Corinne Vezzoni, l’architecte et urbaniste vedette, basée à Marseille, explique comment son travail s’organise face à la pression climatique. Pour réduire l’impact carbone de ses projets, elle mise sur le « faire avec » en tenant compte du contexte d’implantation et puise dans les ressources de la nature. Corinne Vezzoni interviendra mardi 3 juin à La Coque à Marseille lors de la matinale Les Défis de la décarbonation tertiaire organisée par Engie en partenariat avec Gomet’.
Comment la pression climatique, de plus en plus vive, a-t-elle influencé votre travail au cours des dernières années ?
Corinne Vezzoni : Je peux dire que dès nos tous premiers projets, la question du sol a été primordiale. Comment économiser le maximum de terrain pour le restituer à la nature et à la pleine terre.
Nous avons toujours compacté nos projets, comme par exemple aux Archives Départementales en 1999 où nous avions proposé de superposer les deux bâtiments sur un des deux terrains afin d’en libérer un pour offrir un square au quartier.
Par la suite, la pression climatique nous a conduit à aller plus loin dans nos réflexions sur les matériaux et sur l’inertie thermique des bâtiments. Par exemple, nous nous sommes rapprochés de l’industrie de la sidérurgie de Fos-sur-Mer pour utiliser les rejets et les incorporer dans nos bétons de façon à réduire les quantités de ciment très consommateur en carbone.
Corinne Vezzoni : « Optimiser, comme le faisait nos aînés »
La question climatique impose une protection importante aux éléments naturels. En Méditerranée, la pente est un atout considérable pour les villes. Construire dans la pente, s’y adosser permet de bénéficier de l’inertie thermique de la terre et offre une multitude de toits terrasses qui peuvent être exploités pour des usages divers. Si on sait optimiser, comme le faisaient nos ainés, la pénétration du soleil, si on sait se protéger des expositions les plus défavorables, on règle déjà bien des choses.
En tant qu’architecte et urbaniste, quelle stratégie avez-vous adoptée pour diminuer le poids carbone de vos projets ?
Corinne Vezzoni : La diminution du poids carbone se joue sur plusieurs critères. Le choix des matériaux en fait bien sûr partie. Comment choisir des matériaux réutilisables ou transformables, qui sont peu consommateurs en énergies dans leur fabrication ?
Sur le plan urbain, il est bien sûr important d’analyser ce qui est déjà là et que l’on peut transformer. Outre les bâtiments, je pense en particulier à nos zones commerciales qui sont des gisements extraordinaires. Ces zones déjà viabilisées et déjà minéralisées doivent devenir les nouveaux quartiers des villes car elles sont extrêmement bien situées : la plupart du temps aux portes de la nature est déjà desservies par les réseaux viaires.
« Eliminer ces millions de surfaces minéralisées et planter, planter, planter » (Corinne Vezzoni)
Plutôt que d’aller consommer du sol ailleurs, améliorons ce qui est déjà là. Il faut bien sûr éliminer ces millions de surfaces minéralisées et planter, planter, planter.
Concernant les ressources énergétiques des bâtiments ou quartiers que vous concevez, comment les intégrez-vous dans vos conceptions architecturales ou urbanistiques ?
Corinne Vezzoni : En premier lieu, nous travaillons avec le contexte dans lequel nous devons implanter le projet. Le contexte peut être social, paysager, urbain. Analyser l’histoire d’un site nous donne beaucoup de clefs de réponses.
Par exemple à Toulon, nous nous sommes rapprochés des anciennes carrières du Revest qui ont donné la couleur particulière à cette ville, nous avons guidé le parcours de l’eau qui arrive du Mont Faron. Nous rendons hommage aux traces historiques qu’a connu ce site et conservons le bâti encore présent. De plus, pour offrir un espace naturel le plus grand possible, nous avons superposé des programmes qui n’étaient pas destinés à être liés. Ainsi, la surface bâti et l’impact au sol sont optimisés.
D’une autre façon, à The Camp à Aix-en Provence, nous sommes en pleine nature et nous proposons de circuler à l’air libre en supprimant halls et couloirs. Ainsi, il ne reste qu’un grand toit géant qui protège de la pluie et du soleil. Il n’y a plus ni à chauffer ni à ventiler, ni à éclairer artificiellement escaliers et halls, ce qui permet d’éviter de consommer de l’énergie inutile. De grands impluviums récupèrent les eaux de pluie et apportent de la lumière naturelle.
L’usager se retrouve au contact direct de la nature.
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