C’est une étape tout aussi symbolique qu’importante que s’apprête à franchir le projet dit « Rhône décarbonation ». Réunis lundi 17 mars à la cimenterie Vicat de Montalieu-Vercieu, en Isère, les trois partenaires, à savoir Didier Petetin, directeur général délégué de Vicat, Nelly Nicoli, directrice générale d’Elengy (Fos), Fabien Poure, directeur général de SPSE (Fos), rejoints par RTE et sa directrice adjointe du centre Developpement et Ingenierie de Lyon, Violaine Barbier, ont donné le coup d’envoi de la concertation publique qui marque le véritable lancement du projet.
Porté par les sociétés Vicat, SPSE, Elengy et RTE, le projet Rhône décarbonation prévoit la création d’une chaîne de captage de CO², transport, liquéfaction et chargement de navires, depuis la cimenterie du groupe Vicat de Montalieu-Vercieu, via un « carboduc » (un pipeline de transport) déjà existant de 300 km le long du Rhône, opéré par la société SPSE, et jusqu’à un terminal de liquéfaction et de chargement de navires envisagé sur le site de Fos-Tonkin sur le porte Marseille-Fos et exploité par la société Elengy.
Rhône décarbonation : 1,2 million de tonne de CO² par an.. pour commencer
A l’origine de Rhône décarbonation, la cimenterie Vicat de Montalieu-Vercieu, la plus grande de France et classée parmi les 50 sites industriels les plus polluants de l’Hexagone, produit 1,5 million de tonnes de ciment par an mais rejette presque autant de tonne de CO² : 1,2 million. L’entreprise Vicat prévoit donc, au sein du périmètre de ses installations déjà existantes, de créer une unité de captage des émissions de CO² inévitables par cryogénie, une technologie opérée par Air Liquide, totalement électrifiée, reposant sur un procédé physique de séparation du CO² des gaz résiduels.
« Le principe, c’est de refroidir le gaz pour faire tomber le CO² et le récupérer, explique Christian Daumarie, directeur du projet Rhône décarbonation chez Vicat. L’intérêt d’une cimenterie, c’est que les gaz sont tous émis au même endroit : on récupère les gaz au niveau de la cheminée et c’est à partir de là qu’on va les traiter pour en isoler le CO². »
Cette nouvelle installation devra être raccordée au réseau d’électricité haute tension dont la gestion est assurée par RTE. La puissance installée supplémentaire est estimée à 70 MW. Ce raccordement nécessitera la création d’une nouvelle liaison électrique à 225 000 volts depuis le poste électrique de Creys en Isère.
Rhône décarbonation : les aménagements prévus
• La création d’une unité de captage des émissions de CO² inévitables de la cimenterie sur le site actuel du groupe Vicat située à Montalieu-Vercieu
• Le raccordement de cette nouvelle installation par la création d’une liaison électrique à 225 000 volts entre le poste électrique de Creys et le site Vicat de Montalieu-Vercieu
• Le transport du CO² depuis la cimenterie Vicat de Montalieu-Vercieu jusqu’au terminal de liquéfaction d’Elengy à Fos-sur-Mer, à travers les opérations suivantes :
-La reconversion sur 300 kilomètres du pipeline existant « PL2 » depuis la Plaine de l’Ain jusqu’au site SPSE de Fos-sur-Mer
-Le raccordement par nouvelle canalisation entre l’installation de captage de CO² de Vicat et le pipeline existant «PL2» appartenant à SPSE
-Le raccordement par nouvelle canalisation entre le site de SPSE à Fos-sur-Mer et le terminal de liquéfaction et d’export de CO² de Fos Tonkin
• Le réaménagement du terminal de Fos Tonkin exploité par Elengy à Fos-sur-Mer pour permettre la liquéfaction et le chargement de navires du CO²
Un nouveau pipeline pour relier le site de SPSE (Fos) au terminal de Fos Tonkin
De son côté, la SPSE (Société du Pipeline Sud-Européen) va devoir convertir son pipeline « PL2 », de 300 km de long et d’une capacité de transport 4 millions de tonnes de CO², qui traverse la France jusqu’en Allemagne en passant par Lyon, au transport longue distance de CO² gazeux, afin de constituer l’axe principal d’un futur grand réseau de CO², au service, plus globalement, de la décarbonation industrielle de la vallée du Rhône – Vicat dans un premier temps puis d’autres par la suite. « Avec le retrait du raffinage en Europe, les disponibilités de transport se sont générées au fur et à mesure. Aujourd’hui, on a 1 300 km de pipeline disponibles, en état, pour être reconvertis pour une autre activité », souligne Laure Carougeau, directrice des relations institutionnelles chez SPSE.
