Marseille s’est donnée pour la première fois une femme comme maire. Pas celle qui était attendue en 2019, mais une écologiste, un médecin, une mère de famille de 63 ans, une femme calme et déterminée : Michèle Rubirola. Il en a fallu du calme et de la détermination pour en 9 heures chrono mettre en place une gouvernance inattendue, solidement ancrée et majoritairement élue. Tout au long de la journée, dans la grande salle souterraine du conseil municipal les incidents, les tensions, les interrogations furent nombreuses. Avant de laisser la place aux acclamations des centaines de supporters du Printemps marseillais massés aux alentours. Retour sur cette folle, longue et lente journée que nous vous avons également fait vivre en direct.
8 h 37 : les militants sont déjà massés derrière les barrières, gendarmes et CRS veillent sur la journée. Filtrés à l’entrée, les élus RN ou de droite se font copieusement huer et siffler. « La mairie est à nous, nous ne nous laisserons pas voler le vote », proclament les manifestants. Les têtes connues du Printemps marseillais sont saluées et acclamées.
L’accueil de la presse est déjà submergé, les médias nationaux et internationaux ont fait le déplacement, caméras, micros, ordinateurs, sont déjà en service. Les plus malins des élus, les plus habitués de la maison sont entrés par l’arrière de la mairie, du côté de l’Hôtel-Dieu pour éviter la bronca des manifestants.
9 h 02 : Dans l’amphithéâtre, les élus Républicains arrivent en petits groupes et cherchent leur place. Martine Vassal est étonnamment détendue, élégante, radieuse comme soulagée d’avoir renoncé à se présenter au perchoir de Bargemon en laissant cette mission à Guy Teissier.
Jean Claude Gondard, directeur général de services, fidèle des fidèles de Jean Claude Gaudin, celui qui fut d’abord son jeune responsable du groupe UDF à l’Assemblée nationale, celui qui est descendu à Marseille et fut de tous les combats, va officier dans le siège à droite du fauteuil de maire. Affable, taciturne et un peu ailleurs, il va tenter de pondérer les errements et les hésitations de la présidence et de faire valoir les règles de droit. Fidèle jusqu’au bout.
9 h 40 : Guy Teissier, 75 ans, ouvre la séance, il fait l’appel nominal des 101 conseillers, il passe vite sur les noms de ses amis et collègues, il bute sur les prénoms des inconnus, nombreux, tant l’hémicycle, à gauche a fait peau neuve. Premier mouvement, il annonce que, par respect de la démocratie, sans que ce soit une obligation réglementaire, il abandonne la présidence de cette première session de la mandature. Martine Vassal a en effet annoncé qu’elle se retirait du vote et que le doyen d’âge sera aussi le candidat du groupe « Une volonté pour Marseille ». A la tribune, prend donc place Marguerite Pasquini, 70 ans, l’information se répand vite qu’elle fait partie du groupe de Samia Ghali et est élue dans les 15° et 16° arrondissement.
Le benjamin de l’assemblée, Théo Challande-Nevoret, élu du Printemps marseillais dans le 3° secteur, se place à la gauche de la présidente de séance et devient secrétaire de séance. Les scrutateurs de quatre groupes se mettent en place. Au pied de la tribune devant l’urne transparente.
10 heures : Stéphane Ravier demande la parole. Il lui est rappelé que le vote se fait sans prise de parole, ni explication de vote. La plénière est la suite du vote citoyen et ne doit normalement pas être une séance de discussion. Le sénateur du Rassemblement national n’en a que faire. Les micros des pupitres étant défaillants, un micro sur pied lui est amené par un appariteur. Il s’en empare malgré les maladroites réprobations de la présidente et il proteste parce « qu’on l’empêche de s’exprimer ». De sa voix de stentor, il balance : « Dans cette campagne, où il n’y a pas eu de débat de fond » dit-il, « vous continuez à empêcher les gens de s’exprimer ». Il annonce qu’il va se retirer des trois scrutins pour ne pas « participer à cette mascarade ».
Les neuf membres du Rassemblement national quittent la salle, laissant une assemblée surprise et coite. En sortant le RN change la donne : plus question de soupçonner un Guy Teissier de faire alliance avec le RN, il a disparu. Les discrets dîners du 8e arrondissement, réels ou subliminaux, dénoncés par Lionel Royer-Perreaut (qui a finalement décidé de ne pas se présenter en concurrent de Guy Teissier), s’ils ont eu lieu, ont fait « pschitt ». Le RN sait depuis deux jours qu’il n’arrivera pas à détacher une partie des Républicains pour bousculer l’échiquier et faire oublier la chute de son leader dans le 13/14. Stéphane Ravier se retire de l’hémicycle, mais va hanter les couloirs, pendant toute la journée et trouve toujours un micro ou une caméra pour dénoncer « l’insécurité, la submersion des migrants et les tricheries de la droite phocéenne. »
La sortie des 9 élus du RN apaise l’assemblée, il n’y a plus de risques de basculement surprise. Et surtout la majorité absolue passe de 51 à 47. Rappelons que la liste Vassal seule dispose de 39 élus, la liste PM de 41, Bruno Gilles de 3 élus ou deux, Samia Ghali 8, ou 9 selon que Lisette Narducci passe de l’un à l’autre. La présidente annonce à la demande du PM et de Samia Ghali, une suspension de séance censée durer 15 minutes.