C’est la Bible qui dicte l’action des politiques publiques en matière d’aménagement. Le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), élaboré par la Métropole Aix-Marseille Provence, fait régulièrement l’objet de révisions sur lesquelles les communes ont un droit de regard. Et la Ville de Marseille est bien décidée à saisir l’occasion pour faire entendre sa voix auprès de l’institution dirigée par Martine Vassal. Dans une liste comprenant pas moins de 139 points, qui n’est pour l’heure pas rendue publique, la mairie adresse à la Métropole une série de demandes autour de deux axes prégnants, présentés à l’occasion d’une conférence de presse jeudi 31 mars : la production de logement sociaux et la protection du patrimoine architectural et végétal de la Ville.
Abaisser le seuil de logements requis pour la production de logements sociaux
Lors d’une précédente modification, la Ville avait obtenu de la Métropole d’abaisser le seuil de mètres carrés compris dans un projet immobilier à partir duquel le promoteur doit produire des logements sociaux. Auparavant, les promoteurs devaient produire du logement social uniquement pour les programmes comprenant 80 logements. De 80, ce seuil était passé à 60 logements et à 30 logements (soit 2000 m²) pour les zones bien desservies par les transports en commun. La Ville souhaite désormais que le seuil de 30 logements soit appliqué sur toute la commune et pas uniquement sur les parties de la ville disposant d’une bonne desserte.
« Il y a 41 000 demandeurs de logements sociaux dans la Ville. Or, nous faisons face à un réel problème de production de ces logements. Nous devons en produire aux alentours de 5000 par an, dont 2600 de logements sociaux, mais nous stagnons à 2000-3000 logements seulement produits par année. De plus, les logements sociaux construits se situent dans la tranche de prix la plus élevée, alors qu’il faudrait une majorité de PLAI (à très bas loyer) », alerte Patrick Amico, adjoint en charge du logement.
Densifier la production de logements
« Marseille ressemble à un pot de coulis de tomates renversé qui s’étale inexorablement. Il faut recentrer la production de logements »
Mathilde Chaboche
Ce n’est pas tout : la Ville plaide pour une densification de la production de logements autour des pôles les plus fréquentés. « Marseille est semblable à un pot de coulis de tomates qui s’est renversé et qui s’étale inexorablement », ironise à mi-mot l’adjointe en charge de l’urbanisme Mathilde Chaboche. De fait, certaines portions de la ville sont très peu fréquentées et ce développement est difficile à accompagner en termes de voirie. La mairie demande donc à ce que la production de logements soit recentrée sur les zones déjà fréquentées à Marseille.
Il faudra pour cela qu’elle accorde ses violons avec les bailleurs sociaux et les promoteurs immobiliers. Or, ces derniers affichent des réticences concernant la charte de la construction durable défendue par l’adjointe et déplorent un blocage dans l’attribution des permis de construire … « Nous refusons tous les permis illégaux », tranche l’adjointe. Et d’ajouter : « certains d’entre eux ne sont pas habitués à jouer en respectant les règles du jeu … ». Pourtant, la mairie en est consciente : « ce n’est que collectivement que nous parviendrons à accomplir nos objectifs », rappelle l’élue.
Plus spécifiquement sur le secteur de la rue d’Aubagne, la Ville réclame un emplacement réservé sur la « dent creuse » où se situait les immeubles écroulés afin d’y installer un projet qui a du sens, ainsi qu’une servitude sociale sur toute la rue, ce qui signifie que la priorité au logement social devra y être donnée.
Accorder une protection spécifique au patrimoine végétal et architectural
Autre point que défend la mairie parmi ses 139 propositions : l’attribution d’une protection spécifique au patrimoine architectural et végétal de la ville. « Nous demandons la création de 24 fiches de protection patrimoniale concernant certains bâtiments de la ville, ainsi que 9 pour la protection du patrimoine végétal, que ce soit des espaces boisés ou verts », détaille l’adjointe déléguée au patrimoine, Perrine Prigent.
Cette protection des espaces verts devra se combiner avec les objectifs en termes de production de logements. En ce sens, les élus déplorent le projet de construction d’un lotissement dans le quartier des Mourets (13e), que les habitants dénoncent pour son atteinte à la biodiversité, certaines espèces protégées comme des chouettes chevêches aurait été aperçus sur ce périmètre. « C’est hélas un permis de construire qui a été approuvé sous l’ancienne majorité. Les habitants nous ont alertés, le préfet a été saisi. Ce projet est aberrant dans sa forme urbaine, mais le chantier a commencé et il nous est à présent difficile de revenir dessus sans l’aide de l’Etat … » déplore Mathilde Chaboche.
Les 139 propositions de la Ville de Marseille seront prochainement envoyées à la Métropole, puis feront l’objet d’une enquête publique entre mai et juin 2023. Le projet final ne sera pas approuvé avant le dernier trimestre 2023.
La mairie se débarrasse d’une partie de son patrimoine immobilier
Si la mairie souhaite valoriser une partie de son patrimoine, elle souhaite aussi se débarrasser d’une partie de ses biens. En effet, la Ville a annoncé la mise aux enchères de quatre biens immobiliers appartenant à son patrimoine sur le site Agorastore. Une opération inédite pour la Ville, qui a dressé un inventaire de son patrimoine dès le début de la nouvelle mandature en 2020. Aujourd’hui achevé, cet inventaire fait état « d’une cinquantaine de biens inutiles et coûteux » pour la municipalité. « Ce sont des biens sans maîtres, qui ont atterri dans le domaine public car personne ne les a réclamé, par exemple, à la suite d’une succession. Or, il s’agit de petites surfaces, en état plus ou moins délabré, qui ne peuvent être réutilisées dans un but d’intérêt général et sont laissés à l’abandon, voire squattées. C’est pourquoi nous souhaitons nous en débarrasser » , explique Eric Méry, conseiller municipal en charge de la stratégie patrimoniale.
Pour les personnes intéressées, deux journées de visites seront organisées dans le courant du mois d’avril. Ce sont ensuite les projets les plus sérieux qui seront retenus et évalués par la Ville : en effet, contrairement au principe d’une vente aux enchères classiques, le bien ne sera pas accordé au plus offrant. Le futur acquéreur devra avoir soit le projet de vivre dans le bien, soit de le transformer en logement social conventionné par l’Agence nationale de l’habitat (Anah).
« Il s’agit d’une expérimentation. Si elle fonctionne pour ces quatre premiers immeubles, une deuxième vague de ventes aux enchères sera lancée en mai » ajoute Eric Méry, qui se réjouit de mettre en oeuvre un processus « garantissant la transparence dans l’acquisition de bien public ». L’inventaire des biens de la Ville de Marseille sera-t-il un jour publié ? Le conseiller municipal ménage le suspense : en effet, le document ne serait pas encore finalisé à 100%.
Liens utiles :
> [Urbanisme] Une contribution citoyenne pour penser l’avenir de la rue d’Aubagne
> [Urbanisme] Marseille défend sa charte de construction durable