Suite à la publication en avril par la Cour des comptes du rapport (lire notre article) sur la Société cotée marseillaise du Tunnel du Prado Carénage (SMTPC), Gomet’ présente ici l’analyse financière de Pascal Quiry, professeur de finance à HEC depuis 1986, en charge de la chaire BNP Paribas, dirigeant fondateur de Monestier Capital et co-auteur de livre de référence en finance d’entreprise le Vernimenn (Dalloz et Wiley).
La Cour des comptes a confirmé les ripages de profits organisés par Vinci et Eiffage à leur profit et au détriment des actionnaires minoritaires de SMTPC, que j’avais dénoncés au moment de leur tentative ratée d’expropriation des minoritaires de cette société cotée il y 3 ans.
Vinci et Eiffage détiennent 68% du Tunnel du Prado-Carénage (SMTPC) qu’ils opèrent et 100% de celui de Prado Sud qui est dans son prolongement direct et qui est opéré par SMTPC. Mais SMTPC sous-facture ses prestations à Prado Sud, dans des arrangements dignes de maquignons et non de groupes cotés au CAC40 et au SBF120.
Ainsi à l’ouverture du tunnel de Prado Sud en 2013, les coûts de SMTPC bondissent de 1,4 M€, avec une refacturation de seulement 1,2 M€, et qui tombe dès 2015 à 0,6 M€. Soit 5,5% des ventes, bien loin des 12,2% qu’Eiffage concède sur l’A65 à Sanef qui exploite cette autoroute pour son compte. Mais il est vrai que Sanef est un confrère autoroutier à qui on ne raconte pas de carabistouilles, alors que les actionnaires minoritaires sont des ingénus.
Après avoir soumis ses griefs à Vinci et Eiffage et les avoir entendus, la Cour des comptes maintient son diagnostic dans son rapport final : « Les montants retenus ne reflètent donc pas les charges réelles que la concession devrait supporter et les minorent au bénéfice de la SPS (Prado Sud). » La Cour des comptes recommande donc à SMTPC de « Refacturer à la société Prado Sud les charges réelles liées à l’exploitation du tunnel Prado Sud. »
Assemblée générale fixée au 20 mai à Marseille
L’argument de Vinci et Eiffage pour ne pas refacturer les charges réelles à Prado Sud, qui m’avait déjà été servi, est que cela : « remettrait donc en cause l’économie des deux concessions qui a prévalu lors des mises en concurrence qui ont conduit à l’attribution des deux concessions. » Il est étrange que ce même argument n’ait jamais été avancé par Vinci et Eiffage quand, en cours de concession, les redevances versées par Prado-Sud à SMTPC ont été révisées à la baisse… C’est ainsi environ 10 M€ depuis 2015 qui auraient dû se retrouver dans les caisses de SMTPC et sont arrivés dans celles de Prado Sud. Ce sera l’un des points débattus lors de l’AG du 20 mai à Marseille.
Ce lundi (14 avril), Vinci et Eiffage retrouvent le droit de faire une Offre de retrait sur SMTPC, après trois ans d’abstention imposés par l’AMF (Autorité des marchés financiers) pour autoriser une offre qui visait 34% du capital et n’en a recueilli au final que 2%. Depuis l’offre initiale des duettistes, le cours de SMTPC, dividendes réinvestis, a progressé de 66% contre seulement 29% pour le CAC40 dividendes réinvestis. Par rapport à l’offre réhaussée de 28%, la progression de SMTPC est de 30% contre 10% pour l’indice. La surperformance de SMTPC est due à la sous-évaluation de l’offre réhaussée.
Pascal Quiry