La ministre déléguée en charge de la Ville, Nadia Hai, partage le constat du chef de l’État. Selon l’ancienne banquière (HSBC puis Barclays), il manque à Marseille « une structure de concertation citoyenne ». C’est pourquoi Nadia Hai a assisté vendredi 3 décembre au lancement d’une préfiguration du comité de pilotage « Dialogue citoyen Marseille », une instance commandée par l’État dans le cadre du plan Marseille en grand. « C’est une volonté présidentielle », rappelle d’emblée la ministre (voir l’extrait du discours d’Emmanuel Macron ci-dessous). Au cœur de la préfecture des Bouches-du-Rhône (6e), à l’occasion d’une réunion à laquelle la presse n’était pas conviée, notre équipe a finalement pu assister en exclusivité aux échanges entre les différents membres. Dans un tour de table sans langue de bois, Nadia Hai écoute un à un les acteurs présents ce jour là. À moins de cinq mois des élections présidentielles, l’État déclare la guerre à l’abstention, jugée « trop forte dans les quartiers prioritaires de Marseille » par la ministre.
Emmanuel Macron le 2 septembre au Pharo :
« Sur tous les axes, nous devons construire une consultation massive et la plus large d’ici à la fin de l’année »
« Ce n’est pas le plan de Paris, cela ne fonctionne jamais. Cela doit être l’ambition des Marseillaises et des Marseillais et c’est pour cela qu’à partir des grands axes que je viens de définir, je souhaite qu’une grande consultation soit lancée auprès de tous pour penser ce Marseille en grand et décliner les opérations concrètes. Je l’ai évoqué pour l’entrepreneuriat et l’accompagnement économique. Sur tous les axes, nous devons construire une consultation massive et la plus large d’ici à la fin de l’année. Ce pilotage du Marseille en Grand doit être fait par l’État, les collectivités, les entreprises et les associations. Parce que tout le monde doit avoir le droit de dire et de proposer et ensuite, dans la durée, de suivre, de contrôler et je souhaite aussi que toutes les initiatives concrètes puissent remonter. Associer d’abord». (lire l’intégralité du discours Marseille en grand)
D’un ton solennel, Laurent Carrié, le préfet en charge du plan Marseille en grand, présente les premières propositions du comité. Les différents membres se sont déjà rencontrés à deux reprises depuis la venue d’Emmanuel Macron à la mi-octobre. « L’objectif de cette instance est à la fois d’informer les citoyens, et de recueillir leurs témoignages et leurs propositions », indique Laurent Carrié. Pour ce faire, il présente à la ministre une structure en deux niveaux. Le préfet imagine une concertation « territoriale » pour chaque secteur de Marseille, comme un échange entre citoyens et élus sur toutes les thématiques du quotidien. Cette consultation serait à la fois numérique, via le site de la préfecture, et physique, à l’occasion d’espaces de dialogue animés par un acteur local (bailleur social, représentant d’un conseil citoyen, élu…).
Les acteurs locaux présents lors du lancement du comité de pilotage « Dialogue citoyen Marseille » :
• Laurent Carrié, préfet délégué à l’égalité des chances (PDEC) en charge du plan Marseille en grand
• Claire Pitollat, députée LREM des Bouches-du-Rhône
• Catherine Minard, directrice politique de la ville CT Marseille Provence
• Marie Batoux, adjointe au maire de Marseille
• Yves Fassanaro, directeur de la Caf
• Florent Leonardi, bailleur social ARHLM
• Fatima Mostefaoui, association marseillaise “Avec nous”
• Anne Raimond, fédération conseils citoyens de Marseille
• Guy Lucchesi, fédération conseils citoyens de Marseille
• Isabelle Dorey, ligue de l’enseignement des Bouches-du-Rhône (FAIL 13)
• Joseph Richard-Cochet, fédération des centres sociaux
• Fabienne Benet, déléguée du préfet
• Elsa Ferri-Battini, déléguée du préfet
• Fabienne Serina, chargée de mission du cabinet PDEC
• Jérôme Bardot, chargé de mission du cabinet PDEC
Mais le projet, qui doit voir le jour fin janvier-début février 2022, est encore flou. Le budget alloué, la fréquence des espaces de dialogue, ou encore les membres de la « conférence des instances citoyennes », le deuxième niveau de consultation proposé par Laurent Carrié, sont autant d’informations encore inconnues. Nadia Hai, enthousiaste malgré tout, donne un mois au comité de pilotage pour supprimer les zones d’ombre, et concrétiser noir sur blanc ses différentes propositions. Le temps presse car la feuille de route annoncée par le président de la République prévoyait« une consultation massive » des Marseillais d’ici la fin de l’année. Nous en sommes encore très loin.
Laurent Carrié promet à la ministre une charte de participation, signée en temps et en heure de la main de chacun des membres du comité de pilotage.
« Marseille en grand, c’est pour tous les Marseillais »
Nadia Hai
Les institutions locales, la Ville de Marseille et la Métropole Aix-Marseille Provence, voient d’un bon œil cette nouvelle structure de concertation. « Notre mission, c’est de donner les moyens de la compréhension du débat public », considère Marie Batoux, adjointe au maire de Marseille en charge de l’éducation populaire. À travers ce projet, la mairie compte favoriser « un cadre républicain inclusif, pour lutter contre l’abstention, en n’oubliant aucun citoyen marseillais ».
Les associations de quartiers restent sur leur faim
Du côté de la fédération des conseils citoyens (CC Marseille) et des associations des quartiers populaires, on « attend des garanties ». C’est ce que réclame Fatima Mostefaoui à la ministre. La représentante de l’association “Avec nous, les tables de quartiers” en a « assez des beaux discours » et des chicayas politiques. Face à Nadia Hai, elle menace même de « quitter le comité » si l’État ne fait pas preuve de transparence, ou s’il n’organise pas des points d’étapes réguliers. Une réticence partagée par Guy Lucchesi et Anne Raimond, représentants des dix conseils de citoyens marseillais. Ils réclament quant à eux que le contrat de ville, dont l’objectif est de réduire les inégalités dans les quartiers prioritaires, soit prolongé jusqu’en 2023.
Un nouveau point d’étape aura lieu en février concernant la structure de concertation citoyenne. Nadia Hai, qui souhaite que cette expérimentation inédite de dialogue se prolonge dans le temps, imagine même une sanctuarisation, « avec un budget à l’échelle de l’État si ça fonctionne ». En attendant, la piste financière privilégiée par la ministre est le fonds participatif – avec une participation de l’État, de la Métropole, de la Ville de Marseille, « et pourquoi pas des bailleurs ? ».
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