L’Agence régionale de la biodiversité et de l’environnement (Arbe) organisait lundi 14 octobre, la journée régionale SudBioDiv’, afin de mettre en avant les initiatives locales en faveur de la préservation de la biodiversité et la transition écologique, notamment par la remise de labels récompensant les initiatives menées par les collectivités. Pour cette deuxième édition, Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) était invité en tant que grand témoin.
Une mobilisation régionale ambitieuse
Anne Claudius-Petit, présidente de l’Arbe et conseillère régionale, a rappelé dans son discours d’ouverture l’importance de cette journée pour la région Sud, « pionnière » en matière de défense de la biodiversité. « On a arrêté une feuille de route en 2024 avec un plan d’actions partagé avec les acteurs du territoire, qui compte environ 260 initiatives, dont certaines seront mises en œuvre dès le premier trimestre 2025 », annonce la présidente de l’Arbe. L’objectif est de mobiliser largement : entreprises, collectivités et citoyens doivent se joindre à cet effort pour suivre un agenda stratégique commun.
La stratégie nationale pour la biodiversité 2030, adoptée en 2023 avec 209 mesures, vise à réduire les pressions sur le milieu naturel, respecter la biodiversité et mobiliser les acteurs locaux pour agir de manière coordonnée. « Aujourd’hui l’enjeu fort est de concilier écologie et économie verte avec des plans d’actions structurés et cohérents », affirme Éric Hansen, le directeur de l’Office français de la biodiversité pour la région Sud.
Jean Jouzel : un appel à prendre la mesure des enjeux climatiques
Grand témoin de la journée, Jean Jouzel, a dressé un tableau préoccupant du réchauffement climatique. « L’événement marquant de cette année a été la vague de chaleur océanique, un phénomène qui perturbe fortement la biodiversité marine avec des déplacements massifs de faune et de flore », constate le paléoclimatologue.
Il rappelle que 2023 a été l’une des années les plus chaudes jamais enregistrées, 2024 s’annonçant tout aussi critique. « Les continents se réchauffent deux fois plus vite que les océans », explique-t-il, soulignant que ces changements accentuent les phénomènes extrêmes comme les vagues de chaleur, particulièrement marquées en région méditerranéenne. « Si on atteint déjà des pics à 45°C en plein centre-ville de Marseille, des pics de température à 50°C arriveront très vite, ce qui risque de poser de nombreux problèmes sanitaires », s’alarme Jean Jouzel.
Jean Jouzel, né le 5 mars 1947 à Janzé, est un paléoclimatologue français. Il se fait connaître en 1987 lorsqu’il publie, avec Claude Lorius, la première étude établissant formellement le lien entre concentration de CO₂ dans l’atmosphère et réchauffement climatique. Source Wikipedia
Des solutions locales pour relever un défi global
« Les instruments existent déjà, il est inutile d’en créer de nouveaux mais il est impératif d’accélérer leur mise en œuvre » explique l’ancien vice-président du Giec. La végétalisation des villes, la protection des forêts et des zones humides sont autant de mesures qui peuvent atténuer les effets des vagues de chaleur et préserver les écosystèmes.
Le scientifique appelle à une implication plus importante des entreprises dans cette transition comme il l’avait fait lors d’une session de la Convention des entreprises pour le climat Provence Méditerranée en avril dernier à Lourmarin. « Le cadre législatif existe déjà en France. Il faut maintenant l’appliquer et embarquer les entreprises dedans », observe-t-il, soulignant un manque de solidarité et de coordination au niveau international.
Les zones humides, une solution fondée sur la nature
Freddy Rey, directeur de recherche à l’Inrae, met en avant l’importance des solutions fondées sur la nature qui offrent des co-bénéfices : elles répondent aux défis climatiques tout en préservant la biodiversité : « Par exemple, restaurer des cours d’eau ou des zones humides permet à la fois de protéger les écosystèmes et de réduire les risques naturels, comme les inondations. »
Laure Galpin, directrice du parc naturel régional du Luberon, souligne aussi l’importance de la préservation des zones humides, essentielles pour la régulation de l’eau et la lutte contre les incendies. « On fournit un grand travail de recensement, puis on a mis en place des contrats de fermage avec des clauses environnementales. Préserver une zone revient cinq fois moins cher que de devoir la réhabiliter » assure la directrice du parc.
Richard Chemla, adjoint au maire de Nice, parle lui de la nécessité de faire des citoyens des acteurs de la transition écologique. Il a pris l’exemple de la végétalisation des écoles et des espaces urbains, initiatives qui non seulement améliorent la qualité de vie en ville, mais participent aussi à la régulation climatique et à la préservation de la biodiversité soulignant que « ce qui est bon pour la nature est bon pour l’homme. »
Des déclarations volontaristes qui ne masquent pas les inquiétudes de l’ensemble de ces acteurs face aux prévisions budgétaires de l’Etat, qui comportent notamment une baisse majeure d’un milliard d’euros au Fonds vert dédies aux collectivités. Jean Jouzel, devant les journalistes, est particulièrement sceptique (voir ses déclarations dans notre vidéo) : « Je ne vois pas comment ils [le gouvernement] vont tenir les objectifs de la planification écologique avec les moyens qui sont alloués actuellement. »
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