Inondations et submersion marine vont avoir des conséquences financières majeures sur le littoral méditerranéen, alerte la Cour des comptes dans un rapport publié le 24 janvier, qui pointe le manque de prise de conscience des élus et de la population et appelle à « revoir » d’urgence l’action publique d’aménagement du littoral et son financement. Second volet : les préconisations de la Cour des comptes
Des chiffres choc. Comme détaillé dans notre premier volet, les risques liés à la montée des eaux et aux inondations sur le pourtour méditerranéen menacent directement plus de 55 000 logements et concernent pour plus de 11,5 milliards d’euros de biens à horizon 2100, selon le rapport de la Cour des comptes, résultat d’une enquête menée conjointement par les chambres régionales des comptes de Corse, de Provence-Alpes-Côte d’Azur et d’Occitanie.
Or ces risques, qui ne « peuvent être évités » mais dont « les conséquences dommageables peuvent être réduites », ne sont pas suffisamment pris en compte, voire aggravés, par les politiques d’aménagement des collectivités territoriales, lesquelles disposent pourtant des principaux outils de planification. « Le sentiment d’exposition à la menace des habitants du littoral, comme parfois celui des élus, reste insuffisant », note la Cour, pour qui « l’évaluation du coût de l’impact de ces périls sur les bâtiments, réseaux, infrastructures, populations et de ses répercussions économiques demeure trop imprécise ».
« Face à leur vulnérabilité, les collectivités du littoral méditerranéen ont réagi en ordre dispersé, minorant souvent les effets, faisant prévaloir des intérêts immédiats sans réflexion sur le long terme », relève la cour, qui note encore un manque de coordination entre le pouvoir central et les acteurs locaux, estimant que « la prévention et la gestion des risques littoraux exercée par l’État au moyen de plans de prévention ne sont pas suffisantes ».
« Revoir la politique d’aménagement du littoral et son financement » (Cour des comptes)
Face à ce constat, les magistrats de la Cour des comptes appellent à « revoir la politique d’aménagement du littoral et son financement ». « Les interventions des collectivités locales se sont essentiellement attachées au renforcement des ouvrages de défense (digues, épis, réensablement…), alors que l’efficience de ces derniers apparaît relative, rapportée aux coûts de leur maintien en bon état », souligne ainsi le rapport qui préconise plutôt aux collectivités territoriales d’envisager une « recomposition spatiale », en d’autres termes « une relocalisation ou un déplacement des équipements publics ».
Autre recommandation : rendre obligatoire, dans les zones menacées, le transfert de la compétence urbanisme à l’intercommunalité, « en associant étroitement leur arrière-pays à leur réalisation, afin de favoriser une vision des enjeux au niveau adéquat ».
Sortir d’une logique indemnitaire pour entrer dans une logique d’accompagnement préventif
Pour financer ces mesures, la Cour des comptes, qui préconise de sortir d’une logique indemnitaire de réparation du préjudice pour entrer dans une logique d’accompagnement à la prévention et au relogement, suggère d’augmenter le niveau de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi), et la création d’établissements fonciers spécifiques. Et de consacrer ces ressources à l’aménagement du littoral, tant qu’il est encore temps.
Les sept recommandations de la Cour des comptes
• Renforcer l’information préalable obligatoire à l’attention de l’acquéreur d’un bien immobilier par l’indication que celui-ci est susceptible, en raison du risque naturel auquel il est exposé, d’une diminution voire d’une perte totale de valeur ;
• Compléter la connaissance cartographique de la vulnérabilité physique d’un territoire par une dimension financière projetant les coûts de destruction, d’interruption, de retour à la normale des activités et de reconstruction ;
• Supprimer la possibilité pour les communes-membres des établissements publics de coopération intercommunale des zones littorales préalablement identifiées comme menacées de s’opposer au transfert à l’intercommunalité de la compétence en matière de plan local d’urbanisme ;
• Rendre obligatoire l’élaboration d’une stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte dans les zones littorales les plus menacées ;
• Généraliser les projets partenariaux d’aménagement associant les communes littorales et leur arrière-pays ;
• Mobiliser le produit de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations en fonction des besoins réels en matière d’inondation et de protection contre la mer ;
• Constituer au sein des établissements publics fonciers de Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie de nouvelles filiales foncières dotées de ressources consacrées à l’aménagement et à la recomposition du littoral.
Document source : le rapport complet de la Cour des comptes
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