Les aires marines protégées, avec dans notre région notamment le Parc national de Port Cros, ont été vécues souvent comme des freins à l’activité touristique ou halieutique. Le Plan bleu vient de sortir une étude, très fine, sur les coûts et bénéfices de ce dispositif de protection de la biodiversité. Constantin Tsakas, chef économiste du Plan bleu fait pour Gomet’ le bilan objectivé de ces aires marines à travers le rapport final (1) discuté lors des Rendez-vous du Plan bleu.
Les aires marines protégées (AMP) se dressent comme des gardiennes de la biodiversité marine et des écosystèmes fragiles. Mais elles sont plus qu’un simple sanctuaire écologique et incarnent aussi un espoir pour le développement socio-économique des communautés côtières, un aspect souvent moins reconnu. La récente étude socio-économique menée par le Plan Bleu sur les aires marines protégées en France, notamment le parc national de Port Cros et la réserve naturelle marine de Cerbère Banyuls, met en lumière les coûts et bénéfices induits par les aires marines protégées et souligne la pertinence de ces dispositifs.
Un rôle positif pour les intérêts collectifs et particuliers
La démarche de l’étude comprenait plusieurs étapes clés : cadrer les activités du projet en comprenant les spécificités des deux cas d’étude et en organisant des focus groupes ; évaluer les coûts et bénéfices des mesures de protection via la collecte et l’analyse de données, des entretiens semi-directifs avec les acteurs clés et une revue de littérature ; et enfin, rédiger et valider le rapport final de l’étude.
Il apparaît que les aires marines protégées jouent un rôle significatif tant sur le plan collectif que particulier. Plus précisément :
Leur objectif principal est de préserver et d’améliorer la biodiversité et l’état des écosystèmes marins. Les résultats de l’étude montrent que cet objectif est pleinement atteint. Par exemple, les mesures de protection dans le parc national de Port Cros ont permis une amélioration significative de la biodiversité, avec une valeur estimée à 48,7 millions d’euros par an en termes de services non marchands. En outre, l’interdiction d’ancrage et le mouillage organisé ont permis une augmentation de la séquestration de carbone, évaluée entre 1,3 et 1,4 million d’euros par an dans la réserve de Cerbère Banyuls, et 22,5 millions d’euros par an à Port Cros. Les herbiers de Posidonie sont des puits de carbone majeurs, leur conservation et restauration constituent un véritable atout pour lutter contre le réchauffement climatique, contribuant aussi à améliorer le bien-être des communautés locales.
Les aires marines protégées touchent divers secteurs et activités. Les mesures de protection mises en place dans ces aires génèrent un impact globalement positif, notamment en favorisant le secteur touristique. Les AMP attirent des touristes, ce qui se traduit par des dépenses annuelles considérables, évaluées à 154 millions d’euros dans le parc national de Port Cros. En outre, les restrictions à la plongée, telles que l’accès limité et les zones interdites, contribuent à la préservation des sites de plongée et augmentent le plaisir des plongeurs. À Banyuls, cette augmentation est estimée à 6,2 millions d’euros par an en retombées économiques. Globalement, les visiteurs bénéficient d’un bien-être accru issu de l’interaction avec la nature, avec une valeur non marchande estimée à 513 millions d’euros par an à Port Cros.
L’impact sur la pêche est varié et complexe à évaluer de manière précise. Cependant, les mesures de protection peuvent conduire à une augmentation des captures et de la qualité des prises sur le long terme. Dans la réserve naturelle de Cerbère Banyuls, les meilleures captures attribuables aux aires marines protégées génèrent des revenus de 35 000 € par an. À Port-Cros, les revenus engendrés par de meilleures captures sont estimés entre 21 000 euros et 76 000 euros. Les retours des pêcheurs suggèrent une satisfaction globale malgré les restrictions imposées.
Réflexions et recommandations pour l’avenir
Comme souligné lors de l’atelier de présentation de l’étude du Plan Bleu, l’importance d’une approche multi-acteurs dans la mise en place des aires marines protégées est cruciale pour leur succès. L’implication des parties prenantes, y compris les gestionnaires, les pêcheurs, les représentants du secteur touristique et de la restauration, les chercheurs et les communautés locales, assure que les diverses perspectives et besoins sont pris en compte. Le succès d’une aire marine protégée repose également sur les incitations qu’elle offre, telles que des bénéfices économiques directs et indirects, pour satisfaire les intérêts de tous, en particulier ceux des communautés locales qui dépendent de ces ressources.
Par ailleurs, pour garantir la viabilité à long terme des aires marines protégées, il est essentiel de développer un modèle économique durable. Ce modèle doit inclure des mécanismes de financement diversifiés, qui pourraient comprendre à la fois des subventions initiales, souvent essentielles pour démarrer, et un système de droits d’entrée pour les visiteurs qui permettraient de couvrir les frais de fonctionnement. Cela garantirait que les AMP disposent des ressources nécessaires pour poursuivre leurs efforts de conservation tout en soutenant le développement économique local.
Protéger la richesse des océans tout en aidant les populations locales à prospérer.
Constantin Tsakas, chef économiste Plan Bleu
Pour approfondir la compréhension de l’impact des aires marines protégées, il est essentiel de mener davantage d’études. Il est recommandé d’évaluer plus en détail les retombées directes et indirectes, notamment en termes d’emplois. De plus, il est crucial de comprendre comment les communautés locales s’adaptent aux mesures de protection. Une approche comparative entre différentes aires marines protégées permettrait aussi d’identifier les pratiques de gestion les plus efficaces selon les contextes. Il est important de noter que l’objectif n’est pas d’imposer un modèle unique, car certains modèles peuvent mieux fonctionner selon les pays. Il est crucial de favoriser les échanges sur ce sujet, y compris entre différentes aires marines protégées, pour partager les meilleures pratiques et adapter les solutions aux contextes locaux spécifiques.
Le Plan Bleu demeure engagé dans l’étude de cette problématique, s’efforçant de trouver des solutions pour que chaque aire marine protégée puisse protéger la richesse des océans tout en aidant les populations locales à prospérer.
Constantin Tsakas, chef économiste du Plan Bleu
Lien utile :
L’étude du Plan Bleu Évaluation des coûts et bénéfices induits par des mesures de protection dans deux aires marines protégées françaises
(1) Elle a été discutée lors des Rendez-vous du Plan Bleu #8 le 2 juollet 2024 : Les coûts et bénéfices des Aires Marines Protégées (AMP), évènement organisé en partenariat avec l’Institut Océanographique de Monaco dont l’enregistrement est accessible.