Saïd Ahamada, 50 ans, député de la 7e circonscription de Marseille de 2017 à 2022, engagé dans tous les combats de la macronie à Marseille s’est astreint à une cure médiatique d’une année après son échec aux législatives de 2022. Né à Saint-Denis de La Réunion, d’origine comorienne par son père et réunionnaise par sa mère, marseillais dans l’âme, il a grandi à Félix Pyat dans le 3e arrondissement de Marseille, il a repris son job de directeur adjoint de la mairie d’Avignon et a approfondi son engagement à Territoires de Progrès, dont il a intégré le comité exécutif au congrès de Bordeaux en octobre 2021 et la direction en binôme du parti à Marseille. Pour Gomet’, il sort de cette année de silence médiatique et dévoile ses projets pour Marseille.
Depuis 2023, vous avez une nouvelle activité professionnelle, un nouveau poste de direction…
Saïd Ahamada : Oui, par décret du Président de la République et sur proposition du ministre chargé des Outre-mer, j’ai été nommé depuis le 16 janvier 2023, directeur de l’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité, Ladom. Je travaille sur les thématiques qui me sont chères : l’égalité des chances et l’égalité territoriale. Comme député, j’avais déjà produit un rapport sur ces sujets pour le Premier ministre.
L’objectif de Ladom est simple, il est de faire en sorte que peu importe où l’on habite sur le territoire et notamment l’outre-mer, le champ des possibles soit le même, que tous ceux qui veulent poursuivre des études ou être formés puissent le faire. Ladom est un outil de promotion de l’égalité des chances au service, au premier chef, des Ultramarins.
Vous êtes donc loin de Marseille…
S. A. : Non, Je vis toujours à Marseille, je suis là toutes les semaines et nous avons une antenne à Marseille, où il y a beaucoup d’Ultramarins. À Marseille, je reste un acteur attentif et engagé.
Selon un dernier sondage, 53 % des Marseillais interrogés sont satisfaits de leur maire Benoît Payan et 10 % sont même “très satisfaits” . Vous ne regrettez pas de ne pas faire partie de l’aventure du Printemps marseillais ?
S. A. : Non, je suis loyal et je sais à qui je devais d’être député. Une décision a été prise par mon parti, je l’ai respectée. Cet épisode est derrière nous. Les circonstances étaient particulières. Il est normal que les Marseillais connaissent ou apprécient le premier magistrat de la ville.
Nous sommes associés à la majorité, associés ne veut pas dire vassalisés
Saïd Ahamada
À Marseille, la majorité présidentielle semble s’organiser autour de Renaud Muselier et Martine Vassal. Comment vous positionnez-vous dans cette nouvelle donne politique ?
S.A. : Je suis le patron à Marseille de Territoires de progrès avec ma collègue Myriam Janin, proviseur de lycée. Nous faisons partie de la majorité présidentielle, mais Territoires de progrès est un parti autonome qui prend ses propres décisions, qui a ses propres instances. Ce que décide Renaissance à Marseille n’engage en rien Territoires de progrès. Il y a Renaissance d’un côté, Territoires de progrès de l’autre. Nous sommes associés à la majorité, associés ne veut pas dire vassalisés. Nous avons des instances, des élus, un comité exécutif national dont je fais partie. Nous incarnons la gauche de la majorité à Marseille, de manière autonome et assumée.
Sur quelles problématiques se situe TDP dans la région ?
S. A. : Je fais de la politique, comme un militant associatif. Il faut répondre aux besoins des Marseillais. Je suis très inquiet sur des sujets de fond, la sécurité et le logement qui sont abandonnés, mais qui vont éclater, parce qu’ils touchent aujourd’hui beaucoup de Marseillaises et de Marseillais.
Que chaque Marseillais fasse son introspection sur cette consommation devenue banale, tendance, massive, quotidienne : tant qu’il y aura de la demande, y aura de l’offre, c’est devenu une usine mortifère.
Saïd Ahamada
La première question est celle des crimes à répétition, de la délinquance endémique sur tous les territoires de Marseille. On pouvait le prévoir, les décisions n’ont pas été prises. Sur la question des trafics de drogue, il y a offre parce qu’il y a demande. On peut travailler sur la question de la légalisation, mais il faudra un consensus au niveau national.
Localement, il faut une prise de conscience de tous les Marseillais sur l’impact de ce marché, on ne va pas laisser les gamins mourir. Je trouve assez fou que l’on puisse aller acheter une barrette de shit et considérer que l’on n’a absolument aucune responsabilité dans cette spirale de la mort. Chaque fois qu’on met 10 € dans ces quartiers, c’est le marché de la mort qu’on alimente. Que chaque Marseillais fasse son introspection sur cette consommation devenue banale, tendance, massive, quotidienne : tant qu’il y aura de la demande, y aura de l’offre, c’est devenu une usine mortifère.
Il y a un effet d’éviction, ceux qui ont l’argent peuvent encore se loger à Marseille.
Saïd Ahamada
Deuxième problème, le logement…
S. A : Nous avons une vraie crise du logement qui se profile au moins depuis 2017, au moment où j’ai été élu. Elle touchait principalement à l’époque ceux qui demandaient des logements sociaux. Les maires bâtisseurs, ça n’existe plus ! On n’a pas réinventé le logement du XXIe siècle, qu’il soit social ou pas. On se retrouve dans une situation où les Marseillais n’arrivent plus à se loger à Marseille, même ceux qui ont un salaire correct. Ils quittent Marseille. Avec le confinement les Parisiens ont acheté sur photo des logements, Airbnb se développe. C’est bien de rendre Marseille attractive, mais il faut aussi gérer les effets induits et négatifs. Il y a un effet d’éviction, ceux qui ont l’argent peuvent encore se loger à Marseille. Les autres végètent ou partent. Ce n’est pas pour rien que le préfet a envisagé la tutelle sur la question des permis de construire. Typiquement, c’est une responsabilité de la ville. Il faut une vraie vision sur l’habitation. Il y a un décalage entre une vision de la ville, plutôt bobo, pour être très clair et ce que la plupart des Marseillais vivent au quotidien. La pression est là, pour le migrant comme pour le cadre. Comment imaginer que l’on n’ait sorti quasiment aucun permis de construire en deux ans ? (*)
Comment en sortir ?
S. A : J’aimerais que le maire de Marseille travaille pour tous les Marseillais. Pas juste ceux qui l’ont élu ! Je ne vois pas d’action forte dans les quartiers de Marseille, mis à part des écoles qui se construisent, mais grâce à l’argent de l’État ou Marseille en grand qui avance et c’est l’argent de l’État. J’attends du maire qu’il prenne ses responsabilités sur les sujets qui peuvent être clivants pour sa majorité, comme la sécurité et le logement que j’ai évoqués, mais qui sont vitaux pour Marseille.
(*) NDLR : Selon l’ancienne adjointe à l’urbanisme de la Ville de Marseille, Mathilde Chaboche, entre septembre 2021 et août 2022, ce sont 3390 permis de construire qui ont été délivrés par la mairie.
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