Outre l’adaptation de son réseau existant, la SPSE sera également chargée de construire deux nouveaux raccordements, en amont et en aval. D’une longueur totale de 25 km, ces derniers permettront de relier, d’une part, l’installation de captage de CO² Vicat au pipeline existant «PL2», et d’autre part, le site de SPSE à Fos-sur-Mer au terminal de liquéfaction et d’export de CO² de Fos Tonkin exploité par Elengy.
Deux réservoirs de stockage sur le site d’Elengy
Dernier maillon de cette chaîne de transport, Elengy prévoit de réaménager l’actuel terminal méthanier de Fos Tonkin pour développer un terminal de liquéfaction et d’export du CO². « On va démanteler des ouvrages qui sont hors exploitation depuis des années et libérer de la place pour faire ces investissements, indique Joachim Labauge, directeur du développement CO2 chez Elengy. Ce CO² va être épuré, liquéfié et stocké temporairement dans deux petits réservoirs sur notre site. Puis il sera chargé dans des navires qui iront vers des zones de stockage géologique », en Méditerranée ou en mer du Nord. Et ce, en attendant que la filière de revalorisation du carbone se développe, en direction par exemple des carburants de synthèse, pour l’aviation notamment.
Un projet à plus d’un milliard d’euros
Tous ces chantiers se dérouleront en parallèle afin que l’ensemble des infrastructures soient prêtes pour 2030. Près de 1 600 personnes seront mobilisées au pic de l’activité, dont un millier pour le seul site de Vicat.
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Les porteurs du projet avancent un investissement compris entre 1 et 1,5 milliard d’euros, dont 600 à 900 millions d’euros apportés par Vicat, notamment pour la construction de son unité de capture de CO², et 200 millions d’euros chacun pour SPSE et Elengy, qui ont déjà obtenu des subventions de la part de l’Europe pour financer une partie de leurs études.
Vicat s’apprête de son côté à effectuer ses premières demandes, via le fonds d’innovation de l’Union européenne et l’appel d’offres français pour les grands projets industriels de décarbonation, soutiens « indispensables » pour la viabilité du projet, ont prévenu les trois partenaires.
Concertation du 24 mars au 20 juin 2025 dans quatre communes des Bouches-du-Rhône
En attendant, et au regard des seuils et critères du code de l’Environnement, le projet a fait l’objet d’une saisine obligatoire de la Commission nationale du débat publique (CNDP) qui a décidé qu’il y avait lieu d’organiser une concertation préalable, sous l’égide de trois garants indépendants nommés par elle. Celle-ci se déroulera pendant une période de 13 semaines, à compter du lundi 24 mars 2025 et jusqu’au vendredi 20 juin 2025 inclus. Et ce, sur un périmètre de 33 communes, en Isère, dans l’Ain et dans les Bouches-du-Rhône : Fos-sur-Mer, Martigues, Port-de-Bouc et Port-Saint-Louis-du-Rhône.
Ouverte à tous, cette concertation a pour objectifs d’informer le public, de répondre aux questions et de débattre des aspects du projet, notamment sa raison d’être, sa mise en œuvre et ses impacts. Une réunion publique d’ouverture, une réunion publique de synthèse, quatre réunions publiques territoriales, dont une mutualisée avec le débat public global sur le territoire de Fos-Berre-Provence, quatre webinaires (visioconférences), 10 débats mobiles, dont 3 visites de sites, une exposition itinérante sont notamment prévus.
Un site internet dédié à la concertation a également été créé pour retrouver tous les renseignements et participer.
A l’issue de la concertation préalable, les porteurs de projet prendront en compte les questions et les avis exprimés par le public et les parties prenantes, ainsi que les éventuelles recommandations des garants, pour statuer sur l’opportunité de poursuivre le projet et, le cas échéant, l’opportunité de faire évoluer ses caractéristiques et de prendre des mesures nouvelles. À la suite de la concertation préalable, les porteurs du projet mettront en œuvre, dans le cadre d’une concertation continue garantie par la CNDP, des modalités d’information et de participation continue jusqu’à l’enquête publique.
Document source : le dossier de concertation préalable
Liens utiles :
> L’avis de concertation préalable
> Le site dédié à la concertation Rhône décarbonation (CRD)
> Le site de la CNDP
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