Le président de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence (CCI AMP), Jean-Luc Chauvin a présenté ses voeux à la presse le 27 janvier au Palais de la Bourse. L’élu nous parle de sa feuille de route et de ses priorités pour 2023. Il prône toujours le « jeu collectif » entre tous les acteurs économiques et institutionnels pour développer l’attractivité du territoire métropolitain.
Des priorités pour le territoire
Rattraper le retard de la mobilité avec un RER métropolitain : « Depuis quelques années, il y a un mouvement des cadres qui quittent les capitales. A nous de leur offrir un cadre de vie et des transports en commun pour qu’ils s’installent sur notre territoire. J’insiste depuis longtemps sur cette problématique des mobilités. C’est le talon d’Achille de notre territoire. Pour rattraper notre retard, accélérons ensemble les projets du Groupement d’intérêt public dans le plan Marseille en Grand pour peser sur les choix réellement prioritaires pour nos entreprises et obtenir des moyens financiers supplémentaires de l’État. On ne peut pas accepter, par exemple, que la zone industrialo-portuaire de Fos ne comporte que deux lignes de bus, on ne peut pas accepter non plus l’absence d’un RER métropolitain. Je vous rappelle que j’ai été le premier défenseur d’une ligne ferroviaire passant par le technopôle de l’Arbois, la Duranne jusqu’à Aix les Milles depuis Rognac. Et les lignes existent déjà. C’est une idée qui vient d’être reprise par le président de la République il y a quelques semaines. Il faut maintenant passer de la parole aux actes. »
Accélérer sur l’innovation avec le Technopôle de l’Arbois : « Le Technopôle de l’Arbois (Aix-en-Provence) se situe à la 4e place mondiale des technopôles spécialisés dans la “Cleantech”. Les trois premières sont Boston, Berlin et Perth. On a peut-être besoin d’aller plus loin sur ce sujet, c’est dommage d’être au pied du podium. Pourquoi pas faire de notre territoire la « Cleantech nation » et être en avance grâce à nos autres pôles de compétitivité comme Capenergies. Il faut se mettre autour de la table : la Région Sud, la Métropole Aix-Marseille Provence, la French Tech avec l’État, le ministre du numérique Jean-Noël Barrot. Je lui ai présenté le Technopôle au CES Las Vegas début janvier. Et il a retenu son attention. Ce n’est pas un hasard si les start-up du technopôle ont reçu 31 awards ces cinq dernières années. C’est le Technopôle le plus primé au monde. Ce n’est pas juste une maison d’entreprises, c’est de l’université, de la recherche, des étudiants. Donc ma vision c’est de rentrer sur le podium en cherchant de meilleurs outils, des financements, des laboratoires d’industrialisation… Et ce sujet ne touche pas que notre région, je vous parle d’une « Cleantech nation ». La France doit décider si c’est un sujet. »
Faire de la crise énergétique une opportunité : « Dès les premières annonces du gouvernement, la CCI Aix-Marseille s’est mobilisée. Nous avons créé un événement « urgence énergie » le 12 octobre 2022 qui a réuni 120 participants. La CCI a également ouvert sa cellule de crise « Urgence Entreprises Énergie » pour donner accès à des décryptages, des accompagnements permettant de bénéficier des aides gouvernementales. Nous, entrepreneurs, nous avons besoin d’experts qui suivent ce sujet et nous l’avons mis en place. Au-delà de ce dispositif, nous devons mieux faire connaître nos outils comme « Flash’diag Énergie » mis en ligne fin 2022 pour que les entreprises repensent leur consommation d’énergie et sachent comment en économiser. »
Retrouver la première place du port de Marseille-Fos : « Le GPMM n’est plus le premier port français depuis 2021 car il s’est constitué, en face, un port unique de trois anciens ports : le Havre, Rouen, Paris (Haropa). Les CCI participent au comité de bassin Méditerranée-Rhône-Saône, piloté par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes. J’ai souhaité que les quatre régions concernées par le Rhône puissent se coordonner et avoir un avis concerté. Je représente le monde économique de ce territoire dans cette instance. Ma vision c’est qu’il faut augmenter le volume de trafic de marchandises qui arrivent dans notre port pour être redistribuées, pas seulement sur les ports existants du Rhône. Si on ne fait que ça, nous n’allons pas gagner de clients supplémentaires. Il faut poser une vision stratégique pour gagner des parts de marché pour remontrer vers l’Allemagne. Et le trafic mondial le permet car il se réorganise. Les ports du range nord-européen sont moins compétitifs en temps que les ports de Méditerranée, car le ralentissement des bateaux fait qu’il y a trois à quatre jours de plus de route maritime que par le canal de Suez. Le doublement du canal de Suez, dont les travaux se termineront fin 2024, permettra aux bateaux de se croiser. Et puis les ports du range nord-européen sont saturés. Nous avons donc un véritable avantage concurrentiel.»
