La culture vélo a encore du chemin pour s’imposer dans le cœur des Marseillais. C’est l’impression qui se dégage des débats actuels, une semaine après les premiers coups de peinture mis sur l’avenue du Prado en vue de réaliser l’une des pistes provisoires annoncées par la Métropole. Personnalités politiques et acteurs associatifs font entendre leur voix, souvent discordantes. Avec une impression d’ensemble qui se dégage : le vélo, oui mais pas trop.
Des élus LR extrêmement prudents face au vélo
Satisfaire les appels à plus d’intégration des mobilités douces en ville tout en ne fâchant pas les automobilistes : telle est l’étroite ligne de crête sur laquelle semble marcher Martine Vassal depuis le mois d’avril. De fait, la présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence, collectivité qui possède la compétence voirie dans la cité phocéenne, a semblé attendre le dernier moment pour annoncer l’aménagement de 9 kilomètres de pistes cyclables provisoires, dont les travaux ont commencé le mardi 12 mai – soit le lendemain du début du déconfinement. Néanmoins, à l’entendre, dans une interview diffusée dans La Provence samedi 16 mai, ces mesures seraient déconnectées de la crise liée au coronavirus.
« Ce n’est pas une décision liée à la crise sanitaire », dit-elle au sujet de ces aménagements cyclables, « j’ai décidé d’accélérer la mise en oeuvre du plan vélo que j’ai lancé en juin 2019 ». Et quand on lui oppose les retards de mise en oeuvre, Martine Vassal invoque « des mauvaises conditions météorologiques » et une « priorité » donnée à la réouverture des écoles. Pour expliquer les moindres ambitions marseillaises en matière cyclable vis-à-vis de villes comme Paris ou Lyon, elle pointe une spécificité qui serait celle de la métropole qu’elle gouverne : « il ne faut pas oublier que bon nombre de personnes viennent de l’extérieur de la ville et qu’il leur est difficile de se déplacer sans leur voiture », explique-t-elle, créant un lien de causalité entre cette dépendance à la voiture et ce « retard » qu’elle admet au niveau du vélo.
De fait, pour la cheffe de l’exécutif métropolitain, ce « plan inédit, ambitieux » qu’elle porte pour le développement de l’usage de la bicyclette doit permettre « d’en finir quelque peu avec le tout-voiture ». Un « quelque peu » révélateur, corroboré par des propos de Dominique Tian, premier adjoint au maire de Marseille, relayés dans l’édition de La Provence du 18 mai. « Il est plutôt pertinent en termes de mobilité douce d’y aller prudemment car l’usage de la voiture à Marseille reste important » dit l’élu LR, dans une sentence qui résume bien le balancier autour duquel oscille la politique de mobilité des autorités locales en place.
La confédération générale des CIQ de Marseille s’alerte
Une attitude des autorités confortée par un communiqué de la Confédération générale des comités de quartiers de Marseille et des communes environnantes publié lundi 11 mai, soit avant le début des premiers aménagements provisoires. Ces acteurs influents dans le maillage associatif de la ville jugent « difficile de concevoir de retirer des voies destinées aux voitures pour les affecter spécifiquement aux vélos. Même si, comme annoncé, il s’agit d’une expérience provisoire ». Argument avancé : le vélo « ne présente pas plus de caractère sécuritaire que la voiture par rapport à la contagiosité ».
De plus, les CIQ croient savoir que « en dehors des sportifs qui utilisent les voies destinées aux vélos, et en général, le week-end, peu de personnes, dans la vie quotidienne, sont des utilisateurs réguliers, que ce soit pour aller au travail, pour accompagner les enfants aux écoles ou pour faire les courses alimentaires ». Autres arguments avancés : une « pyramide des âges » qui serait défavorable, « en raison notamment du nombre de seniors et de jeunes enfants », et notre « région vallonnée ». Ainsi, pour la confédération, l’aménagements de voies cyclables temporaires « ne peut se faire au détriment de la circulation automobile, voire des piétons ».
Une position pas du goût de Cyril Pimentel, président du Collectif Vélos en Ville, qui dénonce vendredi 15 mai un « communiqué clairement anti-vélos ». « Certains y voient un affront, un scandale et d’autres une maladresse supplémentaire de la part des CIQ » abonde-t-il, disant avoir « identifié depuis bien longtemps déjà des réticences au changement qui ont ralenti la réalisation de la piste cyclable de la Corniche d’une quinzaine d’années ». « Nous ne répondrons pas, point par point, aux inepties contenues dans ce document » tranche-t-il enfin, se refusant à croire que le point de vue affiché par la confédération générale des CIQ soit partagé par l’ensemble des ses membres. Avec la reprise prochaine de la campagne municipale, le débat sur le vélo devrait désormais rebondir sur le terrain électoral. A ne pas manquer le face à face politique organisé par Gomet’ aujourd’hui de 11h à 11h30 en direct sur notre page Facebook en présence de Sébastien Barles (EELV) et Marine Pustorino (DVD).
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