des rédactions et sur la crise en cours à La Provence, suscitée par la mise à pied d’Aurélien Viers par la direction rappellent les syndicats SNJ, CFDT, CFE CGC de la rédaction du quotidien.
« Nous pensons au contraire que des journalistes n’ont pas à censurer quiconque a priori »
L’intersyndicale de la rédaction de La Provence
Et certaines réponses apportées ce jour-là par Jean-Christophe Tortora ne passent pas. « Ainsi, lorsque ce dernier estime, s’agissant de cette “une”, qu’”il ne peut y avoir d’ambiguïté quand on s’inscrit dans les valeurs de la République – en l’occurrence en laissant penser que l’on aurait donné la parole à des narcotrafiquants comme on le ferait avec des policiers, des pompiers ou des travailleurs sociaux”. Et plus loin: “Nous ne pouvons laisser penser que nous donnons la parole à des narcotrafiquants.”» pointe l’intersyndicale.
« Nous pensons au contraire que des journalistes n’ont pas à censurer quiconque a priori, mais peuvent, et doivent, donner la parole à qui bon leur semble, si cela permet de nourrir une information. Cette même prise de position, conforme à l’éthique de notre profession, a été affirmée par les représentants syndicaux de la rédaction lors de leur rencontre, au premier jour de la grève, avec Jean-Christophe Tortora. »
Dès lors, les syndicats partagent leur « surprise de découvrir dans ce compte rendu d’audition cette citation de Jean-Christophe Tortora : “Le vendredi, lorsque nous avons dialogué avec les syndicats et les journalistes, ils étaient peut-être émus de cette dispense d’activité (la mise à pied d’Aurélien Viers NDLR), mais ils ont reconnu que l’affichage, en Une, d’une citation dont on ignore l’auteur créait automatiquement une ambiguïté.”» Il s’inscrivent totalement en faux contre cette affirmation : « jamais, à aucun moment, les syndicats de la rédaction n’ont “reconnu” et ne reconnaîtront d’ambiguïté, ni d’erreur, ni de faute dans la composition de cette une, fruit d’un travail collectif dont nous pouvons au contraire nous enorgueillir, comme nous l’avons rappelé dans le texte paru en “Une” du journal lors de la reprise de la parution, le mardi 26 mars.»
Délit de parjure, attente de la charte éthique… ambiance tendue à La Provence
Et de conclure : « Nous nous insurgeons avec force contre ces déclarations mensongères de Jean-Christophe Tortora qui nous attribue, devant une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, des propos que nous n’avons pas tenus. Un correctif sera donc adressé au rapporteur Aurélien Saintoul. Rappelons que tout faux témoignage devant une commission d’enquête de l’Assemblée nationale est passible du délit de parjure.»
Si les représentants syndicaux prennent acte des engagements de Rodolphe Saadé pris devant la commission pour garantir l’indépendance éditoriale de la rédaction de La Provence, au moyen notamment d’une charte d’éthique qui devait être présentée le 15 avril, ils montrent une certaine impatience. « Un gros travail a été fourni en ce sens par les syndicats et la direction. La copie a été remise à l’actionnaire il y a trois semaines. Nous attendons toujours sa validation…»
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