Pour son premier rapport d’observation sur la Métropole Aix-Marseille Provence, la chambre régionale des comptes (CRC) dresse le portrait d’une institution en panne qui n’a jamais réussi à véritablement unir les territoires qui la composent. « Le statut de la Métropole Aix-Marseille-Provence, dérogatoire du droit commun, est le fruit d’un consensus fragile qui se traduit très concrètement, dans les textes fondateurs, par le rôle prépondérant que jouent les territoires correspondant aux établissements publics de coopération intercommunale fusionnés », écrivent-ils en introduction de ce réquisitoire d’un peu plus de 150 pages.
Les anciennes collectivités refusant de s’effacer au profit de la nouvelle superstructure, cette dernière ne dispose que d’une très mince marge de manœuvre pour exercer ses missions : « Au lieu de privilégier une véritable stratégie métropolitaine, cette forme de pérennisation de l’organisation et du fonctionnement des anciens établissements publics de coopération intercommunale, favorise l’agglomération de stratégies locales anciennes, notamment en termes de gestion et d’investissement. Les territoires consomment ainsi l’essentiel des crédits d’investissement de la nouvelle institution, au détriment de projets pensés à l’échelle métropolitaine », poursuit le rapport présenté au conseil métropolitain de jeudi 15 octobre.
Les élus métropolitains accusent l’Etat
« La fusion a été vécue que comme une union forcée imposée par la loi »
Martine Vassal
Dans l’hémicycle métropolitain, ce constat peu flatteur ne semble pas surprendre les élus. Première à prendre la parole, la présidente Martine Vassal avoue qu’il est « difficile de contredire cette analyse qui justifie la nécessité de la réforme métropolitaine ». Pour autant, elle pointe l’absence dans le rapport d’une vision critique sur le rôle de l’Etat : « La fusion a été vécue que comme une union forcée imposée par la loi. L’Etat n’a pas accompagné la création de la Métropole notamment au niveau financier », rappelle-t-elle. Un avis partagé par nombre de conseillers métropolitains dont Georges Cristiani, le maire de Mimet dénonçant un « rapport à la charge des communes » alors que « le gouvernement nous avait promis un milliard d’euros à l’époque », peste-t-il. Le maire communiste de Martigues Gaby Charroux abonde : « La CRC ne dit rien des ressources que pourrait nous apporter l’Etat, cela enlève beaucoup de crédibilité à son travail. »
Des EPCI qui coûtent cher
Dans leur rapport, les magistrats pointent la mécanique mise en place avant même la création de la métropole en 2016 par les anciens EPCI pour s’assurer le maintien de leurs ressources : « Sur le plan financier, les décisions prises en matière d’investissement, peu avant ou en 2015, au sein des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés, ont certainement sécurisé les communes quant aux investissements qu’elles souhaitaient voir réaliser. Toutefois, ces décisions ont réduit à proportion, les marges de manœuvre financières du nouvel EPCI métropolitain », expliquent-ils. Ces décisions ont même, selon le rapport, contribué à creuser la dette de la Métropole « au détriment du financement d’opérations que le conseil aurait pu reconnaitre d’intérêt métropolitain. Il suffisait pour cela d’attendre moins d’une année », fait remarquer la chambre.
Le maire LREM de la Roque d’Anthéron, Jean-Pierre Serrus, est l’un des rares élus métropolitains à enjoindre ses collègues à suivre les préconisations de la chambre sur la baisse du reversement des ressources de la métropole : « Les communes doivent faire des efforts pour développer les projets métropolitains. Je suis prêt à montrer l’exemple », assure-t-il. Il fait ici allusion aux fameuses attributions de compensations qui pèsent si lourd sur le budget métropolitain comme le fait remarquer la chambre : « Il s’agit là d’un enjeu majeur pour la métropole qui, si elle persistait à redistribuer l’essentiel de la fiscalité levée sur son territoire, ne saurait être en capacité de financer et donner corps aux projets ambitieux de développement et de mise en valeur du territoire qu’elle s’est assignée », prévient le rapport.
« Il est temps que la Métropole fournisse une réponse à un Marseillais qui souhaite aller travailler à Rousset »
Olivia Fortin
Profitant de l’étude de ce rapport en conseil, l’adjointe à la maire écologiste de Marseille, Olivia Fortin, interpelle la présidente sur la relation de la Métropole avec la ville centre : « Il est temps que la Métropole fournisse une réponse à un Marseillais qui souhaite aller travailler à Rousset par exemple. Ce rapport pose la question du sens de notre action. »
La Métropole dans le mur de la dette
Le rapport de la chambre montre que la dette de la Métropole n’a cessé de se creuser ces dernières années passant de 2,28 milliards d’euros en 2016 à 2,79 milliards d’euros à fin 2018. Au vu de sa faible capacité d’autofinancement, la capacité de désendettement est de très loin inférieure à celle des autres métropoles. Elle est de 8 ans contre 7 ans à Toulouse, 4 ans à Lyon ou encore 2 ans à Bordeaux.
Elle affiche également un taux d’endettement très élevé au regard de ses recettes réelles de fonctionnement : 210 % contre 147 % à Nice, 126 % à Toulouse, 103 % à Nantes et Lille, 74 % à Lyon et 47 % à Bordeaux. Dans une précédente note, l’agence de notation Fitch estimait que « la dette (budget principal, budgets annexes et dette de RTM) d’AMP devrait croître de 2,7 milliards d’euros en 2017 à près de 3,6 milliards d’euros en 2021. La détérioration de la capacité de désendettement est attendue, passant de 8,6 ans à fin 2017 à près de 15 ans en 2021 ».