Nora Preziosi a été élue à la tête du bailleur 13 Habitat en octobre 2022, en succession de Lionel Royer-Perreaut. Elle reste à la tête de l’établissement pour un mandat de cinq ans. Conseillère départementale déléguée à la politique de la Ville et au NPNRU (nouveau plan national de renouvellement urbain), elle n’en est pas à sa première expérience dans le logement social : enfant de la cité Font-Vert, à Marseille (14e) elle a déjà travaillé chez Logirem, avant d’être vice-présidente d’Habitat Marseille Provence, le bailleur social de la Métropole. Au bout de ces sept premiers mois d’exercice à la tête de 13 Habitat, elle tire un premier bilan. Entretien.
Quel bilan tirez-vous de ces premiers mois à la tête de 13 Habitat ?
Nora Preziosi : Je suis passionnée par les gens, c’est que qui me motive. Ces derniers mois, nous avons travaillé à remettre de l’humain dans notre fonctionnement. D’ailleurs, j’aimerais changer le nom de 13 Habitat, pour donner une dimension plus proche des gens, 13 Humainement peut-être …
Nous allons installer des antennes de proximité dans toutes nos cités, afin que les locataires n’aient pas à se déplacer à l’autre bout de Marseille pour voir un conseiller.
Enfin, nous avons lancé notre plan stratégique, qui est le plus ambitieux de France en nombre de logements. Il se chiffre à 4 milliards d’euros sur 18 ans pour réhabiliter 20 000 logements et vise la création de 400 logements par an à partir de 2026, voire le double si la volonté de l’Etat et des communes s’accorde.
Quand nous sommes arrivés, 13 Habitat s’était déconnecté du terrain. Aujourd’hui, on repart de l’avant. Nous allons internaliser notre centre de relation client, afin de s’assurer que les agents répondent mieux aux demandes des locataires et comprennent davantage leurs préoccupations. Nous allons miser sur le personnel de 13 Habitat et activer aussi le turnover des responsables d’agence pour un nouveau souffle.
Le plan de 13 Habitat à quatre milliards d’euros
Ce plan stratégique a été voté en mars 2023. Il met sur la table 4 milliards d’euros sur 18 ans pour la réhabilitation de son parc immobilier et son développement, ainsi que l’amélioration des conditions de vie de ses locataires. Ce montant sera divisé de la sorte :
− 2,4 milliards, essentiellement sur la rénovation énergétique de 60% des logements existants. En 2023, 23 opérations de réhabilitation, soit 4832 logements, sont prévues (Val Plan, les Flamants, les Tilleuls, La Barasse, les Aygalades à Marseille, entre autres)
− 1,6 milliard d’euros pour produire 400 nouveaux logements par an à partir de 2026
Pour financer ce plan, 13 Habitat s’appuie sur ses réserves, mais aussi sur des subventions et majoritairement des emprunts, la vente d’une partie de son patrimoine à ses locataires, ainsi que la rationnalisation des loyers.
Comment comptez-vous financer votre plan ?
N. P. Nous avons activé nos fonds propres et comptons nous appuyer sur le soutien du Département , tant en termes de subventions que de garanties d’emprunt que nous sollicitons auprès de la Banque des territoires.
Nous créons également notre propre fonds de dotation intitulé « Yemma » – « Maman » en berbère.
Nora Preziosi
Nous créons également notre propre fonds de dotation intitulé « Yemma » – « Maman » en berbère. Ce fonds permettra d’amplifier notre politique sociale, pour venir en aide aux associations, pour financer des projets sportifs et culturels ou soutenir directement les habitants, comme les femmes seules.
Certaines cités détenues par 13 Habitat sont confrontées à la problématique du trafic de stupéfiants. Que peut faire 13 Habitat face à ce problème ?
N. P. Nous interpellons régulièrement les pouvoirs publics mais malheureusement cela ne relève pas de notre compétence. Nous travaillons sur les pieds d’immeubles pour installer des associations et, en tant qu’élue départementale j’ai soutenu les centres sociaux pour qu’ils restent ouverts l’été, afin que les jeunes ne soient plus livrés à eux-mêmes … J’aimerais aussi mieux sécuriser les cités, en s’inspirant des quartiers plus résidentiels et mieux contrôler les allers et venues. Il y a un immense travail à faire, mais nous ne pouvons pas le faire seuls et nous pouvons compter sur le soutien de la Préfecture qui nous aide déjà beaucoup dans ce domaine.
Marseille connaît actuellement une crise du logement, qui a conduit le préfet à monter au créneau et adresser une lettre au maire de Marseille Benoît Payan. Que pensez-vous de cette situation ?
N. P. La solution, c’est de construire. Nous n’avons jamais rencontré Mathilde Chaboche (ex-adjointe à l’urbanisme de la Ville de Marseille, ndlr).
Il n’est pas faux de dire qu’il faut mieux construire, de façon plus durable. Mais le patrimoine de 13 Habitat a plus de 50 ans, donc il faut à la fois le rénover et en démolir une partie. Plus de 1000 logements à démolir sont identifiés par exemple pour 13 Habitat et cela ne sera réalisable que lorsqu’il y aura suffisamment de constructions pour reloger toutes les personnes concernées.
Actuellement, pour résoudre cette problématique, nous avons agrandi le service chargé du relogement, afin de traiter les situations plus rapidement. C’est un travail minutieux, les dossiers sont étudiés au cas par cas.
Quid de la rénovation des logements anciens en centre-ville ? Vous êtes-vous positionnée sur l’appel d’offres dans le cadre du projet partenarial d’aménagement (PPA) mené par la SPLA-IN (société publique locale d’aménagement d’intérêt national) qui vise à restaurer les logements sur cinq îlots du centre-ville de Marseille ?
N. P. Nous avons postulé sur le premier appel d’offres de la SPLA-IN mais nous n’avons pas été retenus. Mais il y en aura d’autres et nous nous manifesterons.
Que pensez-vous des propositions du Conseil national de la refondation sur le logement ?
Il faudrait sans doute des regroupements de bailleurs, pour être plus forts
Nora Preziosi
N. P. Il n’y a rien pour le logement social. La pression sur les bailleurs est maintenue. Je comprends la dynamique des services de l’Etat. Mais dans le département, il y a trop de bailleurs sociaux, on se fait une mauvaise concurrence. Il faudrait sans doute des regroupements de bailleurs, pour être plus forts et absorber ces contraintes, tout en produisant davantage de logements.
Quelle mesure attendez-vous du gouvernement ?
N. P. Nous attendons que les premières attributions de logements sociaux pour une construction neuve soient confiées à 100% aux maires des communes, y compris ceux qui sont réservés aux ménages les plus fragiles, que gèrent la Préfecture, les Dalo (droit au logement opposable, ndlr).
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