L’Hôpital européen fête les 150 ans de la reconnaissance d’utilité publique de la Fondation Ambroise Paré, gestionnaire de l’Hôpital européen. Un établissement de santé qui a pris une place vitale dans le dispositif médical de la métropole marseillaise. Il a ouvert le 19 août 2013 et il est très vite devenu l’hôpital des quartiers populaires du centre-ville et des quartiers nord.
Il fait partie de ces œuvres créées au XIXe siècle et qui ont prospéré. Il s’agissait en 1839 d’une modeste infirmerie portée par la communauté protestante destinée accueillir des femmes malades et sans ressources. Madeleine Cordesse, née Sagnier (1906-1992) épouse de Jean, industriel phocéen (parent de la famille Defferre) spécialisé dans les huileries (Huilerie et savonnerie Rabatau, Grandes huileries métropolitaines, Unipol…) joue un rôle important dès 1939 dans le développement de ce lieu de soins. Madeleine Cordesse s’investit à l’Hôpital avec un Comité des Dames. L’infirmerie grandit et prend le nom d’Hôpital Ambroise Paré en 1940. Le nombre de lits passe sous son impulsion de 50 en 1939 à 310 en 1962. L’hôpital Ambroise Paré devint dans le 6e arrondissement un établissement reconnu pour la qualité des soins, mais à l’étroit dans ses locaux.
La fresque historique de l’Hôpital européen dans les couloirs du rez de chaussée © Apothéloz
Le rapprochement avec l’association Paul Desbief installée dans le 2e arrondissement allait permettre de lancer avec le soutien de l’Agence régionale de santé le chantier de l’Hôpital européen. Un investissement lourd qui aboutit à la création de l’Hôpital Européen. Statutairement, c’est un établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC).
La Fondation Hôpital Ambroise Paré est propriétaire des murs de l’hôpital dans le cadre d’un bail à construction d’une durée de 60 ans sur un terrain, propriété de l’association Hôpital Paul Desbief. Mais avec un endettement lourd : la Chambre régionale des comptes évalue le capital restant dû au 31 décembre 2020 à 195,83 M€. Les remboursements devaient s’étaler jusqu’à 2035 avec des taux alors bas, mais l’exploitation ne dégage pas la marge nécessaire à l’apurement de cette dette d’investissement. « La situation demeure fragile, rapporte la Chambre régionale des comptes, en raison d’un encours de dettes élevé et d’une politique d’investissement limitée. »
Hôpital européen : rupture des fiançailles avec le groupe Saint-Joseph en 2022
Une situation critique qui incita la direction de l’Hôpital européen à proposer un rapprochement avec la Fondation et l’Hôpital Saint-Joseph. On se souvient qu’une charte de rapprochement a été signée le 12 juin 2019 et qu’une association faîtière l’Audeam pris en main la gestion des activités hospitalières avec un fort investissement humain du groupe Saint-Joseph.
Las, pour des raisons que les parties ont choisi de garder confidentielles, le mariage ne fut pas consommé et un protocole de cessation du rapprochement a été signé le 5 juillet 2022. Bouffée d’oxygène pour l’établissement, pendant la période de ces fiançailles interrompues, l’établissement a signé « un contrat en date du 14 décembre 2021 avec l’ARS Provence Alpes Côte d’Azur, l’Agence régionale de santé, en vue du versement annuel d’une dotation dédiée à la restauration des capacités financières à hauteur de 8,50 M€ au titre de 2021. Initialement fixé à 38 M€, le montant de l’aide est porté à 42,80 M€ pour la période 2021-2029 » (1).
L’établissement affiche une capacité d’accueil de 570 lits et places, il emploie plus de 1 200 salariés et s’associe les services de 300 médecins libéraux. Il assure 63 000 séjours par an, il a reçu 39 000 passages à ses services d’urgence et a porté 270 000 consultations et examens d’imagerie. Il n’en reste pas moins que l’Hôpital européen sort d’une période bousculée qui s’est traduite dans la gouvernance avec le départ de Maître Philippe Girard, l’arrivée de Bruno de Cazalet pour un mandat très court, puis de Cyril de Cazalet, avocat fin 2022. Le poste de directeur général n’est à ce jour pas pourvu.
Nous faisons le point avec le président Cyril de Cazalet et Émilie Balaguer-Cordesse, directeur de la communication et du mécénat.
Comment l’Hôpital européen sort-il de cette période, disons de 2022 à 2025, qui est un véritable retournement ?
Cyril de Cazalet : Nous avons dû en effet, avec le retour à l’indépendance, redéfinir notre stratégie qui est centrée sur nos valeurs d’humanisme. Nous jouons un rôle décisif, avec une patientèle qui vient du Nord et du Centre de Marseille et qui est en situation de grande précarité. Notre établissement contribue à réduire la fracture sociale dans notre cité. Il a fallu remobiliser le personnel autour d’un objectif central : le bien-être du patient. Nos services sont restés à un très bon niveau puisque la HAS, la Haute autorité de santé vient de terminer positivement son processus de certification.
