12 heures : la session reprend. Benoît Payan a « l’honneur de présenter » Michèle Rubirola, Martine Vassal a « l’honneur de présenter » Guy Teissier et Samia Ghali se propose au vote. Les scrutins se déroulent donc avec l’appel nominal de votants, le défilé des conseillers devant l’urne, puis le lent dépouillement à haute voix. Les hasards des résultats donnent des sueurs froides, à droite, et à gauche où chacun fait ses comptes. Rubirola capte 42 votes, elle fait le plein du Printemps, Guy Teissier comptabilise 41 votants, Bruno Gilles et Marine Pustorino ont rejoint l’ancienne majorité. Samia Ghali réunit 8 bulletins et on annonce un vote nul. Très vite, on identifie l’ancienne maire du 4e et 5e arrondissements, l’inénarrable Lisette, qui avait pourtant annoncé son ralliement à Samia Ghali. Elle marque sa disponibilité et prend sa distance avec son voisin dans l’hémicycle, Bruno Gilles lui-même.
Ce vote confirme ce qui se dit depuis la veille : les négociations entre le Printemps marseillais et Samia Ghali ont échoué, Lisette Narducci n’a pas de terrain d’atterrissage et la droite qui est au sommet de ses voix, peut espérer dans un scrutin à majorité relative l’emporter si besoin, au bénéfice de l’âge.
Une nouvelle suspension de séance, à durée indéterminée, est demandée et accordée par la présidence. La droite reste dans la salle ou dans les couloirs, tant la partie est jouée pour elle. Par contre les équipes du Printemps marseillais vont et viennent. Michèle Rubirola apparaît à sa place sans ses colistiers, laissant à d‘autres le soin de négocier.
12 h 45 : un mouvement donne l’impression que les élus du Printemps marseillais reprennent leur place. La présidente s’installe en énonçant les règles du scrutin. Une nouvelle demande de report incluant le déjeuner est exigée par le Printemps Marseillais. La droite s’énerve, Sabine Bernasconi ironise sur cette maire « qui ne veut pas se faire élire ». Guy Teissier fait un rappel au règlement énonçant que « l’on ne peut suspendre une séance qui n’a pas commencé ». Benoît Payan argumente qu’en fait la session a commencé puisque Guy Teissier a pu s’exprimer et que donc une suspension s’impose. C.Q.F.D. !
13 h 30 : Yves Moraine demande à la présidente « de se mettre à la hauteur de l’élégance de Guy Teissier qui lui a cédé la présidence ». Chacun réalise alors que, en coulisse, dans les salles aveugles du Conseil, la négociation patine toujours. Michèle Rubirola ne veut pas lâcher le poste de premier adjoint à Samia Ghali et celle-ci, qui l’a publiquement revendiqué, après l’avoir murmuré, retient ses 8 voix. D’un sourcil, Samia Ghali confirme sa volonté de surseoir à la session et Marguerite Pasquini obtempère, incluant en plus une heure pour le déjeuner. La suspension de séance dure plus de trois heures.
14 h 36 : tout bascule. Michèle Rubirola est re-présentée par Benoît Payan, Guy Teissier par Martine Vassal. Émue, cédant à la pression de la rue qui devient une foule exigeante, du mode de scrutin qui n’offre pas de solution de compromis, Samia Ghali déclare : qu’elle « veut être exemplaire ; j’ai choisi » dit-elle « de ne pas présenter ma candidature et d’apporter mon soutien à Mme Rubirola ». À la minute, le paysage a changé, les applaudissements crépitent à gauche, les équipes de Martine Vassal font grise mine et encaissent le coup. Cette fois-ci les jeux sont faits.
15 h 15 : séquence émotion, Michèle Rubirola quitte son fauteuil, se dirige vers le haut de l’hémicycle où siège Samia Ghali et c’est une longue embrassade qui fait tomber la pression des trois heures dures de négociation. En fait Michèle Rubirola n’a pas cédé, Benoît Payan restera son premier adjoint en respectant le deal noué lorsque l’élu socialiste s’est retiré de la tête de liste du PM, et Samia Ghali devient deuxième adjoint au maire avec une responsabilité sur le lien entre le nord et le sud, sur la fracture sociale de la cité.
Le vote reprend et le dépouillement donne 41 voix à Guy Teissier et grâce à au dernier bulletin ouvert, Michèle Rubirola passe à 51 voix. Double signe : Lisette Narducci a rejoint la gauche ; le Printemps et ses alliés obtiennent une majorité absolue sans avoir besoin de comptabiliser le retrait du Rassemblement national. 51 contre 41, le vote reflète le résultat des urnes et les 13 000 voix d’avance du Printemps. Marseille a un maire : Michèle Rubirola monte à la tribune, et Alain Caraplis introduit Jean Claude Gaudin sur la tribune. Le responsable du protocole en est à son quatrième maire toujours stylé, toujours discret, toujours avenant, il accompagne ce temps suspendu. Michèle Rubirola endosse l’écharpe tricolore, les larmes lui montent aux yeux, Jean Claude Gaudin s’approche, lui marque sa sympathie, finit par outrepasser les gestes barrières pour une accolade et se retire, fatigué, sans prononcer, ni une phrase, ni un discours. Fin d’une époque.