Le premier titre sera donc consacré à poser, à déposer, à disséquer les mots auxquels nous faisons tous référence en Europe, sans pour autant leur attribuer le même sens. À commencer par celui de Révolution, porteur de tant d’ambiguïtés et générateur de tant d’incompréhensions, surtout de la part des Français qui croient en avoir le monopole de l’usage et du sens. Ce qui est loin d’être le cas. Or il est important, comme un préalable avant de pouvoir aller plus loin, de recontextualiser ce mot afin déjà de mesurer les différences de sens et d’imaginaire qu’il véhicule parmi les peuples d’Europe. Car seule cette compréhension permettra d’envisager un futur commun qui tienne compte de cette diversité. Mais l’exercice permettra aussi de mesurer l’importance de ce qui est commun aux Européens, bien au-delà de ce qui les sépare, des frontières, des gouvernements, des guerres passées. Tout un univers mental.
Celui qui constitue une civilisation distincte des autres, y compris de celle des États-Unis d’Amérique, avec ses codes, ses références, qui n’ont même pas besoin d’être l’objet de lois, mais au sein desquelles nous baignons naturellement. Qui font, qu’en quelque endroit de l’Europe que nous soyons, même avec la barrière de la langue, nous savons que nous sommes un peu chez nous, avec des gens avec lesquels nous partageons les mêmes valeurs. Cet exercice assurera qu’une projection dans l’avenir sera ancrée dans la légitimité de cette diversité. À l’inverse, faute de cette compréhension, l’accumulation des malentendus nous conduirait à l’impasse.
Restituer la construction européenne actuelle dans sa dimension historique
Le deuxième titre aura pour objet de restituer la construction européenne actuelle dans sa dimension historique. Afin de comprendre que celle-ci vient de loin, parfois de très loin, au point que nous en avons perdu la mémoire. Or les précédents sont porteurs de leçons. Comment l’extrême diversité des statuts étatiques avait-elle alors été institutionnellement surmontée ? Une diversité bien plus grande qu’aujourd’hui où, depuis un peu plus d’un siècle à peine, les nations ont fixé le paysage politique. Sous quelles forces les constructions supra-étatiques des siècles passés se sont-elles effondrées ? Comment, de cette construction et surtout des conditions de cette déconstruction, nous avons hérité d’une situation qui est ce qu’elle est, et qui aurait pu être autre.
Des erreurs stratégiques ont entraîné des guerres terribles, dont nous sortons à peine. Au fond, dont nous ne sommes sortis vraiment qu’avec justement la chute du mur de Berlin, qui clôt une longue séquence historique de plus d’un siècle. Ce qui justifie les tâtonnements de la période actuelle qui n’ont rien de ridicules. Une période nouvelle à laquelle nous n’étions pas préparés, qui devrait susciter de la patience et de l’indulgence. Et certainement pas de l’impatience, ni de la condamnation hâtive.