Nous avons poursuivi notre objectif de transition ambulatoire qui a été freiné pendant le Covid, : nous avions 53 000 passages en 2022, 63 000 en 2023 et 68000 en 2024.
Sur le plan financier, nous avons des comptes équilibrés pour l’année 2024
Pendant le Covid, l’Hôpital européen a été très mobilisé pour « aller vers » les patients. Cette action perdure-t-elle ?
C.d.C. : Initié durant la pandémie de Covid par l’Hôpital Européen et l’association Prospective et coopération, le projet de médiation en santé Corhesan a conduit des actions « d’aller vers », hors des murs de l’hôpital, en direction des populations les plus fragiles et les plus précaires du centre-ville de Marseille. Notre objectif était de proposer un accompagnement individuel vers la médecine de ville, comme vers les services hospitaliers, afin de rendre notre système de santé, plus accessible, plus lisible et plus humain. D’octobre 2020 à juin 2022, Corhesan s’est concentré sur les problématiques liées à la Covid-19 : information, orientation, dépistage et vaccination.
Corhesan s’emploie à améliorer l’accès à la prévention, en particulier aux dépistages organisés des cancers (sein, côlon et col de l’utérus), au suivi vaccinal ainsi que l’accès à un médecin traitant, en portant une attention particulière aux personnes les plus éloignées des dispositifs de santé. Ce travail de promotion à la santé, par son approche holistique, permet de rencontrer et d’accompagner de nombreux habitants des 1er, 2e et 3e arrondissements de Marseille sur toutes les problématiques de santé auxquels ils sont confrontés.
« Aller vers », hors des murs de l’hôpital, en direction des populations les plus fragiles et les plus précaires du centre-ville de Marseille
Depuis juillet 2022, l’équipe Corhesan est engagée sur de nouvelles missions que l’ARS lui a confiées dans le cadre d’un projet pilote. L’objectif est à présent de promouvoir le rattrapage des vaccinations du calendrier et le dépistage des cancers colorectal, du sein et du col de l’utérus auprès des populations vulnérables et précaires.
Cette action demande des moyens…
C.d.C. : Corhesan bénéficie de l’appui des services supports de l’Hôpital Européen. Le ciblage et l’évaluation du projet bénéficient du soutien méthodologique de Santé publique France, de l’Agence régionale de santé, de la Caisse primaire d’assurance maladie, la CPAM ainsi que du SESSTIM (le Laboratoire de recherche en santé publique, Aix Marseille Université, Iinserm, IRD). Ce projet est mené avec des financements de l’Agence régionale de Santé PACA, du préfet à l’égalité des chances, de la Ville de Marseille, de l’Assurance Maladie, des Fondations de France, MNH et MSD ainsi que du CD13.
L’Hôpital européen reste-t-il centré sur ses objectifs médicaux ou veut-il et peut-il étendre son activité au secteur médico-social ?
C.d.C. : Nous sommes un établissement de santé et nous le restons, mais nous sommes au cœur d’un quartier, d’un maillage sanitaire qui attire des activités médico-sociales complémentaires comme le CSSR, le Centre de soins de suite et de réadaptation de Valmante (avec une capacité d’accueil de 100 lits et places en hospitalisation de courte durée et en hôpital de jour), le Centre de dialyse Diaverum (avec 12 postes de dialyse), l’Institut de formation en soins infirmiers, l’IFSI La Blancarde (près de 90 infirmiers par an) , le Cabinet dentaire Hôpital Européen, des cabinets de consultations de médecine de ville, le laboratoire Biogroup et nous aurons en 2027 l’installation du SMR Angelus, un établissement de soins médicaux et de réadaptation sur un terrain attenant.
L’Hôpital européen peut-il investir dans de nouveaux moyens ?
C.d.C. : Nous avons réussi malgré une situation tendue à investir 7 millions d’euros par an pour maintenir nos équipements au niveau. Cette année nous empruntons 20 millions d’euros pour faire des investissements majeurs comme un nouveau bloc interventionnel et un 4e scanner.
Pour améliorer nos performances énergétiques, nous rejoignons la boucle Thassalia qui complète notre équipement en panneaux photovoltaïques.
Êtes-vous engagé dans des programmes de recherche ?
C.d.C. : Nous faisons partie du réseau Respic et nous contribuons au projet Edgar sur les entrepôts de données de santé. Nous avons réalisé 170 essais cliniques (avec 1 200 patients inclus), 25 études sur données, 20 projets de recherche à promotion interne ce qui a donné lieu à 250 publications scientifiques.
Lien utile :
L’actualité du secteur de la santé à suivre sur Gomet’
(1) Rapport de la Chambre régionale des comptes délibéré le 3 mars 2023