La société aixoise Monext, spécialiste des solutions de paiements depuis 2008, a réalisé plus de six milliards de transactions et un chiffre d’affaires de 97 millions d’euros en 2022. Sa forte rentabilité (entre 15 et 20 millions d’euros de résultat net) pousse l’entreprise à investir et à accélérer sa croissance. La fintech a ainsi investi dans de nouveaux locaux sur la zone d’activité d’Aix et compte accélérer sa présence sur le mid-market et son développement en Europe. Rencontre avec Guillaume Prin, le président du directoire.
Pouvez-vous revenir sur l’origine de Monext et vos liens avec le Crédit Mutuel Arkéa ?
Guillaume Prin : Monext est née en 2008 quand l’activité était dans le giron d’un groupe éditeur « Experian. » Ce groupe a ensuite vendu sa société au Crédit Mutuel Arkéa qui détient Monext à 100%. Nous sommes donc une filiale du groupe mais nous restons très autonomes dans notre développement sur des marchés en dehors de l’environnement bancaire. Le groupe privilégie les centres de décisions régionaux car nous avons une bonne connaissance des clients.
On peut dire que vous fonctionnez comme une start-up, ce que l’on appelle dans le jargon une Fintech (entreprise innovante dans le domaine de la finance, ndlr) ?
G. P : « Fin » oui, car nous sommes établissement de paiement depuis deux ans et que nous développons une activité de services de paiements très élargie. Et « Tech » car notre société emploie 400 personnes dont les deux tiers sont des ingénieurs en développement, dans le cloud ou les technologies de l’information. Nous pouvons considérer que nous sommes une des plus matures fintech de France, dont la particularité est d’être rentable. Ce point est de plus en plus important dans un contexte de marché où les fintech ont des difficultés à trouver du financement, du fait qu’elles sont souvent déficitaires.
« Nous réinvestissons cinq millions d’euros chaque année dans notre outil de travail. »
Guillaume Prin, président du directoire de Monext
Votre maison-mère vous a offert une grande capacité d’investissement…
G. P : C’est un secteur dans lequel il y a des centaines de millions d’euros d’investissements au début de l’activité pour atteindre la taille critique. Une fois que vous avez la compétence et les systèmes d’information (SI), le développement se fait sans nouvel investissement, si ce n’est pour maintenir la technologie à des niveaux d’excellence. Quand le Crédit Mutuel Akéa a racheté Monext, le savoir-faire était déjà là. Depuis, nous réinvestissons chaque année près de cinq millions d’euros dans notre outil de travail. Nous avons une capacité d’autofinancement propre sans besoin de fonds externes.
« Nous réunissons nos 400 collaborateurs sur un campus de 6 000 m2 sur la zone d’activité d’Aix. Nous tenions à être propriétaires du foncier et du bâtiment, financé en propre. »
Guillaume Prin
Votre forte rentabilité vous pousse à investir sur le long terme. Pouvez-vous expliquer votre projet de campus ?
G. P : Nous réunissons nos 400 collaborateurssur un campus de 6 000 m2 à partir de 2024, dont la moitié est actuellement basée rue Claude Nicolas Ledoux sur la zone d’activité et l’autre sur la Duranne. C’est un investissement qui représente plus de 20 millions d’euros que nous réalisons en propre. Nous tenions à être propriétaires du foncier et du bâtiment dont nous avons poussé les normes HQE (haute qualité environnementale, ndlr) au niveau de l’excellence. Pour ce faire, nous avons travaillé avec les équipes de Redman qui sont personnellement et collectivement excellentes. Le cabinet d’architecte qui réalise le bâtiment est le cabinet Carta & associés.