Tirez profit de l’avantage concurrentiel du numérique « Je crois qu’il faut sortir de la polémique qui veut opposer l’économie à l’écologie, [les datas centers sont dans le viseur des écologistes, la mairie a de Marseille a demandé un moratoire sur les nouveaux projets Ndlr]. Ce qui est sûr c’est que je ne suis pas pour la décroissance. Je fais partie de ceux qui considère que l’écologie est une nouvelle forme d’économie pour nos entreprises. Il faut tirer profit de cette bande passante pour attirer les licornes de demain qui cherchent de la vitesse de transmission. Je pense aux entreprises qui travaillent dans le métavers, la santé, l’éducation, la maintenance prédictive. Tous ces secteurs qui auront besoin de rapidité et vitesse de stockage. Profitons d’avoir les infrastructures pour créer de la richesse ici. »
Des actions pour la CCI métropolitaine AMP
Développer l’hydrogène sur le Port de l’Anse de la Réserve « Nous travaillons à lancer un appel à projets sur une expérimentation avec notre filiale sur le Port de l’Anse de la Réserve pour installer un point de ravitaillement à hydrogène. Cet appel à projets verra le jour en 2023 et pourra, je l’espère, être opérationnel d’ici fin 2023 ou début 2024. Et pourquoi pas se dire qu’il pourra ravitailler les bateaux pendant les Jeux Olympiques ? Le port vient d’obtenir la certification européenne « Ports Propres » de l’Afnor. Un engagement pris pendant le Congrès mondial de la nature (IUCN). J’en suis fier car c’est la première structure à obtenir une telle certification dans le périmètre du Vieux-Port. Et nous irons encore plus loin avec la certification « Ports propres actifs en biodiversité ».
Développer l’activité de conseil en financement de la CCI AMP : « Nous avons développé un nouveau métier en 2019 avec notre filiale « CCI Conseil & Finance ». Le succès est au rendez-vous car nous avons un flux continu d’une cinquantaine d’entreprises du territoire qui nous confie leurs recherches de financement pour leurs projets innovants et parfois même pour leur haut de bilan. Nous avons finalisé 25 dossiers pour 6,7 millions d’euros levés. Et ça doit continuer. »
Accompagner les besoins de compétences : « Il y a encore trop de chômage sur le territoire et trop d’entreprises ne trouvent pas de collaborateurs. Nous devons redoubler d’efforts pour favoriser l’accès à l’emploi dans les nouveaux métiers. Nous avons ouvert en septembre 2022, une formation de M2I (Manager en ingénierie informatique) à l’école pratique, notre école, qui propose des débouchées dans la cybersécurité et les réseaux. Notre école d’ingénieur en travaux publique (ISBA-TP) met en place une formation sur les transitions énergétiques : le bâtiment intelligent, le zéro carbone. La formation a été mise en place pour correspondre aux besoins des entreprises. Le projet, dont nous sommes lauréats avec La Ciotat Shipyards, qui aidera les entreprises des chantiers navals à anticiper les besoins en compétence. »
Soutenir la création d’entreprises via « les carrefours de l’entrepreneuriat » : « Nous pilotons deux dispositifs, lancés dans le cadre de Marseille en Grand. Le premier est « les carrefours de l’entrepreneuriat » gérés avec le consortium Le Carburateur, Synergie Family et les Apprentis d’Auteuil. Nous avons chacun un lieu physique mais nous sommes associés dans le fonctionnement. Au total, 1 115 jeunes de moins de 30 ans ont été accueillis. Le deuxième dispositif est le « capital jeune créateur » géré avec le consortium CMAR, BGE, IMM, France Active. A ce jour, 260 jeunes ont reçu le chèque de 3 000 euros. 2023 doit être l’année d’accélération car nous devons, fin 2024, avoir accompagné 6 800 jeunes sur ces deux dispositifs. Tout l’enjeu c’est de faire en sorte d’avoir un réseau d’associations qui permette de donner l’info et rencontrer les jeunes pour faire les pré-diagnostics. Ensuite, leur faire découvrir le métier d’entrepreneurs.»
Mener une étude d’impact sur la délocalisation de la Cité judiciaire à Marseille. « Il y a un vrai problème pour trouver des locaux de tailles suffisantes pour accueillir l’augmentation du nombre de magistrats et greffiers pour traiter les dossiers des justiciables dans des délais raisonnables. Il y a un besoin c’est vrai, mais il faut trouver une solution car il semblerait que l’on s’achemine vers la sortie de Cité judiciaire du centre-ville. D’une part, ce serait une catastrophe économique. Si vous enlevez les professionnels (magistrats, greffiers) du centre, vous allez faire en sorte que tous ceux qui travaillent avec le Palais de justice (avocats, huissiers…) vont également partir. Vous allez avoir un taux de vacance massif dans le centre-ville. D’autre part, ce sont des CSP +. S’ils partent, il y aura un impact direct sur l’activité des cafés et des restaurants. Vous allez inévitablement entrainer un effet tsunami qui va détruire l’emploi. Or, on se bat avec les collectivités locales pour revitaliser le centre-ville car c’est la vitrine d’un territoire. L’autre enjeu, c’est la méthodologie. Si on avait commencé à y travailler depuis quelques années, on aurait pu imaginer une autre solution. Notre vision c’est donc de réaliser une étude d’impact sérieuse. Nous avons proposé nos services à la Première ministre pour mener cette étude. Si l’État décide d’aller au-delà du centre-ville, je demanderai de créer en extrême urgence une zone franche pour le centre-ville de Marseille. Mais, ce n’est pas ce que l’on souhaite. Nous sommes contre cette délocalisation. Nous travaillons actuellement sur l’emprise foncière. Dans le code de l’urbanisme, il existe des dispositions qui pourraient être dérogatoires au PLUI (Plan local d’urbanisme intercommunal) pour un projet de ce type. Ça va certainement être le sujet chaud de 2023. »
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