Dans quelques semaines, le grand port maritime de Marseille-Fos (GPMM) va dévoiler son projet stratégique pour les années à venir. Un document très attendu par les professionnels de la place portuaire qui ont présenté leurs priorités à l’occasion d’une conférence de presse de l’union maritime et fluviale (UMF) jeudi 7 janvier.
« Il y a des choses très positives comme une forte orientation écologique mais aussi des choix discutables », prévient Jean-François Suhas, le président du conseil de développement du port (interview complète à venir dans nos colonnes). Il fait notamment allusion à l’absence d’investissements sur les bassins Est à Marseille. « Cela fait plus de dix ans que nous n’avons rien vu », regrette-t-il. « Pourtant, des investissements de plusieurs dizaines de millions d’euros étaient prévus depuis la signature de la charte ville-port », rappelle-t-il.
Selon Jean-François Suhas, toute la filière des navires rouliers qui transportent des camions de marchandises serait menacée : « Nos infrastructures actuelles permettent d’accueillir des navires de 220 mètres au maximum alors que les nouveaux bateaux atteignent désormais 250 mètres », explique-t-il. Conséquences, les plus gros navires évitent désormais Marseille au profit des ports de Sète, Barcelone ou encore Gênes. L’UMF souhaite donc agrandir les quais et élargir la passe pour pouvoir accueillir de plus gros bateaux. Elle a mandaté une étude de marché auprès d’un cabinet indépendant pour argumenter sa demande. Les résultats sont attendus pour la mi-février.
De nouvelles liaisons ferroviaires vers l’Allemagne
A l’ouest, sur les bassins de Fos-sur-Mer, « les investissements ont été maintenus et les terminaux ont continué d’assurer l’exploitation contre vents et marées », se félicite Jean-Claude Sarremejeanne, le président de l’UMF. Cependant, il réclame un agrandissement de l’hinterland, la zone d’influence et d’attraction économique du port. « Ce n’est qu’en agrandissant l’hinterland que nous développerons l’emploi, les services et l’industrie », insiste Stéphane Salvetat, le président du syndicat des transitaires de Marseille-Fos. Pour y parvenir, il compte sur la création de nouvelles dessertes ferroviaires notamment. « Aujourd’hui, la part de report modal sur le rail n’est que de 15%. Il faut l’augmenter », avance-t-il. En 2018, le port de Marseille s’est connecté à la Suisse via une nouvelle liaison ferroviaire vers Lausanne. Stéphane Salvetat préconise désormais un raccordement avec le port allemand de Duisbourg : « Cela nous permettrait notamment de se relier aux routes de la soie vers la Chine », précise-t-il. Cependant, tous ces projets restent suspendus au nœud ferroviaire lyonnais : « Si ça bloque à Lyon, on peut faire toutes les lignes du monde, ça ne sert à rien », prévient-il.
Pour améliorer la compétitivité du port, l’UMF compte également sur la nouvelle liaison routière Fos-Salon dont le débat public s’achève. « C’est un peu une obsession pour nous mais on est le seul port à avoir les plus gros portiques du monde et à ne pas être connecté à une autoroute, rappelle Jean-Claude Sarremejeanne. On l’attend depuis 40 ans, elle est inscrite dans la Loi d’orientaion des mobilités mais on attend toujours ».
Gouvernance : l’UMF veut un siège au conseil de surveillance
A l’échelle nationale, l’UMF est revenue sur la gouvernance des ports et son souhait d’être présent au conseil de surveillance du GPMM : « On pèse 25 000 emplois et notre participation nous semble naturelle », argumente Jean-Claude Sarremejeanne. Plus généralement, les professionnels s’inquiète de « l’émiettement » des investissements sur les différents ports. « Il faut un équilibre entre les ports d’Etat et les ports régionaux. Je suis surpris de la différence d’investissements entre les deux, je pense notamment à Port-La Nouvelle », précise le président de l’UMF.
Le gros point positif selon les professionnels est l’engagement du port en matière environnemental. Alain Mistre, le président du comité marseillais des armateurs français et directeur d’exploitation à la Corsica Linea, salue notamment l’avancée du branchement électrique des navires à quai : « Il y a désormais trois potences entre Arenc et le quai du Maroc et une quatrième arrivera cette année. L’an prochain, ce sera au tour du Cap Janet d’être équipé », annonce-t-il. L’UMF compte également faire de Marseille un port d’escales pour les nouveaux navires propulsés au gaz naturel liquéfié (GNL). Corsica Linea prendra réception d’un nouveau bateau Ropax (mixte roulier et passagers) au GNL en 2022 et « nous discutons avec les armateurs internationaux pour les encourager à s’équiper en GNL et les faire venir en escale à Marseille », explique-t-il.
Alain Mistre souligne également les investissements de plus en plus nombreux en scrubbers, ces hôtes aspirantes de particules fines et d’oxyde de souffre. « Une machine coûte entre 9 et 10 millions d’euros, ce n’est pas rien. Et pourtant, CMA CGM s’est engagé pour 80 scrubbers et Corsica Linea vient d’en commander trois en plus des deux déjà équipés », affirme-t-il.
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