Si le pétrole ne coule plus à flots dans les terminaux marseillais, le port parvient à trouver de nouvelles ressources pour soutenir le développement de ses activités. Conteneurs, véhicules neufs, passagers lignes régulières… la plupart des voyants sont au vert.
« Marseille est un port qui a vécu sur la rente pétrolière pendant de très nombreuses années. Ce temps là est révolu », prévient Jean-Marc Forneri, le président du conseil de surveillance du Grand Port maritime de Marseille (GPMM). Avec lʼarrêt de la raffinerie Total de la Mède, une perte nette de 3,5 millions de tonnes de brut importé, il aurait pu craindre une forte baisse du trafic sur 2017. Il nʼen est rien. Mardi 23 janvier, la direction du GPMM sʼest félicité des résultats de lʼan dernier qui restent stable malgré la chute de 5 % des hydrocarbures. « Nous étions prévenu depuis plus de deux ans, nous avons donc pu anticiper en diversifiant nos activités », explique Christine Cabau-Woehrel, la directrice du port. Comme prévu, le GPMM est parvenu à légèrement compenser par une arrivée plus importante du raffiné avec 13 millions de tonnes (+ 8 %). Les biocarburants viennent également soutenir lʼeffort avec une hausse de 12 % des esters méthyliques dʼhuiles végétales (EMVH), utilisés dans la production de biodiesel et de 29 % de lʼéthanol. Par contre, le gaz naturel liquéfié (GNL), promis comme lʼénergie maritime du futur, nʼatteint pas les volumes escomptés. Alors quʼils ont progressé de 33% en 2016, ils sont en baisse de 6 % sur lʼan dernier : « En début dʼannée, il y a eu des blocages de la livraison du GNL en provenance dʼAlgérie et nous nʼavons jamais pu rattraper ce retard », explique Christine Cabau-Woehrel. Elle reste cependant persuadée du succès de cette énergie peu polluante notamment dans le domaine maritime. De nombreuses compagnies ont lancé la construction de navires fonctionnant au GNL qui arriveront prochainement dans la rade marseillaise. Le port a lancé une étude sur la dangerosité de lʼavitaillement en GNL pour créer un service dédié avec un micro-méthanier dʼici 2019. Pour contrebalancer la baisse des hydrocarbures, le GPMM a surtout miser sur le développement des terminaux à conteneurs, une stratégie payante.
Marseille rattrape les grands ports du Nord sur les conteneurs
Lʼannée 2017 a définitivement été record pour les conteneurs à Marseille. Les bons résultats dʼEurofos, lʼun des deux opérateurs des terminaux à conteneurs de Fos-sur-Mer, le laissait présager et le port confirme cette dynamique avec près de 1,4 millions dʼEVP (équivalent vingt pied) traités. Ce trafic augmente de 10 % (1,3 millions d’EVP en 2016) alors que la moyenne européenne est à + 5%, « cela confirme que nous gagnons du terrain sur les grands ports du Nord Anvers, Rotterdam et Hambourg. Aujourdʼhui, ils sont complètement saturés. Un conteneur peut mettre parfois deux jours pour sortir de chez eux, nous sommes beaucoup plus rapide », avance Jean-Marc Forneri. La création des grandes alliances dʼarmateurs, Ocean Alliance (Cosco, CMA CGM, OOCL et Evergreen), The Alliance (Hapag Lloyd, One et Yang Ming) et 2M (Maersk et MSC), a profité au GPMM avec un accroissement de la taille des navires qui font la liaison avec lʼAsie et la création de nouvelles lignes sur les bassins de Marseille. « Tout un tas de chargeurs reconcentrent leurs volumes sur Marseille depuis plusieurs années. Cela prouve le retour de la confiance dans notre efficacité », ajoute Christine Cabau-Woehrel. Les véhicules automobiles signent également une année exceptionnelle avec une progression de 18 %, soit 30 000 voitures neuves supplémentaires. La bonne santé de ce secteur sera soutenue en 2018 par la commercialisation de 11 hectares dédiés à cette activité à Fos-sur-Mer, au Nord de la darse 3. Le trafic roulier profite du dynamisme des trafics vers la Corse en hausse de 9 % pour gagner de nouvelles parts de marché. A Fos-sur-Mer, un nouveau ponton roulier dédié aux colis lourds allant jusquʼà 800 tonnes, notamment dans le cadre dʼIter, sera mis en service très prochainement.
