C’est la rentrée institutionnelle pour la Région Sud. Pour cette troisième séance plénière de la nouvelle mandature Renaud Muselier (LR), 35 rapports sont à l’étude jeudi 28 octobre 2021, dont plusieurs dossiers chauds. Notamment celui de l’ouverture à la concurrence des services publics de transports ferroviaires. Une démarche inédite en France qui s’inscrit dans le projet régional “Ligne nouvelle”, à l’étude depuis 15 ans. La SNCF, grand perdant du lot n°1 (Marseille-Toulon-Nice), ne repart pas bredouille de l’appel d’offres lancé en février 2020 par la Région Sud.
Transdev gagne Marseille-Toulon-Nice, la Région achète les rames
C’est une « étape historique et une première en France », déclare Renaud Muselier, le président de la Région Sud, à la lecture du premier rapport. À partir de 2025, le service de transport sur la ligne intermétropoles Marseille-Toulon-Nice (lot n°1) sera assuré par l’opérateur français Transdev Rail (filiale de la Caisse des dépôts). La Région continuera cependant d’assumer « l’organisation du service et le contrôle », renseigne la délibération.
Tu parles d’une privatisation ! C’est tout le contraire.
Jean-Pierre Serrus
L’institution régionale signe au passage un chèque de 277 millions d’euros à l’attention de Transdev pour récupérer les rames et la maintenance. « C’est un acte fort, la Région devient propriétaire d’une partie de son service public, nous affirme le vice-président au transport Jean-Pierre Serrus (LREM), tu parles d’une privatisation ! C’est tout le contraire ». Le programme “Ligne nouvelle”, qui se décompose en quatre phases, devrait permettre à Transdev d’engager les travaux à l’horizon 2023.
À partir de 2025, la fréquence ferroviaire sur la ligne Marseille-Toulon-Nice va doubler, passant de sept aller-retours par jour, à quatorze. Ce trajet représente 10 % du volume régional de voyageurs.
Ligne nouvelle : un crédit à 3,5 milliards sur 28 ans
Les coûts prévisionnels des études d’avant-projet pour la phase 1 (horizon 2032) et 2 (horizon 2035) du programme ont été validés par un comité de pilotage à la mi-juillet. Le contrat de financement partenarial s’élève à 30 millions d’euros, dont 7,5 millions pour la Région Sud (6,3 millions attribués à SNCF Réseau, et 1,2 million à SNCF Gares & Connexion, pour la réalisation des études). C’est d’ailleurs l’institution régionale qui a piloté la réflexion sur les modalités de financement de la Ligne nouvelle. Un protocole a été dégagé fin avril.
Le projet coûtera 3,5 milliards sur 28 ans. Il sera assuré par l’emprunt, par l’apport de ressources fiscales de l’État (40%), des collectivités locales (40 %) et de l’Union européenne (20%), et par d’autres recettes. Le protocole confirme également la création par le gouvernement d’un établissement public local (EPL) dans les six mois. Une société dont la mission principale est le financement du projet global. Le conseil d’administration de cette structure sera composé de représentants des collectivités territoriales engagées, de l’État, de l’Union européenne, de la SNCF et de parlementaires.
Pas de quoi séduire l’opposition. « Les phases 3 et 4 du projet sont insoutenables, quant aux phases 1 et 2, ce n’est rien d’autre que de la modernisation des gares et de la rénovation de de réseau », critique Muriel Fiol (RN), suite à la l’intervention de Jean-Pierre-Serrus. Le Président de la Région Sud lui répond que le projet Ligne Nouvelle est nécessaire face à un service vieillissant. « Ce dossier, on l’a arraché avec les dents », affirme Renaud Muselier.
Si l’opposition d’extrême droite se dit favorable à une ouverture à la concurrence de la Ligne nouvelle, elle désapprouve la méthode Muselier. « On ne sait même pas qui sera en charge des transports de substitution [pendant les travaux] », remarque Muriel Fiol (RN). La gauche écologiste, qui n’a pas le droit de vote dans l’assemblée, dépose quant à elle une motion. « Nous sommes les seuls à défendre le service public », s’étonne Capucine Édou (Génération.s). Le leader du rassemblement écologique et social, Jean-Laurent Félizia (EELV), considère même que « la Région sacrifie le service public en privatisant pour partie le rail ». Une discorde qui pourrait bien devenir le fil rouge de la nouvelle mandature Muselier.
À l’extérieur de l’hémicycle, les cheminots s’insurgent. Plusieurs centaines d’entre eux se sont rassemblés jeudi matin devant l’Hôtel de Région, quelques minutes à peine après que le rapport sur l’ouverture à la concurrence des services publics de transports ferroviaires a été adopté.
La SNCF Sud Azur récupère quand même trois lignes et 92 millions
La SNCF Voyageurs et l’entreprise Thello, les deux autres candidats de l’appel d’offres pour le lot n°1, ne repartent pas les mains vides. Elles récupèrent quelques miettes dans cette affaire ; 600 000 euros chacune (dédommagement + indemnité forfaitaire). Si la ligne intermétropoles est passée sous le nez de la SNCF Voyageurs, la branche Sud Azur de la société publique récupère tout de même le lot n°2, et ses trois lignes (23 % de l’offre régionale) : Draguignan-Vintimille ; Cannes-Grasse et Nice-Tende. Même démarche que pour le lot n°1 ; la Région Sud signe au passage un chèque de 92 millions à destination de SNCF Sud Azur, afin de récupérer les rames et la maintenance.
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