Trouver 6 000 m² de bâti sur Aix-en-Provence, ce n’est pas évident et c’est un euphémisme…
G. P : J’y ai passé personnellement un peu de temps (rires). Nous y réfléchissons depuis 2015 et nous avons fait part à la ville d’Aix-en-Provence et la Semepa de notre souhait de trouver un foncier de qualité. Car trouver un foncier, c’est relativement facile quand il s’agit de louer. Mais 6 000 m² à l’achat c’est une autre paire de manche. Particulièrement à Aix, en raison de la rareté du foncier et du fait que beaucoup d’acteurs qui s’intéressent à peu d’opportunité. Nous avons été informés qu’un acteur institutionnel local, en l’occurrence la Cepac, trouvait un intérêt à ouvrir une partie d’un foncier qu’elle avait en réserve depuis 10 ou 15 ans. C’est un bâtiment en propriété pleine. Et je tenais absolument que l’on soit en pleine propriété pour pouvoir adapter aux besoins et enjeux cet outil de travail.
Des enjeux de recrutements notamment ?
G. P : Avec une croissance de 20% par an en termes de volumes de paiement… on ne recrute pas proportionnellement, mais c’est par le développement commercial que nous sommes amenés à recruter. Nous recrutons globalement 50 nouveaux collaborateurs par an. Le nouveau bâtiment est conçu pour accueillir à temps plein plus de 550 collaborateurs. Donc, dans un monde théorique, pour avoir la moitié des effectifs sur place, on pourrait accueillir entre 700 et 800 collaborateurs. Il n’y a pas vraiment de limites liées au bâtiment.
« Nous travaillons sur une trajectoire de développement européen dès 2023. »
Guillaume Prin
Quelles sont vos perpectives de croissance pour 2023 ?
G. P : Notre potentiel de croissance est important malgré le fait que nous avons 40% de parts de marché (PDM) sur le e-commerce en France. Notre position de leader, nous en sommes fiers, mais les PDM ne sont plus à conquérir. Historiquement, Monext s’est développée avec de très gros clients nationaux,plus de la moitié du top 10 des e-commerçants, qui ont permis les premières années de développement de l’entreprise comme Amazon ou la Française des Jeux. Et nous souhaitons stratégiquement descendre vers un marché de la moyenne entreprise, ce qu’on appelle le « midmarket. » Nous travaillons également une trajectoire de développement européen dès cette année. Notre activité internationale représente aujourd’hui 10% de nos revenus et nous souhaitons accélérer car nos clients actuels souhaitent être accompagnés dans une logique multi-pays.
Ces nouvelles activités seront pilotées depuis Aix ou directement dans les pays ?
G. P : La proximité client est important. Une société allemande, belge ou espagnole n’aura pas un rapport au paiement identique. L’usage du cash en Allemagne est extrêmement développé contrairement à la carte bancaire. Alors que l’usage du virement est plus développé au Portugal qu’en France.Dans notre secteur l’usage est fondamental. Donc on ne s’interdit pas de recruter sur place ou bien de racheter des entreprises basées dans ces pays si leur activité nous permet d’accélérer.
Comment analysez vous la « crise » bancaire qui se profile ? Notamment suite à la faillite de SVB en Californie et du Crédit Suisse…
G. P : Nous sommes tout à fait certains que les banques françaises, et en l’occurrence notre actionnaire, est totalement à l’abri des impacts collatéraux des difficultés de SVB ou du Crédit Suisse. Nous sommes très éloignés des investissements qui peuvent toucher ces acteurs de taille moyenne, sous l’effet de la réglementation américaine. Ces banques n’ont pas été suffisamment régularisées alors qu’en France, la réglementation est beaucoup plus stricte avec des acteurs de cette taille.
« Nous n’analysons pas d’effet significatif sur la consommation pour nos clients. »
Guillaume Prin
Le développement international que vous envisagez peut être risqué. Comment vous prémunissez-vous ?
G. P : Tout est lié à une hausse de taux massive que les banques centrales ont mis en place, peut-être un peu tardivement, pour cantonner l’inflation. S’il y a un point de vigilance, c’est l’effet de l’inflation sur la consommation. Car si les consommateurs achètent moins, cela réduirait potentiellement notre rythme de croissance. Mais nous n’analysons pas d’effet significatif sur la consommation pour nos clients. Nous restons donc sereins.
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