La Fondation Jean Jaurès revient dans deux notes sur les élections municipales à Marseille pour tenter de comprendre les raisons de la victoire du Printemps marseillais de la coalition de gauche et citoyenne. La première note s’intéressait à l’électorat (lire notre précédent article). Tandis que la seconde en décrypte la campagne à travers le récit d’Olivia Fortin qui raconte de l’intérieur la naissance, puis la campagne et la victoire du Printemps. Synthèse.
Dans une note publiée sur le site de la Fondation Jean Jaurès, Olivia Fortin, 4e adjointe à la mairie de Marseille et présidente du collectif Mad Mars, revient sur la création et la campagne du Printemps Marseillais. Elle en tire quelques enseignements pour ceux qui voudraient s’inspirer de ce « Mouvement Sans Précédent. »
Le titre en dit déjà long sur l’ambition du Printemps. « Comment prendre Marseille quand on est nombreux, déterminés, avec du poulet ? ». En reprenant l’intitulé du livre de Srdja Popovic « Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, tout petit, et sans armes », Olivia Fortin rappelle comment le mouvement a brisé les codes politiques d’une ville « fracturée » fortement touchée par l’abstention. Crée à partir d’une demande et d’une mobilisation citoyenne, la concertation avec les partis politiques locaux n’est venue que plus tard.
Comment prendre Marseille quand on est nombreux, déterminés, avec du poulet ? Decouvrez ma note publiée ce jour à la Fondation @j_jaures dans laquelle j’essaie de tirer quelques enseignements de notre campagne, de Mad Mars jusqu’à la victoire ! https://t.co/B33sueCNH4
— Olivia Fortin ☀️ (@olivia_fortin) August 29, 2020
Pour cela, il a fallu du « poulet ». Clin d’œil à la « poulétique » inspiré du film le « Le Festin de Babette », c’est une manière d’évoquer ces dîners initiés par le collectif Mad Mars dans la foulée de sa création en juin 2018. C’est là que s’est initié un premier dialogue entre acteurs de la société civile – d’où elle vient – et appareils politiques. Elle confie : « Nous avions bien en tête les talents, l’énergie et la créativité existant côté société civile. Nous avions aussi constaté que, trop souvent, chacun agissait dans son coin jusque-là, mais avec une envie de s’impliquer. Notre certitude a donc immédiatement été que si, pour les élections municipales de 2020, on avait en lice deux listes PS, une liste PC, une liste LFI, une liste EELV et trois listes citoyennes, personne ne serait en capacité d’être au deuxième tour.»
Fédérer politique et acteur de la société civile
Pas une « classique » union de la gauche » ni « une vague verte ou rose ou une association de logos », Olivia Fortin, elle-même novice en politique, insiste au contraire sur le rôle des membres issus de la société civile dans ce mouvement. « Personne n’a probablement, à cette échelle, impliqué à ce point la société civile dans une démarche politique » défend-elle. Et d’expliquer l’apport du collectif Mad Mars.
« Depuis sa fondation, Mad Mars a été :
> une instance de rencontre, de connexion, de structuration de la société civile ;
> une instance d’implication pour ceux qui ne se retrouvent pas dans les organisations politiques telles qu’elles existent aujourd’hui ;
> une instance d’émergence de profils et d’ascension vers des candidatures aux élections ou à des postes en cabinet ;
> un vivier de compétences et de solutions bénévoles pour lancer la campagne du Printemps marseillais, alors que nous n’avions pas de moyens. »
Le travail avec les partis locaux, déjà ancrés dans le monde politique marseillais, n’a pas toujours été facile. Il a fallu mettre de côté « méfiance mutuelle » et s’écouter. Ainsi détaille-t-elle à plusieurs reprises les différentes phases de rapprochement et de désaccord avec les organisations politiques. Comme celui avec La France Insoumise écartelée par les injonctions paradoxales de Jean-Luc Mélenchon. « Finalement, le rapprochement avec le Pacte démocratique n’aura pas été possible et la complexité induite par le double mandat de La France insoumise nous aura fait passer collectivement beaucoup de temps pour tenter d’y arriver. »
Elle rappelle également que l’entente avec EELV n’a pas été évidente. En témoigne la sortie du parti des discussions en juillet 2019, moment où le Printemps Marseillais voyait le jour sous le nom de Mouvement Sans Précédent et la constitution de la liste Debout Marseille emmenée par Sébastien Barles. Pour avoir choisi de rester dans l’union, Michèle Rubirola est suspendue de son parti. Ce n’est qu’au lendemain du premier tour, que l’accord entre les deux mouvements politiques se fera.
Quels enseignements ?
Concessions, négociations mais aussi sacrifices. Partir des citoyens, mettre à l’écart les partis tout en travaillant avec. Le projet était ambitieux. « L’histoire à Marseille est unique » écrit celle qui est désormais la 4e adjointe au maire. Mais si cette aventure ne peut être « reproduite », elle peut au moins être « inspirante ».
Pour cela il faut tenter de forger une « culture commune » et apprendre à gouverner ensemble, une étape difficile selon elle. C’était là tout l’objectif du comité du pilotage « constitué de façon paritaire entre représentants d’organisations politiques et de la société civile. » Une moitié représentait « les dix partis politiques impliqués dans la démarche » et l’autre « les trois associations fondatrices (Mad Mars, Marseille et moi, Réinventer la gauche) et des personnalités de la société civile, de divers collectifs, associations et syndicats marseillais. »
« Rien ne vaut l’aide de tiers neutres. Ça a, par exemple, été le rôle de Mad Mars pendant nos sessions de « poulétique », puis celui de Frédéric Rosmini dans toutes phases de négociations. »
Olivia Fortin
Dans ses enseignements, l’élue évoque aussi l’importance des « tiers neutres de bonne volonté » pour faire avancer les discussions. Rôle qu’a incarné « le paratonnerre de la campagne », Frédéric Rosmini, ancien député européen et habitué de la politique. Il était en charge de la médiation au sein de la gouvernance du Printemps Marseillais. Une gouvernance assurée par le comité des huit têtes de liste et de la directrice de campagne Marie Batoux.*
Alors qu’en est-il aujourd’hui du Printemps Marseillais ? En conclusion de son analyse, l’élue laisse présager un futur au mouvement avec une éventuelle mobilisation pour les prochaines échéances électorales. A ce sujet, Olivia Fortin a accepté de répondre à nos questions dans une interview à lire demain sur Gomet’.
* La note précise qu’étaient aussi présents lors des réunions le mandataire financier du Printemps marseillais, Joël Canicave, la directrice de la communication, Annabel Hervieu, et le responsable du programme, Yoan Levy.
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