Baisse de régime pour la croisière
Côté passagers, la croisière marque le pas en 2017 en retrait de 7 %, notamment à cause de la cessation dʼactivité de Croisières de France et du repositionnement des compagnies américaines sur lʼAsie et lʼEurope du Nord pour cette année. « Mais ce nʼest que temporaire », promet Christine Cabau-Woehrel. Pour 2018, le port compte sur près de 530 escales programmées (contre 430 en 2017) et attend plus de 1,7 millions de croisiéristes. « Les experts disent que nous devrions passer 4ème port de croisière de Méditerranée. Lʼobjectif des 2 millions de croisiéristes en 2020 est plus que jamais confirmé », annonce la directrice. Les lignes régulières, en hausse de 7 %, permettent dʼamortir le tassement de lʼactivité croisière. Elles ont transporté un total de 1,2 millions de passagers avec une forte progression de lʼAlgérie (+11%) et le retour de la Corse (+8%) qui met fin à plusieurs années de baisse régulière.
Lʼan dernier, le port a également montré ses talents de commerciaux pour attirer de nouvelles entreprises. Outre le retentissant succès du chinois Quechen, le secteur logistique a été particulièrement actif avec le développement et la commercialisation de 55 hectares. Parmi les nouveaux arrivants, Wlife a signé une promesse de vente pour un entrepôt de 60 000 m². Virtuo prévoit également la construction dʼun bâtiment de 70 000 m². Enfin, Mediaco Vrac a décidé de doubler ses capacités sur distriport en acquérant une parcelle de 140 000 m². En 2018, le port va poursuivre la commercialisation des 50 hectares restant du site de la Feuillane : « A la fin de lʼannée, la zone affichera complet », promet Christine Cabau-Woehrel.
Le ferroviaire au coeur des investissements en 2018
Ces bons résultats nʼauraient pas été possible sans les nombreux investissements consentis par le port. Ce sont 47,8 millions dʼeuros qui ont été dépensés pour lʼélargissement de la passe Nord (14,6 millions dʼeuros), lʼaménagement des terminaux Corse et Maghreb ou encore la mise en service de la forme 10 pour la réparation navale. Cette activité est dʼailleurs en nette progression de 8 % sur lʼannée avec 98 navires accueillis. En 2018, le Chantier naval de Marseille, amodiataire des formes 8,9 et 10, affiche un carnet de commande prometteur avec notamment lʼarrivée de paquebots qui souhaitent sʼéquiper de scrubber. Lʼentreprise Monaco Marine devrait aussi voir son activité accélérer car elle a remporté lʼappel à projets pour lʼexploitation des postes 112 et 114 pour de la réparation à flots.
Le port compte encore accélérer sa politique dʼinvestissements en 2018 avec une enveloppe de 82 millions dʼeuros programmés. Au printemps, il lancera notamment les travaux de la rotule, ce comblement du quai séparant les terminaux dʼEurofos et Seayard à Fos-sur-Mer. La première phase du chantier va mobiliser une dépense de 15 millions dʼeuros cette année et la même somme viendra finir le projet en 2019. Le ferroviaire sera lʼun des gros dossiers du GPMM en 2018. Lʼan dernier, le conseil de surveillance a validé la consolidation du réseau sur les bassins Est dont les travaux estimé à 10 millions dʼeuros vont démarrer dans les mois qui viennent. Une opération similaire sur Fos-sur-Mer devrait être votée au printemps prochain. En 2017, le ferroviaire sʼest imposé comme une véritable alternative au transports routier avec 140 000 EVP traités et une hausse de 26 % sur les bassins Ouest. « Nous aimerions aller plus loin mais nous sommes dépendants de la politique de fret de la SNCF sur laquelle jʼai de sérieux doute », lance taquin, Jean-Marc Forneri. Le président du conseil de surveillance du port renvoie également la balle à la compagnie ferroviaire sur la question du terminal combiné de Mourepiane : « Nous sommes en position dʼattente. Cʼest à l’État et la SNCF de trouver un accord sur la cession des terrains », assure-t-il.
Le port compte accentuer encore un peu plus son rôle dʼaménageur dans les années à venir. Il va cette année lancer un appel à projets pour recruter un urbaniste qui travaillera sur le futur visage des bassins Est. Le GPMM sait quʼil doit sʼouvrir davantage vers la ville : « Nous avons différents points dʼentrée possibles pour accueillir de nouvelles activités économiques, culturelles ou de loisirs. Il y a de nombreux hangars aujourdʼhui qui sont à lʼabandon, cʼest dommage. Nous avons des propositions tous les jours. On doit y réfléchir pour trouver les meilleures solutions », avance Jean-Marc Forneri. Par contre, il ne le fera jamais au détriment des activités maritimes et industrielles du port et compte bien tirer des profits de son trésor patrimonial ardemment convoité par le privé comme le public.
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