Introduction : L’Europe au pied du mur
Ce livre vient du besoin de répondre à une question. Celle de savoir pourquoi la chute du mur de Berlin a entraîné avec elle celle de la social-démocratie. C’est-à-dire de cet équilibre politique, si caractéristique de la civilisation européenne contemporaine, qui est au cœur de celle-ci, entre les nécessités de l’économie de marché et leur régulation au profit d’un mode de vie fait de solidarités sociales, générationnelles et territoriales. Un équilibre si profondément installé que le mot lui-même de social-démocratie y a dépassé les limites du concept politique auquel il fait historiquement référence. C’est qu’en Europe il y avait eu jusque-là un consensus entre les principales forces politiques de droite comme de gauche autour de valeurs suffisamment partagées pour que même en cas d’alternance, l’essentiel, la part qui nous est commune, ne soit jamais remise en cause. Seuls les extrêmes de droite et de gauche se revendiquaient d’autres choix.
Or, la chute du mur de Berlin, loin d’entraîner la victoire et l’extension de la social-démocratie, semble avoir été suivie partout de la remise en cause de celle-ci, de manière permanente, et sans que l’on voie la fin de ce délabrement systémique. Au point que l’existence même de forces politiques représentant une gauche héritière d’un siècle et demi de luttes politiques et sociales n’est plus assurée dans ses bastions traditionnels comme la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, malgré les apparences, et même dans les pays du nord de l’Europe où elle ne survit parfois qu’au prix d’alliances hétérogènes, voire grâce à l’abstention parlementaire de l’extrême droite, ce qui n’est jamais gratuit.